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BD: Théodore Poussin reprend la mer avec Frank Le Gall

Il aura fallu attendre 13 ans pour que Frank Le Gall, son créateur, se décide à faire reprendre la mer à Théodore Poussin, héros d'une série phare de la BD franco-belge des années 1990, un bourlingueur et poète dans la lignée du grand Corto Maltese.

"On s'aperçoit que ça fait 13 ans, lorsque ces années là sont passées, qu'on regarde en arrière et qu'on se dit: +Déjà 13 ans!+", fait mine de s'étonner Frank Le Gall, 58 ans, rencontré à Paris par un journaliste de l'AFP.

"Moi, je ne les ai pas vu passer", ajoute en souriant celui qui, outre ses activités de scénariste et dessinateur de BD, est également compositeur, musicien et peintre, des activités qu'il mène "avec ambition" en cherchant "à viser l'étoile la plus lointaine".

"Le dernier voyage de l'Amok", 13e opus des aventures de Théodore Poussin publié comme les albums précédents chez Dupuis, nous fait retrouver l'ancien employé de bureau, devenu aventurier dans les mers du sud-est asiatique, échoué à Singapour.

Théodore est sans le sou et avide de vengeance après s'être fait déposséder de son île et de sa florissante cocoteraie par l'odieux capitaine Crabb... Nous sommes au début des années 1930. Rien n'est vraisemblable et pourtant tout semble réel (comme dans un rêve).

Les aventures de Théodore se déroulent en Asie où Frank Le Gall n'a "jamais mis les pieds". "Je ne cherche pas à être véridique, sur le plan de la documentation je suis un bricoleur", s'amuse-t-il en reconnaissant que son Asie "inventée" est parfois "d'une fantaisie absolue".

Les anciens lecteurs se réjouiront de retrouver une atmosphère et une galerie de personnages auxquels ils se sont attachés.

Les nouveaux lecteurs pourront, eux aussi, se plonger sans hésitation dans cet album de 64 pages. "J'ai toujours veillé à ce que les gens puissent prendre l'album sans avoir lu les précédents", assure Frank le Gall.

- La possibilité du pardon -

L'auteur, qui avoue sa passion pour l’œuvre de Robert Louis Stevenson et en particulier "L'île au trésor", a d'abord cherché à privilégier le récit plutôt que la généalogie de ses personnages. Les aventures de Théodore Poussin sont aussi des aventures intérieures où les sentiments comptent autant sinon davantage que l'action pure.

"Je voulais une histoire riche avec beaucoup de dialogues", explique Frank Le Gall. "Je voulais faire un album un peu plein comme un œuf".

L'album, très littéraire (on pense évidemment à l'"Amok" de Stefan Zweig qui se passe en Malaisie), est empreint de mélancolie. "Il s'agit d'une petite musique personnelle dont je suis à peine responsable. C'est un état pour lequel je ne peux rien", reconnait Frank Le Gall, également grand lecteur de Zweig même s'il affirme avoir lu "Amok" seulement après avoir écrit son scénario.

Si la série a connu un tel succès (prix du meilleur album et prix du public à Angoulême, prix du scénario au festival de Hyères...) c'est notamment parce que les personnages qui la peuplent, y compris Thédore, sont complexes et éloignés de tout manichéisme. "J'essaie de les rendre les plus humains possibles", explique le scénariste. Même s'il ressemble un peu à Tintin avec sa bouille ronde, Théodore n'est pas un chevalier blanc sans reproche.

L'album qui commence par l'obsession de la vengeance se termine avec la possibilité du pardon. Un formidable personnage féminin, Aro Satoe, apprend à Poussin que "le pardon est une arme puissante". L'idée fera-t-elle son chemin? C'est aux lecteurs de le découvrir.

La dernière réplique de l'album laisse envisager de nouvelles aventures. "Qu'allez-vous faire?" demande un personnage à Théodore. "Être vivant", lui répond-il.

Le scénariste et dessinateur affirme déjà travailler sur le prochain album. "Je n'arrêterai jamais Théodore Poussin. Ça ne sera jamais fini".

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