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"Quand on me voit, l'intérêt redescend": grand brûlé, Patricio cherche désespérément un emploi… en vain

Patricio veut faire entendre sa voix et celle des personnes dans sa "situation". C'est pour cette raison que le grand brûlé a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous. Après avoir travaillé plus de 10 ans dans un centre d'appels, l'homme de 39 ans aimerait se tourner vers un autre secteur. Le hic: entretien après entretien, il se rend vite compte que son physique pose problème aux employeurs.

"Mon but, c'est d'avoir une vie simple", lance Patricio dépité. Pourtant, l'existence de cet homme de 39 ans ne l'a jamais été. Pas depuis qu'il a été gravement brûlé dans l'incendie de sa maison alors qu'il n'avait que quatre mois. S'il garde des séquelles physiques importantes, notamment au visage et aux mains, le Chilien d'origine est en pleine possession de ses capacités psychologiques. Pour autant, "sa situation", comme il l'appelle, lui cause d'énormes soucis sur le marché de l'emploi.

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"J'ai énormément d'expérience dans des domaines non-visibles", témoigne-t-il. Patricio a travaillé pendant une dizaine d'année dans un centre d'appel. Il y a à peu près un an, il en a eu marre et a décidé de chercher dans un autre secteur. C'est là que le bât blesse: "Lors de mes entretiens, je suis confronté aux premiers regards, ça donne toujours l'impression que quand on me voit, en présentiel, l'intérêt redescend." Il continue: "Ça devient directement un frein."

Des entretiens différents des autres

Cette discrimination dont Patricio est victime en permanence, même s'il n'aime pas ce mot, ne s'arrête pas à de simples regards déplacés. Il craint d'être traité différemment pendant les entretiens d'embauche: "Je me demande si on me pose les mêmes questions qu'aux autres candidats. Je comprends les questions liées à mon handicap pour savoir si j'ai besoin d'aménagements, mais il y a parfois d'autres questions qui me semblent complétement hors-sujet."

On se demande ce qu'on fait de mal

Ces occasions manquées liées plus que probablement au physique engendrent beaucoup de "frustration" pour ce Tubizien: "On se demande ce qu'on fait de mal, où est l'obstacle." D'autant plus qu'il l'assure, il peut "accomplir le même travail que n'importe qui". Il va même plus loin en estimant que son parcours et les difficultés qu'il a rencontrées lui ont permis de développer des compétences très utiles sur le marché de l'emploi comme "la faculté d'adaptation et l'empathie".

"Dépasser le choc"

Faire valoir ces facultés sur le marché du travail, c'est une des missions de la Fondation des brûlés: "Il est essentiel de parvenir à dépasser cette notion de choc quand on voit quelqu'un qui a des cicatrices importantes, notamment au niveau du visage. La personne a une expérience de vie, des compétences et au-delà des cicatrices, peut apporter quelque chose à l'entreprise", avance Jean-Pierre Arnould, administrateur délégué de la fondation.

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Il affirme que le cas de Patricio n'est pas isolé: "Malheureusement, c'est une situation à laquelle on est confronté régulièrement." La fondation propose un soutien administratif, juridique, mais aussi social et psychologique. Pour ce faire, elle propose parfois à des personnes comme notre alerteur de les accompagner à un entretien d'embauche pour "dédramatiser la situation": "Expliquer aux employeurs qu'il y a des cicatrices, mais que la personne n'est pas contagieuse, que ça ne risque pas de poser de problèmes."

À l'employeur de se défendre

"Pour qu'il y ait discrimination sur une caractéristique physique, il faut que la personne soit traitée différemment en raison de cette caractéristique", souligne Nathalie Denies, cheffe du service protection chez Unia.

Or, la discrimination est attaquable en justice: "On considère que dès qu'il y a suffisamment d'indices entre les mains de celui qui invoque la discrimination, c'est à l'employeur de prouver qu'il avait une autre raison de ne pas recruter la personne." Nathalie Denies précise toutefois que le contre pour l’égalité des chances privilégie toujours la négociation avant d'envisager d'aller en justice. Toute personne qui se sent discriminée peut se tourner vers Unia.

Quant à Patricio, tout ce à quoi il aspire dans l'immédiat, c'est de "pouvoir retrouver un travail et un rythme de vie."

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Commentaires

2 commentaires

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  • Il faut continuer à valoriser ses compétences et ses différentes expériences professionnelles. Conseil pour Patricio : peut-être tenter une coiffure plus courte pour l'entretien d'embauche. Sinon, je crois globalement que la recherche d'emploi reste difficile en Belgique, que l'on soit ou non porteur de cicatrices de brûlures. Je souhaite à Patricio un plein succès dans ses recherches professionnelles.

    André CESAR
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  • Quel autre secteur l'intéresse ? Ce serait bien de le préciser, ça pourrait interpeller un employeur qui aurait envie de lui venir en aide. Mais si on ne sait même pas dans quel domaine il veut travailler, c'est impossible.

    roger rabbit
     Répondre