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Voici les conséquences que la sortie de la Grèce de la zone euro pourrait avoir sur la Belgique et l'Europe

Les marchés financiers, Bourses européennes et asiatiques en tête, étaient plombés lundi par les craintes de voir la Grèce sortir de la zone euro alors que le pays fermait ses banques pour tenter de préserver son système financier après l'échec des discussions avec ses créanciers. Mais que risque-t-on vraiment si la Grèce quitte la zone Euro ? La réponse de Bruno Wattenbergh.

Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a provoqué la stupeur dans la nuit de vendredi et à samedi avec l'annonce d'un référendum sur les exigences de ses créanciers, prévu le 5 juillet après cinq mois de négociations avec l'UE, la BCE et le FMI. Dans la foulée, la Grèce a annoncé la fermeture des banques et de la bourse jusqu'au 6 juillet et l'instauration d'un contrôle des capitaux. Les espoirs d'un accord de dernière minute n'ont toutefois pas entièrement disparu notamment parce que la Banque centrale européenne (BCE) a donné un répit à la Grèce en maintenant intact le plafond de fourniture de liquidités d'urgence aux banques grecques (prêts ELA), alors que beaucoup craignaient qu'elle ne leur coupe les vivres. Ce matin, les marchés européens subissaient de plein fouet la dégradation de la situation en Grèce, mais sans toutefois s'effondrer. 

Si la Grèce sortaient de la zone euro, quelles en seraient les conséquences ? Notre chroniqueur économique, Bruno Wattenbergh apporte une réponse.

Attention... Les Grecs sont en défaut, mais défaut de remboursement ne veut pas dire mécaniquement sortie de la Zone Euro ! D’abord, plus de 70% des Grecs, à ce stade, ont exprimé leur volonté de rester dans la Zone Euro. Ensuite, politiquement, les Européens vont continuer à tout faire pour éviter l’exit ! On peut donc parier sur un scénario de maintien de la Grèce dans l’Europe et dans l’euro.


Mais il y a ce référendum quand même... Que va-t-il se passer si les Grecs disent non au programme d’austérité que l’Europe veut imposer?

L’Europe, la Grèce et même le reste du monde sont potentiellement impactés par la crise actuelle. Mais c’est quand même la Grèce qui court le plus de risque dans le jeu de poker actuel. D’abord, n’oublions pas que même en cas de "non" à ce référendum, il n’y aura pas de sortie automatique de la Grèce de la Zone Euro ou même de l’Europe. Ce dossier est plus politique qu’économique et l’objectif des autorités européennes est vraiment d’éviter l’exit. Il y aura donc plus que probablement des négociations secrètes cette semaine et quelle que soit l’issue de celui-ci, il n’y aura pas de sortie automatique, mais bien une prolongation des discussions entre Tsipras et ses créanciers, surtout européens. Ensuite, rappelons-le, ce n’est pas parce qu’un pays sort de cette Zone Euro, que la Grèce sortirait de l’Europe.


Quelles pourraient être les conséquences pratiques et concrètes d’une sortie de la Grèce de l’Euro... ?

Il faut distinguer deux types de risques finalement assez liés, les risques économiques et les risques politiques.

1. Le premier risque économique à court terme concerne la contagion à notre secteur bancaire européen, la dette grecque détenue par nos banques. C’est un risque limité. D’abord parce que nos grandes banques belges et européennes sont finalement peu exposées à cette dette grecque (5 milliards d’€), contrairement à 2009-2012. Il y aura des dégâts, mais limités, probablement surtout dans des banques de plus petits Etats-membres. Des dégâts qui devraient être gérables grâce aux réformes de l’Union bancaire et par exemple du Mécanisme Européen de Stabilité. Bref pas trop de panique au niveau de nos banques.

2. Le deuxième risque économique à court terme concerne les marchés financiers qui risquent de s’alarmer de la capacité de l’économie européenne à digérer un éventuel GREXIT. Notre économie convalescente n’a vraiment pas besoin de çà pour l’instant ! Ce risque apparaît également à priori limité. Mais qui peut vraiment savoir ce qui va se passer demain matin à l’ouverture des marchés, en Asie, et puis en Europe et aux États-Unis ? On en saura une idée cette nuit et demain dans la journée. Ensuite il y a les risques à la fois économiques et politiques.

