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"Impossible de manger dehors": des milliers de mouches envahissent le village ardennais de Moircy depuis quatre ans, des habitants sont à bout

Certains habitants de Moircy (une section de la commune de Libramont-Chevigny, province de Luxembourg) doivent faire face à une véritable invasion de mouches chaque été. 

"C’est catastrophique", lance Chantal. L’Ardennaise de 61 ans nous a écrit via le bouton orange Alertez-nous, car elle n’en peut plus de subir ce qu’elle décrit comme une "invasion de mouches à Moircy".

Ce problème n’est pas récent. Selon elle, cela fait au moins quatre ans que des habitations et jardins de ce village de Libramont sont infestés de mouches. Mais, "cette année, c’est pire que tout".

 C’est quasi impossible de manger dehors

Chantal n’habite plus à Moircy. Mais elle y loue en ce début d’été un gîte. "C’est quasi impossible de manger dehors. Quand j’ai un verre, il y a six mouches dessus. Je n’ose même plus sortir un aliment du frigo". Et les mouches, dit-elle, rentrent aussi à l’intérieur du gîte.

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Elle ne sait plus quoi faire pour chasser les insectes : "J’ai acheté un spray, j’ai mis des bandes collantes. Il y a des bandes aux vitres. On a mis aussi une moustiquaire devant la porte d’entrée. Les fenêtres, on n’ose pas les ouvrir. Uniquement le soir quand on va se coucher, on ouvre un peu parce que pour le moment avec ces températures, ce n’est pas possible de vivre avec les fenêtres fermées".

Malgré tout cela, les mouches continuent de perturber Chantal et ses proches : "C’est infernal. Avant de sortir, je mets le spray et quand je rentre, j’ai parfois du mal à respirer à
cause du produit. Mais il y en a encore, certaines sont résistantes. Mon compagnon est venu une semaine, mais là il est rentré parce qu’il n’en pouvait plus"
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Et le couple n’est pas le seul à être importuné par la présence intempestive de centaines, de milliers de mouches : "La commune de Libramont n’en peut plus de recevoir des appels. Tout le monde se plaint. Il y a des réunions. Mais, pour le moment, il n’y a rien qui se fait", estime-t-elle. 

Tant qu’on ne sait pas d’où les mouches viennent, il est difficile de faire quelque chose

"Si le problème continue, je pense que je n’aurai plus trop envie de revenir, parce que vraiment cela dégoûte de manger dans ces conditions, ce n’est pas possible", confie encore la vacancière. 

La bourgmestre de Libramont-Chevigny, Laurence Crucifix, confirme le problème dénoncé par Chantal : "Les mouches sont anormalement nombreuses"

Confrontée aux interrogations des citoyens qui estiment que "ça ne bouge pas", elle dit "prendre ce sujet très au sérieux". "On a des contacts réguliers avec les habitants. Tant qu’on ne sait pas d’où les mouches viennent, il est difficile de faire quelque chose". Des analyses sont réalisées en ce moment, précise-t-elle. 

Ces analyses sont chapeautées par Rudy Caparros Megido, professeur d’entomologie à la faculté de Gembloux Agro-Bio Tech de l’université de Liège : "On n’a pas encore identifié complètement la source. On a un travail de fin d’études qui a été organisé là-dessus et qui est pris en charge par mon laboratoire".

Le but ? "On essaye avec différents pièges (une dizaine) de localiser la source de ces mouches qui reviennent continuellement depuis quatre, cinq ans", avance-t-il. 

Quelles nuisances pour les habitants de Moircy?

Chaque été, les habitants ont droit aux mêmes désagréments. "Malheureusement pour les personnes en question, durant l’été, ce sont des milliers de mouches qui sont dans leur jardin, sur leur terrasse, qui viennent probablement sur les maisons les plus exposées, se réchauffer au soleil. Puis dès que ces personnes sortent avec de la nourriture ou autre, toutes les mouches arrivent chez elles", souligne le professeur Rudy Caparros Megido. 

"C’est plus du désagrément que du risque en tant que tel", ajoute le professeur Frédéric Francis, le doyen de la faculté de Gembloux Agro-Bio Tech : "Ces mouches ne transmettent pas vraiment de maladie particulière. La seule chose, c’est qu’en se baladant sur différents endroits, sur différents supports, cela peut parfois transporter certaines bactéries et autres qui pourraient aussi potentiellement avoir quelques implications de troubles digestifs, mais il faudrait qu’il y en ait en quantité".

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Comment expliquer la présence massive des mouches? 

"La première chose, c’est de pouvoir localiser, identifier l’espèce bien ciblée pour connaître son régime alimentaire et l’environnement dans lequel on va la retrouver. Ici, on a notamment trouvé une espèce de mouche domestique commune que l’on sait se développer dans des déjections animales. A partir de ce moment-là, on peut cibler les endroits où on va retrouver ces animaux et ces déjections", renseigne le professeur Frédéric Francis.

Pour lui, "c’est lié à la gestion des déjections animales. Si vous nettoyez fréquemment, que vous éliminez cette ressource, cette matrice, pour avoir le développement de larves, vous allez avoir des populations normales de mouches, qui ne seront pas problématiques"

Mais, "si on se retrouve d’une part à avoir beaucoup de matières, qui va servir de substrat disponible pour ces larves et qu’il y a en plus des périodes de chaleur qui vont faire que les cycles de développement des mouches vont se raccourcir, la reproduction va être plus intense. Vous allez avoir un plus grand nombre d’individus. Quand on sait que chaque mouche femelle va pouvoir déposer des dizaines d’œufs par jour, on arrive vite à une croissance exponentielle, avec des aspects d’invasion. Il y a des dizaines ou centaines de milliers de mouches qui peuvent sortir d’un endroit. Et quand elles se disséminent, ça devient gênant pour le voisinage".

Pourquoi faut-il autant de temps pour identifier la source précise de la prolifération des mouches?

Ce n’est pas la première année que la faculté de Gembloux est appelée à la rescousse pour identifier la cause de cette nuisance : "Les années précédentes, on est venu prélever au niveau des productions de poulets pour voir si ça ne venait pas de là mais les installations avaient été justement nettoyées. Et face à des installations propres, on ne peut pas pointer de responsable. On retombait souvent dans ces situations-là", indique le professeur Rudy Caparros Megido. 

C’est pourquoi cette année un protocole a été mis en place, dès le début de la saison : fin avril, début mai. "Préventivement, on a décidé de mettre un certain nombre de pièges à différents endroits potentiellement stratégiques, pour essayer de voir d’où ces mouches peuvent venir".

Les dix pièges sont relevés chaque semaine : "Ce sont donc des tupperwares de 40 centimètres remplis de mouches qui sont collectés dans chaque piège"

Ces collectes viennent d’être arrêtées au premier juillet, "puisqu’on a eu toute la phase exponentielle : de très peu de mouches jusqu’à des quantités astronomiques. Là, normalement on a eu tout le panel d’évolution des mouches".

Concrètement, cela représente certainement "60.000 à 70.000 individus", peut-être plus. "Une fois qu’on aura trié et identifié les mouches, on va pouvoir incriminer telle ou telle piège qui a collecté le plus d’individus", souligne encore le professeur Rudy Caparros Megido. 

Le rapport définitif est attendu pour la fin du mois de juillet. Mais, de premiers résultats à confirmer, sembleraient désigner une exploitation de poulets : "Les pièges, proches de ces installations, ont l’air de donner le plus de mouches".

Quand la source sera formellement identifiée, des conseils pourront être donnés, afin d’empêcher à l’avenir la prolifération intempestive des mouches.
 

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