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La peur des employés de supermarchés, en 1ère ligne face au virus

Les clients poussent leur chariot, touchent les aliments et s'humectent même les doigts pour trier leurs billets de banque: n'importe lequel pourrait être porteur du coronavirus et le transmettre.

Voilà les pensées qui obsèdent nombre de salariés des épiceries et supermarchés en Italie, pays le plus touché d'Europe par la pandémie. Nombre d'entre eux se sentent épuisés, mal protégés et surexposés au virus.

"Nous avons peur de ramener quelque chose chez nous", confie à l'AFP sous couvert d'anonymat Piera, la trentaine, caissière à temps partiel qui travaille depuis une dizaine d'années dans un supermarché de Novare, une ville à l'ouest de Milan où un vigile est mort du virus à 33 ans la semaine dernière.

Une caissière de 48 ans est aussi décédée à Brescia en Lombardie, foyer principal de la péninsule, semant le doute sur l'efficacité des mesures prises pour protéger le personnel. Les syndicats estiment que d'autres salariés sont sans doute morts du virus sans qu'on le sache.

Coincés derrière leur caisse pendant plusieurs heures, procédant au réassort des rayons au milieu des clients, les employés sont en première ligne.

Piera a bien reçu du gel désinfectant, des gants et un masque, qu'elle doit laver elle-même et réutiliser. La semaine dernière, la direction a en outre fait installer des panneaux de plexiglas devant chaque caisse.

Le personnel se plaint souvent que les clients continuent de venir faire leurs courses tous les jours, augmentant les risques de transmettre le virus. "Ils achètent des choses que je n'achèterais pas en situation de crise", s'étonne Chiara, caissière dans le centre de Rome: "Des sushis, du Nutella, de la bière..."

- "Juste être respectée" -

Ce qui la choque le plus, c'est le comportement irresponsable de certaines personnes face à un virus qui a déjà infecté plus de 100.000 personnes et fait plus de 12.000 morts dans la péninsule.

Certains viennent en famille, d'autres se rapprochent trop des employés, sans compter ceux qui humectent leurs doigt pour compter leurs billets.

En Espagne, le deuxième pays plus endeuillé par la pandémie derrière l'Italie, "les caissières ont bien pris conscience du risque de contagion. Les clients, ça dépend..." confie Ana Belen, caissière depuis 26 ans à Alcorcon, à 13 kilomètres de Madrid.

"On ne peut pas comparer les caissières et les personnels de santé, mais disons que la conscience réelle qu'il faut les protéger les unes comme les autres, nous ne l'avons pas tout à fait. Il y a des clients qui viennent encore en excursion au supermarché tous les jours... (...)", constate cette déléguée à la prévention du syndicat Commissions ouvrières, dans la région de Madrid, la plus touchée d'Espagne.

Ana, 46 ans, fait appliquer les nouvelles mesures anti-contagion dans ce supermarché d'Alcorcon: "Actuellement, 90% des caissières portent les gants, les masques. Il y a des lignes de signalisation sur le sol, des cloisons, du gel hydroalcoolique... On recommande de payer en carte bancaire".

En Italie, les syndicats ont demandé au gouvernement de réduire les horaires d'ouverture pour réduire l'exposition des employés, mais le Premier ministre Giuseppe Conte a promis le 21 mars que les magasins resteraient ouverts.

Les deux régions les plus touchées, la Lombardie et le Piémont (nord-ouest), ont recommandé que la température des clients soit contrôlée à l'entrée des magasins avec des scanners thermiques, mais seuls quelques-uns ont obtempéré.

La principale association italienne de grandes surfaces, Federdistribuzione, n'a pas édicté de règles spécifiques au coronavirus pour ses membres, chaque chaîne a donc ses propres règles: panneaux appelant à respecter les distances de sécurité, port de gants et masques, limitation du nombre de clients.

Comme beaucoup, Chiara vit dans l'angoisse permanente de toucher quelque chose ou quelqu'un de contaminé: "Vous commencez à penser +oh mon Dieu, je viens de toucher mon visage+, on devient un peu parano"?

Piera a besoin de "courage" pour aller travailler chaque jour. "Certains disent que nous sommes des héros. je ne crois pas, on fait juste notre travail (...) Je ne veux pas être une héroïne, mais juste être respectée".

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