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"Une guerre a éclaté": les fédérations francophones de padel en quête de subsides se déchirent

C'est la fin d'un match à suspense: la ministre des Sports de la Fédération Wallonie-Bruxelles a octroyé lundi à l'AFT-Padel la reconnaissance comme fédération officielle pour le padel, écartant ainsi la candidature de la fédération concurrente AFPadel. Retour sur une petite guerre de la balle jaune.

L'effervescence autour du padel est plus que jamais présente en Belgique. Ce sport qui compte chez nous quelques 165.000 pratiquants (environ 140.000 joueurs en Flandre et 25.000 en Fédération Wallonie-Bruxelles) reste sur une croissance exponentielle. 

Malgré ce tableau très positif sur le plan sportif, une "guerre" des fédérations a éclaté ces derniers mois, au point que la scission semble actée.

Il y a d'une part l’association francophone de padel (AFPadel) et de l'autre, l’association francophone de tennis (dont la partie padel s'appelle AFT Padel). Le problème? Les deux convoitent une reconnaissance de la part du monde sportif et politique, et donc l'octroi de subsides jusqu'en 2024.

Les deux parties ont pourtant travaillé ensemble durant quelques années.

Chronologiquement, l’AFPadel a géré seul ce sport des débuts du padel en Belgique jusqu'en 2018. Mais à la suite d'une demande du Ministre des sports Rachid Madrane, les deux fédérations ont collaboré. Durant cette période, de vives tensions sont apparues et le divorce est intervenu en 2020. 

L'année dernière, la ministre des Sports Valérie Glatigny (qui a suivi un avis du Conseil supérieur des sports), a ensuite attribué une reconnaissance "temporaire" à l’AFT Padel pour une durée d’un an, avec les subsides associés à cette décision. 

Aujourd'hui, aucune solution n'a pas pu être trouvée en vue de réconcilier les deux parties. Le dossier a été jusqu'à faire un tour dans les tribunaux.

Une décision en faveur de l'AFT Padel

Les deux fédérations ont travaillé, et travaillent encore, chacune de leur côté, en quête une reconnaissance officielle. La ministre Valérie Glatigny a tranché fin novembre, octroyant à l'AFT Padel la reconnaissance comme fédération officielle pour le padel (écartant ainsi la candidature de la fédération concurrente AFPadel, vous l'avez compris). Elle suit ainsi l'avis unanime, moins une abstention, que lui avait rendu il y a peu le Conseil supérieur de sports (CSS). "Ce fut une décision très difficile vu la grande qualité des deux dossiers (de candidature)", a commenté lundi Mme Glatigny.  L'AFT-Padel, qui bénéficiait déjà de cette reconnaissance officielle, le sera donc encore pour deux ans supplémentaires. "La porte reste ouverte à une reconnaissance de l'AFPadel après 2024", a cependant ajouté la ministre.

Comment est-on arrivé à cette guerre des fédés? Nous avons interrogé les porte-paroles des deux organisations. Voici leurs versions des faits:

François André, le président de l’AF Padel (association francophone de padel créée en 2015): 

"Nous avons développé le padel seuls, puis en association avec l’AFT. Fin 2021, l’AFT a décidé de stopper la collaboration et a désiré vouloir gérer seule le padel en fédération Wallonie-Bruxelles. Depuis lors, une guerre a éclaté entre les fédérations pour gérer ce sport de manière officielle.(...) En cette fin d’année 2022, la ministre doit identifier une fédération pour l’année prochaine."

Pour François André, le succès du padel en Belgique a créé ce fossé entre les deux fédérations. "Nous avons promu ce sport depuis sa création. Nous nous sommes associés avec l’AFT, mais la promotion sur le plan sportif a été intégralement gérée par l’AFPadel depuis le début. A un moment donné, l’AFT a pris l’initiative d’arrêter l’association et elle a voulu gérer elle-même. La seule chose qui intéresse l’AFT est de gérer ce sport seule pour obtenir les subsides. Or ce qui nous intéresse, c’est le développement du sport, pas d’obtenir des subsides."

Pierre Delahaye, directeur de l’AFT Padel depuis 2021: 

"En 2017, le ministre des Sports avait demandé aux deux fédérations de s’unir. Dès lors, depuis ce moment, il n'était plus question de savoir qui est le premier et qui est le deuxième à avoir lancé le padel en Belgique, puisque nous nous sommes unis et que jusqu’en 2021, ça ne s’était pas trop mal passé."

Il poursuit: "Puis, il y a eu des divergences de point de vue. L’AFPadel a souhaité se détacher de la décision qui avait été prise en 2017. A l’AFTPadel nous n’avons pas trouvé ça logique, à partir du moment où le pouvoir politique a demandé en 2017 de se réunir pour des motifs très compréhensibles, comme des économies d’échelle et l'obtention d'une base plus importante de joueurs et de joueuses. A partir du moment où on se retire de ce schéma, ça ne pouvait pas continuer. Lorsqu’on s’est unis, on espérait mettre en place quelque chose de professionnel, et puis toutes les parties n’ont pas pensé la même chose par rapport au développement rapide et à l’union nationale. Cela nous semblait indispensable et ce n’était plus possible dans la configuration d’il y a un an.

