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Migrants: le Danemark inflexible pousse les feux de la réforme

Sous le feu roulant des critiques, le Danemark, inflexible, a conclu pour la forme jeudi l'examen de sa réforme controversée du droit d'asile en violation, selon ses opposants, des conventions internationales.

Hasard du calendrier, le chef de la diplomatie danoise, Kristian Jensen, était attendu jeudi à Genève pour s'expliquer devant l'ONU sur la politique des droits de l'Homme de son pays, une procédure ordinaire à laquelle sont soumis les 193 Etats des Nations unies.

Encarts publiés dans la presse arabophone, resserrement des conditions de séjour, baisse des prestations: pour ses contempteurs, Copenhague se livre à un "concours de laideur" destiné à rendre le pays le moins attractif possible aux yeux des prétendants à l'asile.

Après une première session il y a 10 jours, le Parlement danois siégeait de nouveau jeudi à Copenhague à l'occasion des traditionnelles questions au gouvernement, une formalité vite expédiée. Un député de gauche a demandé l'introduction d'un amendement sur un aspect marginal du texte, sa requête a été rejetée et la présidente du Folketing a poursuivi l'ordre du jour.

La vote de la réforme le 26 janvier devrait être tout aussi promptement réglé, le gouvernement minoritaire du Premier ministre libéral Lars Løkke Rasmussen et son allié anti-immigration, le Parti populaire danois, étant assurés de la majorité depuis un accord avec les sociaux-démocrates.

La réforme a été mise sur la table à l'automne par la ministre de l'Intégration et de l'Immigration Inger Støjberg, perçue comme un "faucon" du gouvernement Rasmussen.

Elle prévoit de confisquer les effets de valeur des migrants, de diminuer leurs droits sociaux, et d'allonger les délais de regroupement familial et d'octroi du permis de séjour permanent.

- Discrimination -

Le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) a dénoncé un projet "susceptible d'alimenter la peur et la xénophobie" dans les pays d'accueil des migrants.

Volet emblématique et purement symbolique du texte, la confiscation des liquidités des migrants au-delà de 10.000 couronnes danoises (1.340 euros) et de leurs effets personnels excédant 10.000 couronnes a concentré l'essentiel des critiques de la presse étrangère.

Mais les organisations internationales s'alarment avant tout des restrictions imposées aux conditions de séjour et au regroupement familial. Copenhague veut en particulier porter de un an actuellement à trois ans le délai avant lequel le regroupement familial est ouvert aux demandeurs d'asile ne jouissant pas du statut de réfugié.

La directrice adjointe de l'Europe à Amnesty International, Gauri van Gulik, y voit une "discrimination" aux dépens d'une catégorie de migrants particulièrement fragiles.

Dans un courrier du 15 janvier au gouvernement danois, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, a estimé que ce point soulevait des questions de "compatibilité" avec la Convention européenne des droits de l'Homme et la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant.

- Crispations -

Les députés européens se pencheront sur le projet de loi danois lundi, lors d'une discussion au sein de la commission des Libertés civiles du Parlement. Le groupe des Verts, soutenu par l'extrême gauche, a tenté de porter l'affaire devant l'ensemble des eurodéputés lors de la session plénière de janvier: en vain.

"Le gouvernement danois a d'ores et déjà dit qu'il était disposé à un débat avec nous. Il faut que nous laissions les spécialistes travailler", a justifié le chef de file du PPE (droite) Manfred Weber, pour ne pas inscrire le débat "au dernier moment" à l'ordre du jour.

Les chances de voir la ministre défendre sa politique devant les eurodéputés semblent minces. "La politique migratoire danoise se décide au Danemark, pas à Bruxelles", martèle Inger Støjberg.

Plus d'un million de demandeurs d'asile, des Syriens pour près de la moitié, sont arrivés en Europe en 2015.

Cette vague migratoire sans précédent crée de vives tensions dans certains pays, dont le Danemark qui a accueilli 21.000 migrants l'an dernier et par lequel ont transité la majorité des 163.000 migrants arrivés en Suède.

Une discothèque de Sønderborg, près de la frontière allemande, refuse désormais strictement l'entrée aux personnes ne parlant ni anglais, ni danois ni allemand et la ville de Randers (est) a rendu obligatoire au menu des cantines municipales la viande de porc, interdite par l'islam mais omniprésente dans la gastronomie danoise.

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