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Un entrepreneur se vante de gagner 7 min en roulant à 231 km/h: ce type de comportement est-il sanctionné?

Se filmer à une vitesse excessive et s'en vanter sur les réseaux sociaux est une pratique courante: les vidéos de ce type, postées directement par le conducteur ou alors par les passagers, sont nombreuses et pululent sur les réseaux sociaux. Problème: la loi belge actuelle sur l'incitation à la vitesse est trop ancienne, et pas assez "précise" selon un avocat spécialisé en sécurité routière. Alors comment punir de manière efficace ce type de comportement, et sanctionner ceux qui y participent? 

"C’est avec stupéfaction de voir qu’un entrepreneur connu prône sur son compte Instagram public le fait de gagner 7 minutes en roulant à 231 km/h avec son Lamborghini Urus", nous écrit Rachid via le bouton orange Alertez-nous.

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 "Ayant plus de 31.000 followers sur Instagram et étant suivi par beaucoup de jeunes, il montre malheureusement le mauvais exemple", déplore-t-il dans son message. "Un entrepreneur qui prône le succès et incite les gens à suivre son exemple ne devrait-il pas donner une image positive à la société et ne pas inciter les gens à se placer au-dessus des lois ?", s’interroge notre lecteur.

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Les excès de vitesse trop souvent banalisés

Nous avons montré la vidéo à Benoît Godart, porte-parole de VIAS. "C’est un comportement très dangereux", pointe-t-il. "On voit quelqu’un prendre d’énormes risques et mettre les autres usagers en danger tout ça pour quelques minutes de gagnées… On voit qu’il s’en vante et ne regarde pas du tout la route en plus puisqu’il est constamment sur son gsm, c’est vraiment un comportement qui est regrettable", se désole le porte-parole. 

"C’est typiquement le genre de vidéos qui posent problème : non seulement le conducteur considère le domaine public comme un circuit, mais en plus il se filme et poste sur les réseaux sociaux. Et on sait que les réseaux ont un effet caisse de résonnance et que d’autres auront peut-être envie de faire la même chose", ajoute-t-il. 

D’après VIAS, la vitesse reste le facteur numéro 1 de la mortalité routière en Belgique. Chaque année, 150 personnes perdent la vie dans des accidents dû à la vitesse et environ 500 sont gravement blessées, toujours d’après les chiffres de VIAS. 

"Trop souvent encore, les excès sont banalisés, et considérés comme ‘normaux’. On travaille beaucoup pour faire accepter davantage les limitations de vitesse, et malheureusement, ce genre de comportement et le fait que les conducteurs s’en vantent, viennent un peu contrecarrer tous les efforts faits en termes de sensibilisation", déplore Benoît Godart. 

Une loi pas assez précise

Ce type de comportement est-il puni par la loi? Que risquent les personnes qui partagent des excès de vitesse sur leur réseaux sociaux et qui en font l’apologie? C’est ce que nous avons essayé de comprendre. 

Pour Me Bruno Gysels, avocat spécialisé en sécurité routière, la législation actuelle sur l’incitation à la vitesse n’est pas assez précise pour pouvoir condamner ces comportements, et n’englobe pas tous les cas. "La loi actuelle n’est pas assez précise, mais quand la loi a été faite, on ne pensait pas du tout aux réseaux sociaux bien évidemment. Et elle n’a jamais été adaptée", pointe-t-il. 

C’est la question de la date qui fait que ça bloque aujourd’hui

Sur base de la législation actuelle, ce serait donc quelque peu délicat voire compliqué pour le Parquet de poursuivre le conducteur, explique Me Gysels. Puisque le Parquet doit pouvoir identifier 4 choses, que l’avocat détaille : 

  • La personne qui conduit, 
  • En quoi les faits sont infractionnels, 
  • Le lieu exact, car il y a un problème de compétence territoriale, 
  • Et quand ont eu lieu les faits donc la date et l’heure précise.

"En l’occurrence, il y aurait des arguments juridiques à opposer au Parquet si celui-ci voulait éventuellement poursuivre ce genre de comportement, comme des questions de compétences territoriales ou de prescription", précise Me Gysels.

Selon lui, il faudrait réexaminer la loi et englober les réseaux sociaux. Il faudrait également retirer le fait de devoir prouver la date, puisque cela pose problème lorsqu’une vidéo circule sur internet : "Pour moi, c’est la question de la date qui fait que ça bloque aujourd’hui. Comment pouvoir dater les faits puisque ceux-ci n’ont pas été constatés ni par un policier ni par un appareil automatisé?", pointe-t-il.  

Un projet de loi visant à lutter contre l’apologie de la vitesse sur les réseaux sociaux 

Le Parquet peut toujours décider de poursuivre, mais ce sera ensuite le tribunal qui tranchera et décidera si oui ou non il y a condamnation. Mais dans les faits, les automobilistes qui font l'apologie de la vitesse sur les réseaux sociaux ne font pas l’objet de condamnation pour le moment, à cause de cette loi trop ancienne. C’est pourquoi le Vice-Premier Ministre et ministre de la Mobilité, Georges Gilkinet travaille sur un nouveau projet de loi.

"L'apologie de la vitesse ou d'autres comportements nuisant gravement à la sécurité sur nos routes et dans nos rues ne sont pas rares et sont extrêmement nuisibles. Il ne peut y avoir aucune tolérance pour celles et ceux qui entravent ouvertement et sans limite aucune les dispositions du code de la route, parmi lesquelles celles relatives aux limitations de vitesse", avait expliqué George Gilkinet au mois de mars dernier. 

Concrètement, les personnes qui diffuseront ce genre d’images sur leurs réseaux sociaux à l’avenir pourraient recevoir une amende allant de 200 à 5.000 euros, avec la possibilité de condamner à une déchéance du droit de conduire de 1 à 3 mois, détaille le cabinet du ministre.

Le projet de loi prévoit de sanctionner le fait de "diffuser sur les réseaux sociaux des images ou des vidéos par le conducteur ou son passager ou un témoin dans le but manifeste de valoriser ce comportement, d’une conduite sur la voie publique à une vitesse largement excessive ou mettant indiscutablement en danger la sécurité des autres usagers de la route", précise encore le cabinet du ministre.

Les excès de vitesse en hausse 

"La vitesse est avec la distraction et la conduite sous influence un des trois tueurs sur nos routes. Je ne peux accepter que certains utilisent nos routes comme des circuits de Formule 1 et s'en vantent ensuite sur les réseaux sociaux", avait également déclaré Georges Gilkinet en mars. Ce projet de loi sera proposé au gouvernement cet été. Il devra être étudié et validé avant de pouvoir être adopté dans notre pays. 

Entre janvier et mars 2023, la zone de police de Bruxelles-Capitale/Ixelles a verbalisé 21.000 conducteurs pour excès de vitesse, peut-on lire dans un communiqué. C'est près de 6.000 de plus qu'à la même période l'an passé. 

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