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Il est l'avocat des stars d'Hollywood, celui qui fit acquitter Michael Jackson d'accusations d'abus sexuels sur enfants. Aujourd'hui, Tom Mesereau tente de faire innocenter l'ex-légende de la télévision Bill Cosby, première célébrité en procès à l'heure de #MeToo.
Avec son casque de cheveux blancs et son imposante stature, Mesereau est immédiatement reconnaissable. Pourtant, à 67 ans, ce ténor du barreau de Los Angeles est au tribunal étonnamment tranquille, un peu lourd.
Cérébral et discret, il n'a rien du personnage de théâtre qu'aiment souvent incarner les célèbres avocats américains. Souvent, il reste assis, droit et silencieux au côté de son client.
Mais quand il décide de monter au pupitre, ses coups sans pitié portés à la crédibilité et à la cohérence des propos des témoins font frissonner les défenseurs des victimes.
Un témoin pour l'accusation l'a qualifié de "sordide", jugeant sa tactique "répugnante". Mais même ses adversaires reconnaissent qu'on ne peut pas faire mieux pour défendre le héros déchu du "Cosby Show", qui incarna longtemps droiture morale et ascension sociale noire avant qu'une soixantaine de femmes ne l'accusent de les avoir abusées au fil des années.
- Défenseur bénévole des Noirs -
Les amis de Mesereau soulignent son intégrité, citant ses décennies de travail bénévole au service d'accusés noirs comme preuve de son engagement pour la justice.
"Il n'y a pas meilleur que lui en contre-interrogatoire", estime Charles Salvagio, avocat et ami de Mesereau qui travaille avec lui à titre bénévole dans l'Alabama depuis 1998.
"Il vous prend par la main, vous ne savez pas où il vous emmène, jusqu'à ce que tout d'un coup, il vous assomme avec un truc".
Dès sa plaidoirie d'ouverture, Mesereau a lancé une attaque électrique contre l'accusatrice Andrea Constand.
Il l'a qualifiée de menteuse, obsédée par l'appât du gain, jouant avec les émotions d'un Cosby affaibli par le meurtre de son fils unique en 1997. C'est ainsi que Mme Constand aurait, selon Mesereau, obtenu 3,4 millions de dollars de dédommagements après un accord à l'amiable négocié entre avocats.
"Une arnaqueuse, Mesdames et Messieurs les jurés. Et nous allons le prouver", a-t-il affirmé, annonçant une stratégie très différente de celle suivie par Brian McMonagle, l'avocat qui défendit Cosby lors d'un premier procès en juin dernier, qui se solda par un jury divisé et une annulation.
Lors du contre-interrogatoire d'Andrea Constand, potentiellement crucial pour l'issue du procès, cette ex-basketteuse de 45 ans a dû concéder plusieurs incohérences dans le récit qu'elle avait livré aux jurés de son agression supposée par Cosby en 2004.
Mesereau a aussi déstabilisé deux autres témoins de l'accusation, Janice Baker-Kinney et Janice Dickinson, qui affirment elles aussi avoir été abusées par Cosby, en les interrogeant longuement sur leur consommation de drogues.
- "Extraordinaire défenseur"
Le juge Steven O'Neill lui a interdit de questionner Mme Constand sur sa consommation de champignons hallucinogènes et de marijuana. Mais O'Neill, qui présidait déjà au premier procès, a reconnu que Mesereau était "un extraordinaire défenseur".
Fils d'un ex-lieutenant-colonel de la Seconde guerre mondiale, Tom Mesereau a fréquenté les meilleures écoles, Harvard et la London School of Economics, avant de faire son droit à l'Université de Californie. Il a d'abord été procureur dans cet Etat avant de rejoindre un cabinet d'avocats.
Mike Tyson fut son client en 2001: Mesereau réussit alors à faire abandonner des poursuites pour viol contre le célèbre boxeur.
Mais c'est en défendant avec succès Michael Jackson en 2005 qu'il se fait connaître du grand public. Il le fait acquitter des 14 chefs d'inculpation qui pèsent contre lui, bien que le chanteur de "Thriller" eut reconnu partager volontiers son lit avec des enfants.
En mai dernier, il fait acquitter un Noir accusé d'avoir assassiné un ancien soldat blanc ayant servi en Irak, une affaire nourrie de tensions raciales au verdict attaqué par le Ku Klux Klan.
Comme pour Michael Jackson, le célèbre avocat évite les nombreux journalistes suivant le procès Cosby. Et laisse souvent la main à ses collègues de la défense, presque toutes des femmes, comme lorsqu'il a laissé Kathleen Bliss contre-interroger deux autres femmes accusant Cosby de les avoir abusées.
Mais quand il se présente poliment aux témoins, "mon nom est Tom Mesereau et je représente M. Cosby", tout le monde sait que l'offensive approche.
S'il obtient l'acquittement de Cosby, sa réputation comme ultime recours pour célébrités en difficulté sera faite.
"M. Mesereau fait du mieux possible étant donné les circonstances", a reconnu Gloria Allred, avocate spécialisée dans la défense des victimes d'abus sexuels, qui représente notamment plusieurs des accusatrices de Bill Cosby. "Il faut attendre de voir ce que les jurés décideront".