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L'idée d'une réforme de l'impôt sur les successions, impôt honni des Français mais source d'aggravation des inégalités de patrimoine, revient dans le débat à la faveur de plusieurs études économiques, tandis que le sujet divise nettement les candidats à la présidentielle.
Une note du Conseil d'analyse économique (CAE), organe chargé de conseiller le gouvernement, apporte mardi une nouvelle contribution sur ce sujet ultra sensible.
Constatant, chiffres à l'appui, que l'héritage "revient en force" et que le système actuel de taxation renforce les inégalités de patrimoine et d'opportunités, ce document recommande une réforme "en profondeur".
Aujourd'hui, "il devient indispensable d'avoir hérité pour avoir accès au plus haut niveau de vie", indique l'économiste Camille Landais, un des auteurs de la note.
Actuellement en France, l'héritage est taxé au décès d'une personne, ses héritiers étant imposés avec un taux progressif en fonction du montant du patrimoine transmis. Mais de nombreux abattements et exemptions permettent, surtout aux plus aisés, de réduire les montants payés.
Au total, "40% du patrimoine transmis échappe au flux successoral" appréhendé par l'administration fiscale, soulignent les auteurs de la note, qui proposent de réduire ou supprimer les exemptions et de taxer les successions non plus au moment du décès d'une personne, mais sur l'ensemble des sommes ou biens reçus par un individu tout au long de sa vie.
Ce système, en place en Irlande, a déjà été défendu récemment par l'OCDE et en juin dernier par le rapport des économistes Olivier Blanchard et Jean Tirole commandé par Emmanuel Macron sur les défis économiques de l'après-crise.
Ces mesures visent à rendre l'impôt sur les successions plus progressif, en augmentant les sommes payées sur les successions les plus importantes.
Une hausse jugée également salutaire par le Fonds monétaire international (FMI) en avril dernier, dans un contexte de dégradation des finances publiques des Etats avec la crise sanitaire.
- Clivages politiques nets -
La question d'une réforme de l'impôt sur les successions revient régulièrement dans le débat public. Soulevée par certains membres de la majorité en 2018, elle avait été évacuée par Emmanuel Macron: "Arrêtez d'emmerder les retraités", avait-il lancé à des collaborateurs, ajoutant qu'"on n'y toucher(ait) pas" tant qu'il serait à l'Elysée.
Le sujet est sensible: cet impôt est un des plus détestés des Français, rappelle le CAE, souvent par méconnaissance de son fonctionnement, et alors même qu'il pourrait davantage réduire les inégalités.
"On est très conscients du fait que c'est un débat compliqué. Mais on veut mettre des éléments de rationalité dans ce débat", défend Philippe Martin, président délégué du CAE.
Ce thème est en tout cas au coeur des propositions de la plupart des candidats à la présidentielle, même si tous n'ont pas encore détaillé leur programme. Et avec des clivages nets.
A droite et à l'extrême droite, on défend plutôt un allègement de la fiscalité sur les donations. Un parent peut actuellement donner 100.000 euros sans payer d'impôt à ses enfants, et cela tous les 15 ans.
Durant la primaire des Républicains, Valérie Pécresse défendait l'idée d'un "choc de transmission de patrimoine", avec des donations de 100.000 euros désormais défiscalisées "tous les six ans".
De son côté, Marine Le Pen veut réduire les délais entre deux donations à 10 ans et les étendre aux grands-parents. Elle propose aussi d'exonérer de droits de succession les biens immobiliers jusqu'à 300.000 euros "pour favoriser l'enracinement et la transmission". Eric Zemmour souhaite, lui, supprimer les droits de succession sur les transmissions d'entreprises familiales.
A gauche, c'est le mouvement inverse et les propositions visent à davantage imposer les successions et donations.
Jean-Luc Mélenchon veut notamment créer un héritage maximum pour les plus grandes fortunes.
Anne Hidalgo n'a pas encore dévoilé de proposition précise, mais une proposition de loi signée par de nombreux députés socialistes, rejetée par la majorité, défendait une réforme partageant la proposition du CAE sur la prise en compte de toutes les sommes perçues par un individu tout au long de sa vie, en y ajoutant un abattement pour tous de 300.000 euros.