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Quotas d'immigrés pour certains emplois, trois mois de carence pour les demandeurs d'asile avant d'accéder à la Sécu de base, Edouard Philippe détaille mercredi ses mesures sur l'immigration déjà largement dévoilées et controversées.
Ces décisions ponctuent une longue séquence initialement voulue par l'exécutif, désireux de ne pas laisser ce thème à la droite et l'extrême droite, mais qui lui a ensuite échappé en déviant ces dernières semaines, notamment sur le port du voile et la laïcité.
Le Premier ministre devrait égrener, à l'issue d'un Comité interministériel sur l'immigration, une vingtaine de mesures déjà exposées lundi soir à une partie de la majorité présidentielle et qui ont largement fuité: en particulier l'instauration d'un délai de carence de trois mois avant que les demandeurs d'asile ne puissent accéder à la Protection universelle maladie (PUMa, la sécurité sociale de base), et la nécessité d'un accord préalable de la Sécu pour certains actes non-urgents dans le cadre de l'Aide médicale d'Etat (AME).
Des "quotas" ou "objectifs chiffrés" d'immigrés "professionnels" vont eux être fixés chaque année, dès l'été 2020, pour que la "France recrute" en fonction de ses besoins de travail, a ajouté mardi la ministre du Travail Muriel Pénicaud.
La "liste des métiers en tension", "pas actualisée depuis 2008", va être revue "avec les partenaires sociaux, les régions", a précisé le secrétaire d'Etat Gabriel Attal.
Quatre semaines après le premier débat annuel au parlement sur l'immigration, Edouard Philippe a insisté sur un plan d'ensemble qui se veut entre "ouverture" et "fermeté", avant un nouveau débat en 2020 pour évaluer l'impact des mesures.
Le sujet des quotas en matière d'immigration a resurgi en janvier, lorsqu'Emmanuel Macron, en pleine crise des "gilets jaunes", pourtant longtemps opposé à cette idée, avait évoqué dans sa lettre aux Français des "objectifs annuels".
- "Ecran de fumée" -
Le nombre de titres de séjours délivrés pour des raisons économiques (près de 33.502 en 2018) ne représente qu'une petite partie des quelque 255.956 titres octroyés en 2018, selon les chiffres officiels provisoires.
Ce qui a conduit le Rassemblement national à crier à "l'escroquerie politique". La cheffe du RN, Marine Le Pen, a dénoncé "un enfumage généralisé" qui amène, selon elle, a "encore plus d'immigration".
Un sentiment partagé au sein des Républicains, qui s'interrogent sur un éventuel "écran de fumée", après avoir salué, comme le député Eric Ciotti, la récente "conversion" d'Emmanuel Macron à l'idée de quotas.
La droite, qui avait déjà portée en 2007 cette idée avec l'ex-président Nicolas Sarkozy, l'avait finalement abandonnée après un rapport en 2014 qui avait conclu à son inefficacité.
"Est-ce qu'avec six millions de chômeurs, l’urgence ce n’est pas de trouver de l’emploi aux Français ?", a renchéri mardi soir la cheffe du RN sur FranceInfo.
Une position défendue par certains: le président de la fédération française du bâtiment Jacques Chanut, a souhaité "qu'on optimise le système de formation des chômeurs".
A l'inverse, Franck Trouet, du Groupement national des indépendants de l'hôtellerie-restauration, espère lui "un appel d'air" de plusieurs milliers de personnes qui va "consolider l'emploi de certains français" en évitant de devoir supprimer des services faute de personnel.
- "Subterfuge" -
Le chef de file des écologistes d'EELV Yannick Jadot s'est dit prêt à discuter des quotas s'ils permettent de "sortir du fantasme que nous sommes envahis" tout en espérant que ce ne soit pas un "subterfuge" du gouvernement "pour ne pas parler" des préoccupations sociales des Français. Il dénonce comme la gauche les mesures sur l'AME et la PUMa.
La gauche accuse Emmanuel Macron de droitiser sa politique pour séduire un électorat qui s'est éloigné de LR.
Critiques aussi dans le monde syndical: Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, s'est dit "choqué" par ces mesures, regrettant qu'on n'écoute pas plus les associations d'aide aux migrants et exclus qui, pour leur part, ont dénoncé des mesures "inutiles", voire "dangereuses".
Le chef de l'Etat est aussi accusé d'alimenter des débats qui feraient le jeu de Marine Le Pen, donnée au coude-à-coude avec lui au premier tour en 2022 par deux récents sondages.
"Macron a choisi son assurance vie: elle s'appelle Marine Le Pen", a affirmé mardi le député PCF Sébastien Jumel.