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La fin du livret de circulation divise les gens du voyage

Les associations y voient la fin d'un régime "discriminatoire". Mais tandis que les députés devaient voter mardi la suppression des livrets de circulation imposés aux gens du voyage, certains, à contre-courant, s'inquiètent pour leur "droit au voyage".

C'est le cas du pasteur "Rocky", qui, du fait de sa fonction, s'exprime au nom de la communauté. "Ça nous donne l'impression d'être stoppés dans notre désir de circuler", dit-il. "Nous avons peur que ça nous fixe quelque part", à savoir la ville de rattachement qui figure nécessairement sur la carte d'identité.

La proposition de loi portée par le socialiste Dominique Raimbourg entend mettre fin à "un régime dérogatoire et (qui) organise le contrôle de ces populations". La Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (Fnasat) salue une abrogation "qui met fin à plus d'un siècle de législation d'exception".

Mais, faute de savoir ce qui viendra après, dans le camp de "Rocky" - 70 caravanes installées depuis moins de 48 heures aux abords d'une zone commerciale de Buchelay, commune des Yvelines à une soixantaine de kilomètres de Paris -, on s'interroge: veut-on mieux les intégrer à la société ou bien les sédentariser ?

Dans un camp sédentaire à une trentaine de kilomètres de là, entre Chanteloup-les-Vignes et Carrières-sous-Poissy, un père et son fils partagent les mêmes inquiétudes. Eux constatent qu'il est "de plus en plus difficile de circuler faute d'aires d'accueil" et regrettent "la lente disparition d'un mode de vie".

- Fin d'une époque -

Reflétant un avis largement partagé dans les camps nomades et sédentaires du département, le pasteur, bientôt la soixantaine, poursuit: "Ce livret, c'est aussi un symbole de nos traditions en tant que gens du voyage. Ça date de nos parents. On voudrait le garder, sinon c'est la fin d'une époque".

Le petit carnet vert à la main, il se remémore les souvenirs qui y sont liés: la rencontre de ses parents sur les routes, entre l'Alsace de sa mère et la Bretagne de son père, sa naissance dans une caravane aux portes de Paris, le sentiment "d'être déjà un petit homme" quand il a reçu son premier livret à 13 ans.

Près d'une autre zone industrielle du département, un autre camp, quelque 150 caravanes. Tous ne savent pas que le livret de circulation vit ses derniers jours. En l'apprenant, on ne salue pas la fin d'une discrimination mais plutôt celle d'une "contrainte".

"Alors ça va être voté ? C'est bien que ça soit terminé, c'est trop compliqué", sourient deux femmes à la porte de leur caravane. "Si on oublie de le faire tamponner, aujourd'hui on risque un procès..."

Selon qu'ils sont aux yeux des autorités nomades ou forains, les gens du voyages doivent en effet faire viser leur livret tous les trois mois ou tous les cinq ans. Et, aux termes d'une loi de 1969 partiellement abrogée en 2012, ils doivent le détenir en permanence sous peine d'amende.

Une situation unique dans l'Hexagone, dénoncée par le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale (Cerd) et le conseil d'Etat, qui en novembre dernier donnait deux mois au gouvernement pour abroger cette disposition.

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