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Le Musée de Berne confronté à "sa "grande responsabilité" face au sulfureux legs Gurlitt

Le Musée des Beaux-Arts de Berne aura eu besoin de sept mois de réflexion en 2014 pour décider d'accepter la succession de Cornelius Gurlitt, un trésor de quelque 1.600 oeuvres comprenant des biens volés à des juifs.

Que signifie concrètement la recherche de provenance et où se situent les limites? Quelle est la responsabilité du musée face à cet héritage à l'histoire tumultueuse et comment l'a-t-il assumée? Les questionnements qui accompagnent une telle succession sont explorés dans l'exposition de grande envergure "Gurlitt. Un bilan" qui se tient du 16 septembre au 15 janvier au musée.

Après sept années de recherches et évaluations sur ce lourd héritage, le musée a décidé l'an dernier de la manière de traiter les oeuvres dont la provenance n'a pas été clarifiée, renonçant à 38 oeuvres volées par les nazis ou suspectes mais acceptant d'en garder 1.091 dont la provenance était lacunaire mais sans preuve ni indication de spoliation.

Un choix immoral selon certains mais le musée rejette les critiques tout en soulignant sa "grande responsabilité" face à ce legs.

"On a développé des catégories pour pouvoir décider raisonnablement" selon la provenance et les éventuels indices de spoliation, et "je crois que l'on a abouti à une solution juste", a expliqué Marcel Brülhart, expert juridique du musée, lors de la présentation de l'exposition.

- "Illusion" -

Vivant dans un appartement munichois au milieu de toiles de Chagall ou Matisse parmi d'autres maîtres, l'octogénaire allemand Cornelius Gurlitt, fils de Hildebrand Gurlitt, un marchand d'art au passé trouble sous le IIIème Reich, avait été propulsé malgré lui sous le feu des projecteurs après la découverte de son trésor – quelque 1.400 œuvres - par les autorités allemandes en 2012.

D'autres œuvres avaient par la suite été découvertes dans une maison lui appartenant à Salzbourg en Autriche.

Certaines des oeuvres faisant partie de l'héritage Gurlitt avaient été soit confisquées par les nazis à des Juifs et revendues ensuite, soit vendues à bas prix par des Juifs en fuite. Ou encore confisquées par des agents du IIIème Reich parce que considérées comme de "l'art dégénéré".

L'affaire avait relancé le débat sur la restitution des oeuvres dérobées aux juifs sous le IIIe Reich.

"C'est une illusion de penser que l'on va aboutir à des connaissances complètes" sur la provenance des oeuvres, "l'histoire avance et beaucoup de documents ont été détruits", a indiqué M. Brülhart à l'AFP.

Il a également souligné que Hildebrand Gurlitt n'avait travaillé avec le IIIe Reich que "pendant une période très limitée de sa vie" et avait collectionné des oeuvres toute son existence.

A ses yeux, l'affaire Gurlitt marque un véritable "tournant" car le musée a montré que des décisions peuvent être prises pour trouver une solution juste même lorsque la provenance d'une oeuvre est incomplète.

- "Transparence totale" -

Le musée, selon sa directrice Nina Zimmer, a eu à coeur d'adopter dans ses recherches une "transparence totale", de réévaluer l'expertise en cas de nouvelles informations et de trouver des solutions justes et équitables avec les ayants droit potentiels, même en cas de connaissances lacunaires.

Jusqu'à aujourd'hui, 11 oeuvres ont été restituées, dont le tableau "Femme à l'éventail" d'Henri Matisse rendu aux héritiers de Paul Rosenberg en 2015. Selon M. Brülhart, près de 30 oeuvres font encore l'objet de litige.

Il s'agit de la troisième exposition organisée par le musée sur ce legs.

Mais "les expositions de 2017 et 2018 présentaient les oeuvres du legs comme un exemple du marché de l'art pendant la période nazie en Allemagne et comme un exemple de l'art spolié" a expliqué à l'AFP Nikola Doll, commissaire de l'exposition.

La nouvelle exposition vise quant à elle à présenter le travail de recherche de provenance des oeuvres que le musée a lancé en 2017 et présente environ 350 pièces, à la fois oeuvres d'art du legs et reproductions de documents historiques issus du fonds écrit de Cornelius Gurlitt conservé aux Archives fédérales allemandes et dans d'autres archives en Allemagne, en France et en Suisse.

On y retrouve quelques oeuvres de Cézanne, Kandinsky, Munch ou encore Monet et Rodin.

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