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"Le Hainaut, un désert d'urgence dentaire": Florine souffre d'une rage de dents et peine à trouver un dentiste pour la soigner

"Le Hainaut, un désert d'urgence dentaire", estime Florine. L'habitante de Chimay a contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous car elle se pose des questions sur la répartition inégale des dentistes dans sa province. 

Fin juillet, une situation concrète, a poussé sa réflexion un peu plus loin après qu'elle ait connu de fortes douleurs dentaires. "J'ai eu une rage de dents. J'ai fait le tour des dentistes sur Chimay, Couvin, Philippeville, et cliniques dentaires ou hôpitaux à Charleroi. Pas moyen d'obtenir un rendez-vous rapidement. Au départ, on m'a dit qu'aucun dentiste ne pouvait me recevoir pour soigner dans les deux semaines. Je suis allée à la clinique dentaire de Marcinelle qui prend les urgences tous les jours de 17h30 à 20h. Avant l'ouverture, il y avait 10 personnes qui faisaient la file dans la rue et dans le vent. J'ai été obligée de me bourrer de médicaments", témoigne Florine.

Chimacienne depuis près de 5 ans, la sexagénaire dit s'être retrouvée pour la première fois dans cette situation. Elle dit observer ce qu'elle appelle être "une pénurie" de dentistes.

"Quand on a déménagé, on a cherché des dentistes dans la région, mais on n’a trouvé personne. J’ai gardé mon ancienne dentiste du côté de Charleroi (à prés de 30 km de chez elle). Ma dentiste est partie en vacances et j’ai eu cette rage de dents à ce moment-là. J’ai commencé à avoir très mal la semaine du 21 juillet. J’ai passé plusieurs coups de fil à plus ou moins dix personnes, j’ai posé des questions sur Facebook... J’ai fait plusieurs dentistes, mais on me demandait d’attendre plus d’un mois. Dans les hôpitaux de Charleroi, ils ont été plus sensibles pour trouver un rendez-vous. On a trouvé un rendez-vous, mais c’était 15 jours plus tard. J’avais laissé mon nom sur une liste d’attente, et j’ai eu de la chance qu’il y ait un désistement. J’ai pu être reçue. Le dentiste qui m’a reçu m’a dit qu’il ne pourrait pas me prendre comme cliente, car il est full, full, full, full."

Florine revient également sur la répartition des dentistes autour de chez elle et se demande comment la situation va évoluer. 

"C’est général. Mes voisins cherchent aussi un dentiste après que le leur ait pris sa pension. Si vous n’avez pas de dentiste, les autres dentistes ne veulent plus prendre de nouveaux clients. Mes voisins cherchent à Bruxelles. Ma dentiste avait un collègue qui est parti car il a déménagé. Elle cherche un collègue depuis 2-3 ans. Il y a une pénurie. Le dentiste qui m’a reçu en urgence cherche aussi depuis deux ans, mais personne ne veut venir." 

Si la situation de Florine s'est rapidement résolue et qu'elle a dû attendre moins longtemps que prévu (2 semaines), elle a été victime d’une pénurie qui touche une partie de la Wallonie. 

Comme nous vous l'expliquions il y a quelques mois, à travers l'expérience de David, un habitant de Saint-Ghislain, les données montrent que le nombre de dentistes est suffisant en Belgique, mais la répartition est inégale sur le territoire.

On constate que les provinces de Hainaut, Luxembourg et Namur manquent de dentistes en activité. Selon les derniers chiffres disponibles (établis en 2016), on compte un dentiste pour 1.100 habitants à Bruxelles contre 1 pour 2.500 à Mouscron et 1.200 à Mons. À Arlon, c'est 1 pour 2.153 et 1 pour 2.046 à Dinant.

