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"Je pleure à chaque refus", "Je n'ai plus de vie sociale": de nombreux parents désespérés par le manque de places dans les crèches

C'est une situation particulièrement compliquée pour beaucoup de parents. Ils éprouvent parfois de grandes difficultés à trouver une place en crèche pour leur enfant. Les milieux d'accueil manquent de disponibilités et les listes d'attente sont interminables. De nombreuses personnes sont désespérées par leurs recherches infructueuses.

Noemye nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part de sa détresse. Mère de famille depuis déjà 1 an et demi, elle n'a toujours pas réussi à trouver une place en crèche ou un milieu d'accueil pour son fils. "Nous avons pourtant contacté au moins 60 établissements", soupire la femme de 26 ans. "Mais nous n'avons toujours pas de solution."

L'ancienne employée de station-service n'a toujours pas pu se projeter dans la suite de sa vie professionnelle depuis la naissance de son enfant. Avec son compagnon, ils ont déménagé récemment dans la commune de Somme-Leuze dans la Province de Namur mais à la limite de celle du Luxembourg. "L'objectif, c'était de trouver un endroit d'accueil sur Namur car mon compagnon y travaille et je souhaitais également retrouver un emploi dans la ville", explique-t-elle. "Mais les crèches contactées nous ont dit qu'on vivait trop loin."

"Il y a toujours des excuses"

Le couple tente alors de trouver un milieu d'accueil du côté de Marche-en-Famenne. C'est très proche de chez eux mais en Province de Luxembourg. "Et là, on nous signale qu'on ne sera pas prioritaire car nous habitons dans le Namurois", s'indigne la mère de famille. "De toute façon, il y a toujours une excuse. La dernière fois, on m'a dit que mon enfant était né un mois où il y avait eu trop de naissances et que ce n'était pas le nôtre qui avait été choisi."

Sylvie Anzalone, porte-parole de l'ONE (l'Office de la naissance et de l'enfance), ne connaît pas la situation particulière du couple mais regrette la situation. Elle peut néanmoins la comprendre dans certains cas. "Si c'est la commune qui met en place le milieu d'accueil, ça peut s'entendre que les habitants aient priorité", indique-t-elle. "Mais pas exclusivité bien sûr."

De la colère et des larmes

Pour Noemye et son compagnon, la situation n'est "plus tenable". D'autant qu'ils attendent un nouvel heureux événement pour mars 2023. "Et figurez vous que je reçois déjà des refus pour notre enfant qui n'est même pas encore né", s'exclame-t-elle. Pour le couple, la tension monte. "C'est simple, mon compagnon est en colère", indique-t-elle. "Et moi, je pleure à chaque fois que nous essuyons un refus."

Car pour la survie financière du couple, Noemye doit pouvoir retrouver un travail. "Ça devient impossible de finir les mois avec un seul salaire", soupire-t-elle. "Je dois absolument avoir un emploi mais sans crèche, il n'y a pas de solution car les grands-parents travaillent toujours."

On m'a dit que la place avait été attribuée à quelqu'un qui était plus prioritaire

Le cas de Noemye n'est pas unique. Nous avons reçu de nombreux messages de parents désespérés. Flora en fait partie. Elle a également 26 ans et est maman d'un petit garçon depuis un an. La jeune femme était en contrat à durée déterminée quand elle est tombée enceinte et celui-ci n'a pas été prolongé. Elle s'est donc retrouvée sans emploi quand son bébé a vu le jour. Souhaitant reprendre une vie active rapidement, l'habitante du Brabant Flamand a évidemment cherché une crèche. "Et j'en avais trouvé une pour début septembre", s'exclame-t-elle. "Mais le mois avant l'entrée de mon garçon, on m'a dit que la place avait été attribuée à quelqu'un qui était plus prioritaire que moi car il travaillait. J'étais dégoûtée."

Les crèches du Brabant Flamand ne concernent pas l'ONE mais Kind en Gezin. Néanmoins, Sylvie Anzalone indique qu'au niveau de l'ONE ce genre de situation n'est pas permise. "Enlever une promesse de place, c'est vraiment impossible", dit-elle. "La situation professionnelle des parents ne doit pas être un critère de priorité car les lieux d'accueil sont un droit pour les enfants.

"Un cercle vicieux"

Flora se retrouve donc dans une situation compliquée. Elle ne peut pas avoir de place en crèche car elle ne travaille pas mais elle ne peut pas chercher de travail car elle n'a pas de place en crèche. Surréaliste selon elle. "C'est un véritable cercle vicieux", souffle-t-elle. "Et en plus au plus je reste inactive, au plus j'aurai du mal à retrouver quelque chose. Le trou dans le CV va être important."

