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David habite à Saint-Ghislain (en province du Hainaut). Il y a quelques semaines, il fait la douloureuse expérience d'un abcès sous une dent. Il décide donc de contacter son dentiste afin d'être pris en charge le plus rapidement possible. "J'ai voulu aller voir mon dentiste attitré pour qu'il fasse une intervention ou du moins pour qu'il me dise ce que je devais faire", raconte-t-il.
Mais il ne s'attendait pas à un tel délai de prise en charge. On lui propose un délai de près de 8 semaines, assure-t-il. "On m'a dit 'Je ne peux rien vous proposer d'autre. J'ai été pris de court, j'ai raccroché. Puis je leur ai envoyé un email en leur demandant qu'on me rappelle, car c'était une urgence", se rappelle cet ingénieur en informatique. Le lendemain, il rappelle le secrétariat de son dentiste avec la ferme intention d'obtenir un rendez-vous en urgence. "Je rappelle, je me présente. Et j'ai exactement la même réponse. J'ai demandé à parler à mon dentiste et on m'a répondu qu'il n'y avait pas moyen", indique David.
David regrette le manque de solutions
Quand on lui propose de figurer sur la liste d'attente, David refuse, insistant sur le fait qu'il s'agit d'une urgence. "On m'a répondu 'Nous ne travaillons pas dans l'urgence'", assure l'habitant de Saint-Ghislain. Aujourd'hui, il regrette le manque de solutions proposées.
On doit s'organiser pour répondre à un besoin réel.
"Certes, je n'allais pas en mourir. Mais c'est inquiétant de voir que les personnes qui sont responsables de votre santé ne sont pas capables de répondre quand vous en avez besoin", précise David. Avant d'ajouter: "Je ne suis pas coutumier de l'urgence mais ça peut arriver. Ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel donc si on est dans ce métier-là, on doit s'organiser pour répondre à un besoin réel".
À Mons, l'agenda de Céline est complet
Si David a finalement pu trouver un autre dentiste, il a été victime d’une pénurie qui touche une partie de la Wallonie. Céline Pham, dentiste à Nimy (Mons) depuis 17 ans, nous le confirme. Son cabinet se compose d'une vingtaine de dentistes et est équipé de 8 salles de soins. Mais malgré tout, aucun rendez-vous n'est disponible avant plusieurs semaines. L'agenda est complet.
Le manque de dentistes explique cette surcharge. "J'ai beaucoup de mal à trouver des collaborateurs", déplore Céline Pham. Avant d'ajouter: "Nous n'avons pas assez de praticiens qui viennent s'installer dans la région. Il faudrait peut-être octroyer des primes pour qu'ils puissent venir en milieu rural, ou faire de l'information auprès des jeunes".
Les données montrent que le nombre de dentistes est suffisant en Belgique. Mais les praticiens sont mal répartis sur le territoire. Ainsi, on constate que les provinces de Hainaut, Luxembourg et Namur manquent de dentistes en activité. Selon les derniers chiffres disponibles (établis en 2016), on compte un dentiste pour 1.100 habitants à Bruxelles contre 1 pour 2.500 à Mouscron et 1.200 à Mons. À Arlon, c'est 1 pour 2.153 et 1 pour 2.046 à Dinant.
Plus de dentistes dans les grandes villes
"C'est un problème difficile à résoudre. Il y a une concentration des dentistes dans les grandes villes", nous éclaire Michel Devriese, président de la Société de Médecine dentaire. En effet, la formation des dentistes francophones se passe à Bruxelles et à Liège. À l'issue du cursus, un stage est à effectuer aux côtés d'un praticien. Dans les régions, pour les praticiens (étant déjà surchargés en raison de leur faible présence), accueillir un stagiaire peut se révéler compliqué. Résultat: les jeunes font leurs armes dans les plus grandes villes et s'y installent ensuite.
Tous les jeunes dentistes n'ont plus envie d'emprunter et de se créer les obligations d'un cabinet.
Autre facteur qui explique la concentration dans les grandes villes : les dentistes ne veulent pas toujours fonder leur propre cabinet. "Anciennement, le dentiste diplômé créait son cabinet dentaire. On n'est plus dans ce schéma-là. On est maintenant dans des notions de cabinet de groupe, de regroupement de dentistes. Et tous les jeunes dentistes n'ont plus envie d'emprunter et de se créer les obligations d'un cabinet qu'ils devront gérer de A à Z", indique Michel Devriese.
Pour pallier cette pénurie, le recrutement de jeunes semble être le défi principal. Le président nous explique qu'une réflexion est faite avec la Région wallonne. On met ainsi en œuvre des politiques d'impulsion. "Certaines communes ont pris des initiatives en proposant par exemple un local à disposition des dentistes. Mais c'est une solution qui ne répond pas aux critères actuels d'un cabinet dentaire. Il n'y a pas que le local, il y a tout l'investissement avec la création d'équipes", assure Michel Devriese.
Des primes pour attirer les jeunes
Pour l'heure, aucune solution concrète n'a été trouvée afin d'attirer davantage de jeunes et ainsi de participer à une meilleure répartition des praticiens sur le territoire belge. Pour la société de médecine dentaire, cela devrait passer par un incitant financier. "C'est peut-être le facteur qui peut déclencher des déclics chez les jeunes", estime Michel Devriese. Cela pourrait par exemple passer par des primes aux maîtres de stage dans des régions en pénurie "pour leur permettre d'agrandir leurs locaux afin d'attirer un jeune dentiste". Pour les jeunes diplômés, on pourrait également penser à leur octroyer une prime en cas d'installation dans des régions en pénurie.
Miser sur la prévention pour éviter les urgences
Les dentistes insistent. Un rendez-vous de contrôle annuel est indispensable. Il permet de travailler en amont pour éviter les urgences. "Le rêve, c'est que tout Belge aille régulièrement chez le dentiste chaque année. La visite annuelle permet d'éviter des problèmes", conclut le président de la société de médecine dentaire qui estime qu'aujourd'hui, il n'y a plus de raisons pour éviter des visites de contrôle.