3. Que vont penser les marchés financiers, nos bailleurs de fonds, de cette Europe incomplètement construite et politiquement incapable de résoudre le problème d’un pays représentant quelques pourcents à peine de son Produit Intérieur Brut ? Est-ce que les marchés financiers vont encore faire confiance à la dette de ses membres ? Risque-t-on de voir le coût de nos propres dettes augmenter ? La réponse à ce risque est simple : obtenir un consensus pour finaliser cette construction européenne incomplète au niveau économique et financier.

4. Enfin, il y a un risque de contagion politique dans les autres pays... N’oublions pas le référendum au Royaume-Uni ... qui va être impacté par l’issue du dossier grec. N’oublions pas les eurosceptiques... Sera-t-il possible de finaliser cette Europe économique et financière dont nous avons vraiment besoin ! Enfin, de manière plus anecdotique, il y a aussi des risques sur les fameux CDS, ces assurances contre le défaut de remboursement.


Qu’est-ce qui pourrait se passer ? Comment est-ce que la Grèce va pouvoir s’en sortir ?

Je vais vous amuser sans doute, mais le scénario le plus plausible est bien celui expliqué hier par Dominique Strauss-Khan, l’ancien patron du FMI.

Quel est le principal problème de la Grèce: sa capacité politique et opérationnelle à mettre en place des réformes. Quel est le problème de ses créanciers: leur incrédulité face à la capacité et la volonté de la Grèce de mettre en place les réformes.
La solution est donc simple.

Première étape : l’Europe et le FMI arrêtent tous transferts à la Grèce. Seule la BCE solde ses engagements pour la recapitalisation du système bancaire grec. FMI et créanciers européens suspendent pour deux ans les remboursements en étalant la maturité des dettes grecques. Bref, on allonge les délais de remboursement.

Deuxième étape : on laisse les Grecs mettre en œuvre leurs réformes fiscales et sociales sans adjonction de cash puisqu’à cause du défaut, personne ne va se risquer à leur prêter de l’argent. Ce qui, en pratique, va les confronter à leurs responsabilités. Ils restent dans des difficultés budgétaires considérables et vont devoir, pour payer les salaires des fonctionnaires et les retraites, prendre des décisions douloureuses. Dégager en pratique le fameux excédent budgétaire réclamé par les créanciers.

Troisième étape : On les aide techniquement de toutes les manières possibles, avec de l’assistance technique, de l’OCDE, de la BERD, de la Commission européenne.

Quatrième étape : si les Grecs s’en sortent, s’ils dégagent un certain excédent budgétaire, ils deviennent donc capables de rejoindre le club, sauf qu’il reste une dette impossible à rembourser. À ce moment-là, on reprend les négociations pour faire exactement ce que le FMI a fait avec des pays en voie de développement très endettés, c.-à-d. une remise partielle de dette, des effacements progressifs de dette, conditionnés à l’accomplissement des réformes réclamées par les créanciers.

Ce scénario a le mérite de maintenir la Grèce dans la Zone Euro ... et dans l’Europe, d’aboutir plus que probablement aux réformes demandées, sans toucher vraiment à la souveraineté grecque ... Quant au point faible de ce plan, c’est le fait que le contribuable européen va mettre la main à la poche ... Mais tous comptes faits, c’est déjà fait et au moins une partie de la dette sera déjà remboursée!

Conclusions: Alexis TSIPRAS a choisi l’épreuve de force, il joue au poker pour sortir d’une situation inextricable, coincé entre les promesses faites à ses électeurs et la réalité de ses marges de manœuvre. L’avenir nous dira s’il est un fin joueur ou un démagogue ... Si c’est le cas, nous pourrons citer Charles Peguy : " Le triomphe des démagogues est passager, mais leurs ruines sont éternelles ". Et ce seront les Grecs qui paieront une douloureuse addition.

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