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Robert réalise son "rêve d'enfance" après plus de 50 ans d'enquête: né au Congo, il cherchait son père belge

Après plus d'un demi-siècle d'investigation, Robert Lendo, né au Congo en 1956, sait désormais avec certitude qui est son père belge. Un test ADN avec son demi-frère à l'hôpital Erasme à Bruxelles a permis de combler "un grand vide" en lui. "Je ne pensais pas pouvoir retrouver un jour ma famille en Belgique", raconte l'habitant de la ville de Boma, en République démocratique du Congo. "C’était une très grande émotion, une grande surprise car je ne m’y attendais pas." 

Avant d'arriver à cette délivrance, Robert Lendo a effectué des recherches durant de très nombreuses années sans jamais perdre espoir. 

Enfant d'une mère congolaise et d'un père belge, il a commencé à se poser beaucoup de questions à l'adolescence. "J’ai demandé à ma mère d’où je venais car j’étais différent des autres enfants de par ma couleur de peau", confie-t-il.

Pourquoi suis-je resté au Congo?

Son père belge, Roger Taymans, travaillait à l'époque à Otraco (L'Office des Transports Coloniaux), au service comptabilité. Ce sont les rares informations que Robert Lendo a reçues de la part de sa maman. Son papa ne l'a officiellement pas reconnu et a quitté le Congo.

"J'ai demandé à ma mère ‘Pourquoi suis-je resté au Congo ?’. Elle m’a dit que si elle m’avait laissé partir je ne l’aurais pas connue. J’ai commencé à effectuer des recherches. Je ne pouvais pas voir un blanc d’origine belge sans aller lui parler", raconte-t-il.

A 18 ans, il a fait la rencontre d'un employé d'Otraco, qui a été touché par son histoire. 

"Ce monsieur avait aussi une femme congolaise. Il a commencé à m’aider, à écrire des lettres, car il connaissait un des amis de mon papa. Cet ami a répondu, mais en disant que mon papa avait déménagé sans donner la nouvelle adresse ou des coordonnées. Au consulat, à Matadi, ils avaient des bottins avec des noms et adresses des habitants de Bruxelles. J’ai retrouvé le nom de mon père là-bas. J’ai écrit à ces adresses-là et je n’ai pas reçu de réponse. Je suis aussi allé à Kinshasa pour pouvoir consulter des archives, mais on n’avait toujours rien. J’ai aussi été à l’ambassade belge où j’ai été reçu par le chargé des affaires humanitaires, et j’ai demandé s’ils avaient des infos sur les blancs qui ont travaillé à l’époque coloniale. Toutes ces démarches n’ont pas abouti", poursuit-il.

Plusieurs années plus tard, les enfants et membres de la famille de Robert Lendo ont "pris le relais" et ont commencé à "fouiller sur internet". Des courriers et mails ont été envoyés aux différents niveaux de pouvoir en Belgique (au Premier ministre, au Sénat, en passant par le Ministère des affaires étrangères...). "J’ai envoyé les informations que j’avais sur mon père." 

En 2019, c'est finalement en entrant en contact avec Kind & Gezin (le pendant flamand de l'ONE (l'Office de la Naissance et de l'Enfance)), qu'il va apprendre que son père est décédé en 2011. Il va également découvrir qu'il a deux demi-frères, nés au Rwanda (en 1962 et 1967), et qui vivent actuellement en Belgique. "J’ai voulu écrire à mes demi-frères, qui n’ont pas donné de suite. Ils se méfiaient et ont mis de côté mes lettres", relate-t-il. "Grâce à internet, mes enfants ont retrouvé les enfants d'un de mes demi-frères, le plus jeune, avec qui je suis à présent en contact. Ils ont communiqué et ils étaient très enthousiastes, mais mon demi-frère préférait faire des investigations." Pour le convaincre, d'autres membres de la famille sont intervenus.

Mon oncle disait qu’il allait mourir sans connaître sa famille

Agnès, la petite cousine de Robert Lendo, a participé aux différentes recherches. Habitant à Courtrai, elle a aidé à organiser les retrouvailles tant attendues. Un projet qui n'a pas été simple à faire aboutir. 

