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Les films classiques au cinéma, un marché en essor mais fragile

"Playtime", "Les Enfants du Paradis" ou "Massacre à la tronçonneuse": les sorties de films classiques restaurés au cinéma, facilitées par le numérique, se sont multipliées ces dernières années, mais au risque de saturer un marché à l'équilibre précaire.

En 2014, 124 films ont reçu le label "patrimoine" dans les salles, selon les chiffres de l'Association française des cinémas d'art et essai (AFCAE). Ils n'étaient que 83 en 2002.

Depuis cinq ans, le secteur a été dopé par le numérique, qui permet de restaurer les films de manière beaucoup plus efficace et moins coûteuse, et de les diffuser beaucoup plus largement.

En raison de ces moindres coûts, davantage d'ayant-droits sont tentés par la sortie en salles. Alors que les nouveaux films sont légion chaque semaine, dépassant régulièrement les 15 titres, il n'est pas rare que cinq films de patrimoine arrivent dans le même temps sur les écrans.

Dans les prochaines semaines, le public pourra ainsi revoir "Les Nerfs à vif" de Martin Scorsese, "Forrest Gump" de Robert Zemeckis, "Au hasard Balthazar" de Robert Bresson ou "Le Conformiste" de Bernardo Bertolucci.

"C’est un domaine actif, auquel la +civilisation numérique+ donne une impulsion formidable: de partout on restaure les films", a souligné à l'AFP Thierry Frémaux, organisateur du Festival Lumière dédié aux films classiques, qui se tient jusqu'à dimanche à Lyon.

Pour la troisième année, le festival a abrité un Marché du film classique. Plus de 200 professionnels (distributeur, diffuseurs...) s'y sont retrouvés pendant trois jours, avec une participation en augmentation de 30% cette année, selon les organisateurs.

Signe de l'effervescence du secteur, Gaumont-Pathé s'apprête à ouvrir le 6 novembre un nouveau cinéma entièrement dédié au patrimoine à Paris, Les Fauvettes, aux normes de confort et de qualité les plus modernes.

- "Mauvais été" -

Mais si ce secteur est dynamique, la multiplication des sorties commence à peser sur le marché, qui est plus difficile depuis quelques mois, selon des distributeurs de films.

Cet été, seuls "Sorcerer" de William Friedkin et "Le Troisième Homme" de Carol Reed ont tiré leur épingle du jeu, souligne Le Film français, avec respectivement 14.697 et 12.340 entrées (chiffres CBO Box Office).

"C'est assez compliqué depuis le printemps. Traditionnellement, pour les distributeurs de classiques, l'été était l'eldorado. Et pour la première fois il y a eu un mauvais été", constate Philippe Chevassu, directeur de Tamasa Distribution, spécialisée dans ce domaine, et coprésident de l'Association des distributeurs de films de patrimoine (ADFP).

"Il y a pléthore de films qui sortent, et cela s'avère relativement nuisible", ajoute-t-il. Pour lui, "les spectateurs ne savent plus quoi choisir et d'autre part, la durée de vie des films est plus courte, donc ils ont moins le temps d'y aller. Pour couronner le tout, les exploitants de province ne peuvent pas absorber une telle quantité de films".

En 2014, les films de patrimoine en salles, pourtant plus nombreux qu'en 2013, n'ont représenté que 1,8% de la fréquentation contre 2,2% l'année précédente, selon les chiffres du CNC.

"Le marché du patrimoine est en train de connaître un trop-plein de propositions", analyse également Jean-Fabrice Janaudy, directeur adjoint du distributeur Les Acacias. Pour sa société, les entrées ont diminué de 20% en 2014, selon lui.

"Comme il y a de plus en plus d'acteurs, chaque distributeur voit sa part de marché diminuer d'autant", dit-il.

Du côté des exploitants de salles, le bilan est aussi en demi-teinte. "La fréquentation est en-deçà de ce qu'on pourrait espérer, compte tenu de la qualité de l'offre", estime François Aymé, Président de l'AFCAE, qui se dit cependant "assez optimiste".

Pour lui, "il faut recréer un désir sur les films de patrimoine et des habitudes".

Festivals, présentation des films par des acteurs ou réalisateurs, nuits thématiques ou autres événements: "Ce qui fait venir les gens, c'est le sentiment de participer à une manifestation qui fait l'actualité", juge-t-il.

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