L'AFPadel "tire la sonnette d'alarme", l'AFT "très optimiste"

L’AFT Padel bénéficie de la reconnaissance officielle, et ce mandat a été renouvelé à la fin de ce mois de novembre. Il a été renouvelé pour deux ans, jusque fin 2024.

François André, le président de l’AF Padel, estime que son association est la plus représentative des pratiquants. "Nous avons joué le jeu d’une opposition avec l’AFT, et en cette fin d’année, on observe que les joueurs ont fait leur choix, grandement majoritaire pour l’AFPadel. Ce qu’on dénonce, c'est qu’on n’a été entendu par aucune des entités en charge de l’évaluation. La ministre doit rendre un avis sans entendre ce qu’il se passe sur le terrain. On se dit qu’il faut tirer la sonnette d’alarme. Il y a une association francophone de padel qui se met en avant pour gérer le sport, supporté par tous les membres, pratiquants et les clubs. Et d’un autre côté, il y a une fédération de tennis qui rajoute ça d’initiative dans ses statuts. L’AFT gère le tennis. Si elle vient à gérer le padel, elle va être amenée à faire des choix dans l’argent qu’elle reçoit, entre le tennis et le padel. Le fait d’avoir une fédération indépendante comme la nôtre est la certitude qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêt et un sport qui soit favorisé par rapport à l’autre."

De son côté, Pierre Delahaye répond que l'AFT a présenté son dossier "de manière positive". "Et nous sommes très optimistes quant au bon déroulement des choses. Nous pensons que la reconnaissance obtenue l’année passée sera définitivement accordée cette année-ci. (...) Les conflits ne sont jamais bons dans n’importe quel domaine. Dans le sport, c’est encore plus dommageable pour les joueurs. On déplore cette situation qui prend les joueurs en otage."

Quel impact pour les joueurs? 

"Pour l’instant, les joueurs qui souhaitent disputer un maximum de compétitions sont confrontés à un choix, à savoir jouer dans une fédération ou dans l’autre, et la plupart fait le choix de jouer dans les deux. Cela veut dire, payer deux cotisations", indique Pierre Delahaye. "Maintenant, le prix de la cotisation est tellement bas que je pense qua la plupart des joueurs s’en accommodent. Si vous voulez avoir les deux cotisations, pour le moment, c’est aux alentours de 50 euros annuellement. C’est ridiculement bas. Je ne pense pas que ça arrête les joueurs qui veulent se présenter dans des tournois."

François André indique pour sa part que la reconnaissance d'une fédération ne provoquera pas de grands changements pour les joueurs amateurs. "Cela permet à une fédération de mieux développer le sport, de porter le développement des jeunes, des dames. La formation des animateurs, le soutien d'événements de promotion, bref à compenser les activités déficitaires. La promotion des joueurs au niveau international se fait à l'aide de subsides pour le haut niveau. La reconnaissance n'est donc pas une fin en soit mais permet une meilleure promotion de la discipline."

Que comptent faire les fédérations avec les subsides?

François André, le président de l’AF Padel: 

"Notre seul objectif est le développement du padel. La preuve, on n’a pas reçu de subsides cette année et on a promu le padel. On l’a fait avec un grand soutien. Notre activité est supérieure à celle de la fédération, qui est reconnue et reçoit des subsides pour faire ça."

"Si on obtient les subsides, ça nous permettra de faire des activités complémentaires, faire la promotion des jeunes, des sportifs de haut niveau, des dames et de lancer des formations. Actuellement, on fait la promotion avec l’argent qu’on peut avoir des joueurs, de nos sponsors. Forcément, si la ministre nous octroie des subsides de fonctionnement complémentaires, ça nous permettra de faire mieux."

Pierre Delahaye, directeur de l’AFT Padel: 

"Notre ambition est de proposer un padel pour tous, aussi bien pour les joueurs qui commencent que pour les joueurs plus aguerris. Nous voulons aussi faire en sorte que toute une série de choses se mettent en place pour la formation. Nous voulons mettre aussi des choses en place pour la représentation nationale et internationale. Quand on voit le ranking de nos meilleurs joueurs belges au niveau internationale, il se situe entre 150 et 200. Notre objectif est d’en placer dans le top 100 voire le top 50."

Et d'ajouter: "Actuellement, il n’y a pas de joueurs professionnels et il est clair qu’il y a des joueurs qui veulent atteindre le plus haut niveau. Ils pourront y arriver avec, soit des sponsors privés, soit des subsides de la fédération Wallonie-Bruxelles. Si on veut avoir des ambitions à très court termes, on est obligé d’investir dans les joueurs les plus prometteurs. Pour un joueur débutant qui vise des résultats internationaux, on se situe entre 5 et 10.000 euros par an de subsides, ce n’est vraiment pas énorme. Ces montants peuvent évoluer en fonction des résultats."

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