"Avant de rejoindre la Belgique en 2005, mon 'oncle' Robert m’a dit 'Agnès, il faudrait vraiment m’aider à retrouver mon père'. Sa fille a rejoint l'Europe en 2017, et venait ici régulièrement en vacances. On s’est dit qu’on allait plus s’investir pour retrouver son grand-père. On a envoyé beaucoup de courriers. A la Ville de Liège, nous avons demandé l’acte de naissance du potentiel grand-père, mais on nous a donné l’acte de décès. Et là, nous avons eu l’adresse exacte", raconte-t-elle. 

Agnès s'est ainsi rendue à Liège en 2019 et a sonné à la porte de la maison où vivait le papa de Robert Lendo. "Sa femme qui habitait toujours là était un peu choquée. On a dit qui on était. Elle ne voulait pas nous recevoir, elle ne voulait rien entendre. Un voisin a entendu du bruit car la dame n’était pas contente. Il est venu expliquer qu’il connaissait le papa de mon oncle, qu’il avait une photo de lui. Et quand on a vu la photo, la ressemblance avec mon oncle était très forte. On s’est dit qu’on était vraiment sur la bonne piste. Ce voisin nous a donné les coordonnées d'un des demi-frères de mon oncle (le plus jeune). Nous avons envoyé un courrier avec des photos et on n’a jamais eu de retour, pendant une année. On n’a pas forcé." 

Et de poursuivre: "La fille de mon oncle a donc fait des recherches sur Facebook et elle a retrouvé les enfants du demi-frère de son père. Elle a tout expliqué et l’une des filles a commencé à parler avec elle. Elles ont échangé des photos et elles se sont rendu compte qu’il y avait des ressemblances entre les demi-frères. Le demi-frère de mon oncle a eu une discussion avec sa fille, et il a accepté de garder la porte ouverte pour en parler, mais il n’était pas prêt. On a encore dû attendre..."

Agnès dit alors avoir revu une deuxième fois le demi-frère de Robert Lendo à Liège. "On s’est donné rendez-vous dans un restaurant. On a regardé des photos et puis il a confirmé qu’il était né au Rwanda. En voyant les photos, il était d’accord de faire des tests ADN avec mon oncle. On les a mis en contact. Les numéros de téléphone ont été échangés, et ils ont vraiment sympathisé. Ils ont trouvé qu’ils avaient beaucoup de choses en commun. Une invitation pour se retrouver en Belgique a été lancée et les demi-frères se sont finalement retrouvés en 2023. Mon oncle a rencontré les enfants, la maison familiale à Liège. C’étaient beaucoup d’émotion. A 67 ans, mon oncle était désespéré après plusieurs recherches. Il disait qu’il allait mourir sans connaître sa famille. Il disait toujours qu’il ne savait pas qui il était."

Il s'est rendu compte que ce n’était pas un mythe

Robert Lendo était heureux quand son demi-frère soit "revenu à la raison", et "qu'il s'est rendu compte que ce n’était pas un mythe, mais une vraie histoire".

"Il a constaté qu’il y avait une harmonie entre tous les éléments, les histoires, les photos. Mais pour être vraiment sûr, il a demandé qu’on fasse un test ADN. Je me suis préparé et on est allé faire les tests à l’hôpital Erasme il y a quelques semaines. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé ici en Belgique. On a attendu les résultats durant un mois et ils se sont avérés être positifs. Il n’est pas possible d’exprimer cette joie que nous avons ressentie. C’est ce que nous attendions. Nous étions très contents. Même avant le test, mon demi-frère avait manifesté son bonheur de me voir. On a été visité la maison de mon père, où il a apparemment vécu longtemps avec sa femme. Mon demi-frère était vraiment très content de me voir. J’ai vu un film de 1956, là où j’habite au Congo."

Robert Lendo vit actuellement à Molenbeek et il a manifesté son souhait d'obtenir la nationalité belge, la nationalité de son père. "C’est mon désir. J’aimerais vivre en Belgique."

Il conclut: "Depuis l’enfance, il y avait un vide en moi. Je ne connaissais pas la famille de mon père, mes demi-frères,… Le vide est comblé donc je suis vraiment satisfait et soulagé. J’ai été abandonné, c’était compliqué de vivre sans papa. Je n’ai pas pu avoir de diplôme car ma maman n’avait pas les moyens. Mais tout ça est passé. C’étaient des moments très difficiles. Je suis reconnaissant envers les autorités belges qui m’ont aidé à arriver à ce résultat. Je profite de ces moments. J’aimerais rester à côté de mon demi-frère et apprendre à le connaître et à partager nos histoires."

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