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Experts et responsables politiques critiqués, insultés et menacés depuis le début de la crise: comment expliquer ce phénomène inédit?

Depuis le début de la crise sanitaire, beaucoup d'experts et de responsables politiques font l'objet de critiques, d'insultes et même de menaces. Un phénomène qui s'est encore accentué ces dernières semaines. Pour certains, c'est même du jamais vu. Pourquoi maintenant ? Et comment l'expliquer ?

La ministre wallonne de la Santé Christie Morreale (PS) reçoit des centaines de messages tous les jours. Certains sont agressifs, insultants et menaçants. "Cela m'arrive à moi comme à beaucoup de monde, bien entendu, dans le cadre de cette crise, et particulièrement ces derniers mois avec un vent d'antivax. Cela ne veut pas dire que toutes les personnes qui ne sont pas vaccinées aujourd'hui sont antivax. Il y a encore des gens qui sont inquiets, qui veulent avoir des informations, des gens qui souhaitent prendre du temps."

Ces messages sont envoyés sur les réseaux sociaux. Ils font référence à des périodes sombres de notre histoire, comme l'Holocauste et le nazisme. Dans l'hémicycle du Parlement à Bruxelles se trouvent des hommes et des femmes politiques qui ont notamment de nombreuses discussions autour de la vaccination et de la crise. Catherine Fonck est députée fédérale et cheffe de groupe à la Chambre (cdH). Elle figure dans une liste de personnes visées par les menaces. "Cela arrive surtout ces derniers temps dans le cadre du débat, pourtant toujours en cours, sur la vaccination. C'est violent, ce sont des attaques personnelles, parfois même des appels de menaces qui sont très claires. C'est vrai que ce n'est pas facile à vivre."

"Je pense que ça va trop loin"

Les experts et les scientifiques médiatisés reçoivent aussi régulièrement des messages d'intimidation. Emmanuel André, microbiologiste de la KULeuven, l'évoque ouvertement sur les réseaux sociaux à la veille de son audition en commission santé. "Je reçois des intimidations avant d'aller répondre aux questions des parlementaires. De la part de gens qui prétendent défendre nos libertés, je ne trouve pas cela anodin qu'ils cherchent à empêcher les travaux parlementaires", écrit-il sur Twitter.

Il n'est pas le seul touché. Marc Van Ranst reçoit aussi au quotidien une dizaine de messages d'insultes. Le virologue, déjà menacé par le passé dans l'affaire Jürgen Conings, a toujours une protection policière. Des tentatives d'intimidation et des messages explicites, le député fédéral et chef du groupe Ecolo à la Chambre Gilles Vanden Burre en reçoit un lorsque nous le rencontrons. "Si vous introduisez l'obligation vaccinale, certains se considéreront en état de légitime défense. J'espère que c'est clair", peut-on lire dans ce message. "Je peux comprendre qu'on soit critique, y compris contre les mesures du gouvernement. Je comprends qu'on manifeste. On est en démocratie, on a un regard critique, c'est normal. Je trouve ça même sain en démocratie. Mais en venir soit à des menaces physiques soit à vouloir vraiment influencer par une certaine force l'opinion et le débat, je pense que ça va trop loin."

La liberté d'expression est purement et simplement mise à mal

Le commissaire corona Pedro Facon est en contact régulier avec la police locale. Lui aussi est le destinataire de courriers haineux. "C'est un fait que les hauts fonctionnaires sont de plus en plus souvent victimes d'insultes, de haine et de menaces. Cela pousse des personnes très compétentes à quitter leurs fonctions et contrevient à la motivation d'éventuels candidats à exercer au service de la population. La liberté d'expression est purement et simplement mise à mal."

Pour Michel Dupuis, philosophe et professeur à l'UCL Louvain, la crise du coronavirus polarise de plus en plus la société. "Je pense que c'est quand même très inquiétant parce que cela signifie que les choses deviennent simplistes. C'est blanc ou c'est noir, il y a les bons ou les mauvais. Alors que je crois que la dynamique des questions est très complexe. Les solutions ne sont jamais du tout ou rien, les problèmes non plus d'ailleurs. Donc on a plus que jamais besoin de discussions démocratiques et d'explications."

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