Accueil Actu

Crise en Catalogne - La justice espagnole porte "atteinte aux principes fondateurs de l'UE"

(Belga) L'attitude de la justice espagnole, qui a délivré de nouveaux mandats d'arrêt européens à l'encontre d'anciens ministres du gouvernement catalan après avoir retiré ceux émis fin 2017, est une "atteinte aux principes fondateurs de l'UE", estime Me Christophe Marchand, conseil de deux ex-membres du gouvernement de Carles Puidgemont.

Les ex-ministres catalans en fuite en Belgique et leur ancien président Carles Puigdemont, arrêté le week-end dernier en Allemagne, bénéficient d'une défense commune. Me Marchand, spécialiste en droit international et en extradition, est formellement l'avocat de Meritxell Serret et Antoni Comin. Il n'a pas encore pu prendre connaissance en détail du nouveau mandat d'arrêt émis par l'Espagne à l'encontre de ses clients, a-t-il indiqué mardi soir à l'agence Belga en marge de la projection du film "Hacking Justice", dans le cadre du festival Millenium. Ce documentaire de Clara López Rubio est consacré à Julian Assange, un autre client célèbre de Me Marchand. "Cela va beaucoup moins vite que lors de la première procédure", précise l'avocat. "Je suis très curieux, parce que rien n'a changé. Pour l'Espagne, il est toujours question de rébellion, de sédition - qui n'existent pas en tant que telles dans le droit belge - et de fraude de biens publics." Lundi soir, le parquet de Bruxelles a indiqué qu'il était en contact, en raison de la nouvelle procédure espagnole, avec les avocats de trois ex-ministres catalans qui se trouvent en Belgique, mais que ceux-ci n'étaient pas activement recherchés. "Mes clients sont là, nous avons confirmé qu'ils répondraient à toute convocation d'un juge comme ils l'avaient fait en novembre. Ils sont en Belgique et vont rester." Christophe Marchand ne comprend toujours pas l'attitude de l'Espagne dans ce dossier. "Le retrait du mandat d'arrêt européen début décembre, au lendemain de notre plaidoirie devant la chambre du conseil, c'était du jamais vu." L'avocat voit même dans cette attitude "une atteinte aux principes fondateurs de l'Union européenne". "On parle beaucoup de sécurité, de justice, du fait qu'il faut créer un territoire commun. L'idée, c'est que quand un juge d'instruction émet un mandat d'arrêt, il vaut pour tout ce territoire. La cour de justice de l'UE considère le mandat d'arrêt européen comme la pierre angulaire de l'Union européenne. Le rétropédalage de l'Espagne vient casser cette pierre angulaire, détruire les fondements de l'Union. Apparemment, la question de l'unité de l'Espagne, c'est un tabou. Dès qu'on y touche, tout semble permis." "La conclusion de tout cela est qu'il n'y a pas de président investi en Catalogne depuis les élections du 21 décembre parce que les juges s'y opposent, au mépris d'un principe de base qui est celui de la séparation des pouvoirs", ajoute Me Marchand. Quant au cas particulier de Carles Puigdemont, l'avocat estime que si les services de sécurité espagnols ont choisi d'intervenir en Allemagne en pensant que l'ancien président régional serait moins bien traité qu'ailleurs, ils se trompent lourdement. Le pays dispose d'un système judiciaire "encore plus solide que celui de la Belgique". "Toutes les avancées sur les droits fondamentaux depuis la Deuxième Guerre mondiale viennent d'Allemagne", commente-t-il. Si Me Marchand considère que la justice espagnole est "hystérique" et qu'elle fait preuve de "rage", il estime sur le fond, à titre personnel, qu'une réforme institutionnelle d'une telle ampleur, à l'image du Brexit, nécessiterait une plus large majorité. "Mais de là à en faire une question pénale et à mettre des gens en prison, il y a un pas gigantesque. Franchir ce pas est une atteinte aux principes démocratiques", conclut-il. (Belga)

À lire aussi

Sélectionné pour vous