"Il n’y a pas de problème de pléthore et de pénurie de dentistes, mais malheureusement, il y a une répartition très inégale en Wallonie et à Bruxelles. On se retrouve dans des zones où il y a bien trop peu de dentistes. Ces zones se situent principalement dans le sud du Hainaut, le sud de Namur et toute la province de Luxembourg. Les endroits où il y a beaucoup de dentistes, c’est le Brabant wallon, Bruxelles (avec une répartition inégale), et en région liégeoise", indique Michel Devriese, le désormais ex-président de la Société de Médecine dentaire et expert en la matière.

Une première raison peut expliquer cette répartition. Les dentistes francophones, qui doivent effectuer un stage aux côtés d'un praticien à l'issue de leurs études, le font généralement à Bruxelles et à Liège. Dans les régions où les praticiens sont surchargés, en raison de leur faible présence, accueillir un stagiaire semble être plus compliqué. Les jeunes se préparent à leur métier dans les plus grandes villes et s'y installent ensuite.

Deuxième raison: les dentistes ne veulent pas forcément créer leur cabinet. "Un autre problème qui existe également, c’est que si anciennement, c’étaient des dentistes individuels qui ouvraient des cabinets dentaires, aujourd’hui, on constate que les jeunes dentistes préfèrent travailler dans des cabinets de groupe sans faire eux-mêmes les investissements. C’est quelque chose qui aggrave la problématique de pénurie dans certaines zones car il y a peu d’investissements de ces cabinets de groupe dans des zones en pénurie." 

Le principal défi à présent: recruter des jeunes dans ces zones qui manquent de dentistes. "On a des pays comme la France, qui viennent de prendre des décisions de loi d’installation comme il en existe une en Belgique pour les pharmacies, où on impose une répartition géographique équitable des pharmacies sur le territoire. Ce n’est pas la piste que nous privilégions chez nous", souligne Michel Devriese.

"On aimerait rapidement expérimenter une politique incitative (avec un incitant financier) qui permettrait de diriger l’installation de cabinets dentaires vers les zones en pénurie. Une autre chose qui est extrêmement importante, c’est qu’il y ait des signaux volontaristes du monde politique vis-à-vis des jeunes diplômés, vis-à-vis des maîtres de stage pour identifier ces zones en pénurie et pour diriger les dentistes vers ces endroits." 

Pour Michel Devriese, cela pourrait notamment passer par "des primes aux maîtres de stage dans des régions en pénurie pour leur permettre d'agrandir leurs locaux afin d'attirer un jeune dentiste". Les jeunes diplômés pourraient également se voir octroyer une prime en cas d'installation dans des régions en pénurie.

Par ailleurs, Michel Devriese adresse malgré tout une recommandation à Florine, notre témoin, ainsi qu'aux autres citoyens pour assurer la continuité dans leurs soins dentaires.

"Tout d’abord, il faut recommander d’avoir un dentiste traitant, comme on a un médecin traitant. A partir du moment où on est régulier dans un cabinet dentaire, qu’on fait une visite annuelle, on est connu. Et le dentiste, dans une zone en pénurie, privilégie les patients qui s’inscrivent dans une continuité de soins. Il est très important d’établir une relation de confiance à long terme avec un dentiste de famille. Il est souhaité et prévu que ce dentiste de famille assure la continuité des soins."

Il ajoute que la législation impose "de manière collective" d’organiser une dispense normale de soins urgents. Il existe ainsi deux ASBL à Bruxelles (gardedentaire.be) et en Wallonie (dentistedegarde.be).

"En Wallonie, il y a un service de garde qui fonctionne le week-end. Donc, même un patient, qui n’aurait pas de dentiste, va pouvoir trouver un dentiste qui va pouvoir le recevoir en urgence. C’est organisé de manière réglementaire, de par la loi qualité. Il y a deux sites qui donnent les renseignements. Ce sont des gardes officielles qui pratiquent des prix officiels", conclut Michel Devriese.

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1 commentaire

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  • Pourquoi juste le Hainaut,les autres provinces ne sont peut être pas dans le même cas

    Alain Schmit
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