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Retour sur l'affaire Huawei: deux semaines plus tard, faut-il toujours avoir peur d'acheter un smartphone chinois ?

La guerre froide technologique que se livrent les Etats-Unis et la Chine ne fait sans doute que commencer. L'une des premières attaques frontales a eu lieu il y a près de deux semaines, Trump interdisant à toutes les entreprises américaines, dont Google qui fournit des services essentiels, de collaborer avec Huawei, N.2 mondial du smartphone. RTL info fait le point sur la situation internationale et belge du groupe, et vous allez le voir, rien n'est joué…

Il y a près de deux semaines, la terre a tremblé à Shenzhen, où le géant chinois des télécoms Huawei a son siège (on l'a déjà visité, d'ailleurs). En cause: pour des raisons géopolitiques et protectionnistes à peine dissimulées, l'administration Trump a placé l'entreprise sur une liste noire, empêchant théoriquement toute entreprise américaine (ou ayant des liens avec des technologies américaines) de continuer à travailler avec Huawei.

Cet acte fondateur d'une guerre froide technologique, qui avait commencé avec des soupçons d'espionnage, a connu son paroxysme quelques heures plus tard, Google annonçant qu'il se plierait aux injonctions de Trump, et mettrait fin à la licence Android permettant à Huawei d'installer les services Google sur ses smartphones (dont l'inévitable Google Play Store permettant de télécharger des applications, mais également YouTube, Gmail, Google Maps, Chrome, recherche, etc).

Force est de constater que la situation est aujourd'hui plus trouble que jamais. Tout d'abord, Huawei bénéfice d'un sursis de trois mois: aucune entreprise n'est donc actuellement obligée de cesser de fournir (et de se fournir) matériel et services au géant chinois. Certaines entreprises, sans doute sous pression de l'administration Trump, annoncent cependant la fin des collaborations, c'est le cas d'ARM (dont Huawei exploite des licences pour fabriquer ses propres puces via sa filiale HiSilicon), mais aussi d'Intel, Qualcomm, etc.

Il y a pourtant des signaux qui tendent à dire qu'une issue favorable est possible, et que, comme nous l'écrivions, la manœuvre de Trump est avant tout stratégique: mettre une énorme pression sur la Chine en prouvant que les Etats-Unis ont les moyens de paralyser une entreprise comme Huawei. Mais il y a beaucoup à perdre du côté de l'économie américaine également, et Pékin commence à montrer les dents, en créant sa propre liste noire d'entreprises américaines qui pourraient être boycottées en Chine. Bref, on gonfle les biceps de part et d'autre. 

Deux signaux positifs

Revenons à nos signaux positifs: Google, qui avait dit ne plus collaborer dans le futur avec Huawei, vient de lui faire une fleur symbolique, en replaçant le Mate 20 Pro, un appareil de fin 2018, sur la liste des smartphones ayant droit à la mise-à-jour en beta d'Android Q, la version 2019 du système d'exploitation de Google. Il avait disparu de cette liste le 21 mai, et il y est revenu le 30. Ce retour n'est peut-être dû qu'au sursis de 3 mois, mais Google n'était pas obligé de le mettre sur la liste des terminaux expérimentaux, surtout s'il compte bannir Huawei après le 19 août 2019…

Autre bonne nouvelle pour Huawei: le groupe est progressivement réintégré dans des consortiums tels que la WiFi Alliance, Bluetooth SIG, SD Association. Il s'agit d'organisme de collaboration pour faire évoluer des technologies communément utilisées par les smartphones notamment. Huawei avait été exclu, il a été rapidement réintégré. Ce revirement de situation est peut-être lié à l'action des avocats de Huawei, qui ont mis sur pied une contre-attaque visant à montrer que les mesures de Trump ne respectent ni la Constitution américaine, ni le droit international.

Parallèlement à tout cela, des experts estiment que tout pourrait se jouer en juin prochain, lors du G20 au Japon, Donald Trump et Xi Jinping devant y discuter. Et s'ils enterraient la hache de guerre après quelques concessions de part et d'autre ?


Les responsables juridiques de Huawei annonçant une riposte devant la justice américaine (©AFP)

Comment ça se passe dans les coulisses de Huawei ?

L'entreprise est sous pression, c'est clair, mais elle ne le montre pas. Elle ne communique d'ailleurs que de manière très contrôlée. Rien d'officiel n'a filtré du côté de Huawei Belgique, même si on sait que les équipes ont été surprises et choquées par l'annonce de Trump, puis par celle de Google.

L'impact sur les ventes dans notre pays est limité, d'après nos informations. Mais il est clair que les doutes ne sont jamais bons pour attirer un client, et que la concurrence en profite pour mieux se positionner et enfoncer Huawei.

La peur de communiquer est également liée aux négociations en cours entre Huawei et Google, par exemple. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, et envoyer dès maintenant des signaux trop optimistes. Signaux qui pourraient également mettre en colère l'ami Donald et lui donner l'envier de remettre une couche.

Donc bref, l'ambiance est tendue, mais pas défaitiste. Huawei aurait largement les moyens pour survivre à une telle mésaventure, et étudie toutes les options, même celle d'un avenir sans Google. 

Est-raisonnable d'acheter un smartphone Huawei actuellement ?

Vient la question que vous, consommateur lambda qui ne se préoccupe pas tellement de cette guerre froide technologique, vous posez probablement si vous devez acheter un smartphone: faut-il abandonner Huawei ?

Il y a deux réponses possibles. La première est OUI, méfiez-vous. Si vous comptiez investir dans un appareil Huawei haut de gamme comme le P30 Pro qui vient de sortir, ou le Mate 20 Pro, ce n'est pas le moment. Car pour ce genre d'appareils vendus au-delà des 700€, les consommateurs sont plus exigeants et sont en droit d'attendre la mise à jour annuelle (celle vers Android Q prévue en automne) de leur système d'exploitation, amenant de nouvelles fonctionnalités. Or, a priori (mais rien n'est sûr, on l'a vu), Android Q ne devrait pas être autorisé par Google.

La deuxième réponse est NON, ne changez pas vos habitudes. Si vous comptiez opter pour un modèle entrée ou milieu de gamme, votre critère N.1, comme la majorité des utilisateurs, n'est certainement pas la compatibilité avec la future mise à jour d'Android. Vous cherchez un appareil avec un bon rapport qualité-prix et qui fonctionnera de la même manière durant 2 ou 3 ans. Dans ce cas, si vous aimez Huawei, vous ne risquez pas grand-chose.

Car n'oublions pas que Google a des obligations commerciales envers le consommateur, et ne peut pas, à partir du 19 août, désactiver des fonctionnalités à distance sur des millions d'appareils en circulation, sans risquer de mettre en colère leurs propriétaires. Votre smartphone Huawei, y compris celui que vous pourriez acheter prochainement, continuera à fonctionner, et à être capable de mettre à jour toutes vos applications.

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