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ETRANGE: après 70 ans de séparation, la langue commune des Coréens du nord et du sud a évolué de façon totalement différente

Une nouvelle application pour smartphone mise au point à Séoul vise à aider les réfugiés originaires de Corée du Nord à surmonter l'un des plus gros obstacles qui les attend en Corée du Sud: la barrière de la langue.

Après sept décennies de séparation quasi totale, la langue qui était jadis l'apanage commun de la péninsule coréenne a évolué de façon totalement différente de part et d'autre du rideau de fer idéologique et militaire entre les deux Corées.


L'assimilation des réfugiés dans leur nouveau pays est difficile

Et aux yeux des Nord-Coréens qui risquent leur vie pour faire défection en Corée du Sud, cet état de fait constitue une épreuve supplémentaire. Quand même commander une glace est un exercice difficile, l'assimilation des réfugiés dans leur nouveau pays s'en trouve grandement handicapée.

Les deux Corées partagent toujours le même système d'écriture, le Hangeul, un alphabet phonétique créé au XVème siècle pour remplacer les caractères chinois.

Un réfugié nord-coréen n'aurait aucun problème pour lire le mot "Ah-ee-sir-ker-rim", dérivé de l'anglais "ice cream" et utilisé par les Sud-Coréens pour désigner leur cornet de glace. Mais il ne saura pas forcément ce que ce terme recouvre.


Univoca traduit 3.600 mots sud-coréens importants

L'application Univoca veut remédier à la situation. Développée par Cheil Wordwide, premier publicitaire de Corée du Sud, elle propose une traduction pour 3.600 mots sud-coréens importants, extraits aussi bien des livres scolaires que de l'argot de la rue.

Lorsqu'on y tape par exemple le mot hangeul qui désigne la crème glacée, la traduction nord-coréenne apparaît: oh-reum-boseung-yi, qui signifie littéralement "glace enrobée".


Une application mise au point dans le cadre du programme de bienfaisance de l'entreprise

Cette application gratuite, mise au point dans le cadre du programme de bienfaisance de l'entreprise, a été téléchargée plus de 1.500 fois depuis son lancement à la mi-mars, explique Choi Jae-Yong, directeur du projet chez Cheil.

"Nous voulions venir en aide aux gens marginalisés qui souffrent de problèmes de communication et nous nous sommes rendus compte que les jeunes réfugiés nord-coréens avaient ce gros problème de langue à l'école", explique-t-il à l'AFP.

Un groupe de Nord-Coréens, parmi lesquels des étudiants et d'anciens enseignants, ont été mis à contribution pour identifier et traduire les mots sud-coréens les plus mystérieux pour les nouveaux venus.


"J'avais trop honte pour demander le sens des mots"

Participer à ce groupe, raconte Noelle Kim, étudiante de 22 ans, a fait remonter à la surface de douloureux souvenirs datant du temps où elle se battait pour comprendre ses interlocuteurs, à son arrivée à Séoul il y a cinq ans.

"Demander mon chemin posait problème. Je ne comprenais pas tout ce que les gens répondaient", dit-elle à l'AFP. "J'avais trop honte pour le reconnaître et demander le sens des mots".

D'après les spécialistes, un mot sur trois utilisé par l'homme de la rue à Pyongyang et Séoul est inintelligible selon que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre de la frontière, deux sur trois dans le milieu des affaires et celui des institutions.


Une langue en évolution constante

Particulièrement redoutables pour les Nord-Coréens: les mots empruntés à la langue anglaise. Un Sud-Coréen amateur de football parle volontiers de "pénalty" mais un supporter nord-coréen utilise un mot complètement différent qui signifie "punition des 11 mètres".

Les difficultés sont encore plus grandes pour les jeunes qui doivent, comme partout, faire face à une langue argotique en évolution constante.

"Pour les adolescents nord-coréens, qui sont les plus sensibles aux différences culturelles, la question linguistique est la priorité numéro un à résoudre en arrivant en Corée du Nord", dit la société Cheil.


"Une telle application aurait été un cadeau précieux pour moi"

D'après le ministère sud-coréen de l'Education, le nombre d'élèves nord-coréens (du primaire au lycée) est passé de 966 en 2008 à 2.183 en 2014.

Noelle Kim se souvient de ses problèmes pour comprendre les mots tirés de l'anglais, des heures qu'il lui fallait pour lire quelques pages d'un ouvrage scolaire. "Une telle application aurait été un cadeau précieux pour moi", dit-elle.

Depuis 25 ans, des linguistes des deux côtés de la frontière travaillent à la rédaction d'un dictionnaire unifié.


Un obstacle à une éventuelle réunification de la péninsule

Le directeur éditorial de ce projet, Han Young-Un, qui avait conduit un groupe de linguistes sud-coréens au Nord en novembre dernier, est persuadé que la barrière de la langue est un obstacle à une éventuelle réunification de la péninsule au moins aussi important que la frontière fortement militarisée qui divise les deux Corées.

Pour lui, la nouvelle application constitue un "outil extrêmement utile" qui va changer la vie quotidienne des jeunes réfugiés. "Cela pourrait aussi contribuer à braquer les projecteurs sur notre projet, ce qui est toujours bon à prendre".

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