Financièrement, ça devient en plus compliqué pour son ménage. "Mon chômage diminue chaque mois", dit-elle. "La VBAD, l'équivalent de l'ONEM, me harcèle en plus. Je peux le comprendre mais ça rajoute de la pression." Avec son compagnon, ils n'ont qu'une seule voiture et la jeune femme ne peut donc pas chercher de crèche trop loin de son domicile. "Je vais peut-être regarder sur Bruxelles mais il faudra alors que je trouve un emploi là-bas", indique-t-elle. "Et qui peut m'assurer que ça sera le cas?"

Toutes mes journées se ressemblent

Trouver un milieu d'accueil en Flandres est en effet très compliqué pour le moment, le secteur est même en crise. À Bruxelles, il y a à la fois des places francophones et des places néerlandophones. La situation est un peu meilleure du côté francophone même s'"il n'y a clairement pas une place pour chaque enfant", indique Catherine Lemaitre, conseillère auprès de l'échevin bruxellois de la Petite Enfance Arnaud Pinxteren. "Depuis ces 20 dernières années, il y a eu un fort investissement dans la création de places. Mais pour en créer encore plus, il faut avoir les locaux et le personnel. À Bruxelles, on est passé de 1200 places à 1600 places en 10 ans."

En attendant, Flora est désespérée. "J'aime mon enfant plus que tout", dit la jeune maman. "Mais je n'ai plus du tout de vie sociale et toutes mes journées se ressemblent."

Qu'est-ce qui explique ce manque de places?

Selon Sylvie Anzalone, porte-parole de l'ONE, c'est avant tout dû à un changement dans la société. "Maintenant, les parents travaillent à deux", explique-t-elle. "Donc ils ont forcément besoin d'une place d'accueil. C'est un constat. De plus, les grands-parents sont moins souvent proches et parfois ils travaillent encore. Et puis c'est parfois la volonté des parents de placer leurs enfants en milieu d'accueil plutôt que de les garder à la maison ou de les faire garder par la famille. Et c'est leur droit." La porte-parole rappelle un point très important pour l'ONE. "Une place d'accueil, ce n'est pas un droit du parent mais un droit de l'enfant", dit-elle. "Tous les enfants devraient avoir droit à une place d'accueil, peu importe la situation des parents."

Quelles solutions?

Récemment, un plan Cigogne a été lancé. Il est issu d'un partenariat entre la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région Wallonne, la Région Bruxelles-Capitale et la COCOF. Il a pour objectif de créer 5200 places supplémentaires dans les milieux d'accueil d'ici 2026. "Cela prouve à quel point le ou la Ministre de l'Enfance et l'ONE se préoccupent de cette question", explique Sylvie Anzalone. "C'est d'ailleurs un des gros piliers de l'ONE. Ces 5200 places seront en plus subventionnées, ce qui signifie que le parent paiera selon son revenu."

Le site Premier Pas permet également aux parents de prendre connaissance des lieux d'accueil à proximité de leur domicile et de voir si des places sont disponibles. "De notre côté, l'objectif est également d'affiner ce logiciel afin de remarquer exactement dans quelles zones géographiques il y a le plus de demande", précise la porte-parole. 

Pour finir, la "réforme accueil" a également été mise en place. Les crèches doivent dorénavant accueillir un nombre d'enfants multiple de 7. "Évidemment, les crèches qui accueillent 18 enfants ne vont pas disparaître", précise Sylvie Anzalone. "Mais celles qui ont la possibilité au niveau de l'infrastructure et du personnel peuvent augmenter la capacité jusqu'au chiffre suivant, 21 dans cet exemple. On a donc eu des augmentations conséquentes en Wallonie et à Bruxelles."

Quels conseils pour les futurs et jeunes parents?

Même si un lieu d'accueil ne peut valider une inscription qu'à partir de trois mois de grossesse, il est préférable de lancer les recherches le plus tôt possible. "Rien n'empêche de prospecter avant cette date", indique Sylvie Anzalone. "On peut déjà se rendre dans certains lieux pour jeter un coup d'œil par exemple." Il est également souhaitable de se fixer des critères précis. "Par exemple, savoir si on est capable de faire 30 km ou pas", poursuit la porte-parole de l'ONE. "En fait, les parents doivent se demander ce qui est important pour eux. Il faut avoir les idées claires et ça permet de mettre toutes les chances de leur côté."

Pour Sylvie Anzalone, il ne faut surtout pas partir pessimiste. "On a des gens qui trouvent un milieu d'accueil dans un laps de temps tout à fait correct", dit-elle. "Même si parfois ça n'était pas le premier choix, on a des retours comme quoi ça se passe très bien. Et puis parfois des places se libèrent et beaucoup de parents trouvent chaussure à leur pied. Il ne faut certainement pas noircir complètement la situation."

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