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"Box sécurisé" ou "cage de verre" ? Les box vitrés à la barre

"Il n'est pas digne de juger des gens comme des bêtes": des avocats de toute la France ont plaidé lundi à Paris contre les box vitrés installés dans les tribunaux, un dossier que la justice tranchera le 12 février.

Dans un tribunal envahi de robes noires, les pénalistes se sont succédé pendant plus de 4H au tribunal de grande instance (TGI) pour faire le procès de ces box fermés destinés à accueillir les détenus lors de leur procès.

Le Syndicat des avocats de France (SAF) assignait pour "faute lourde" la ministre de la Justice et l'agent judiciaire de l’État, une demande à laquelle se sont joints les principales organisations et syndicats de la profession, ainsi qu'une vingtaine de barreaux à travers la France.

"Il y a unanimité. Droit de la famille, des affaires, civilistes, toute la profession est unanime pour intervenir aujourd'hui et reprendre à son compte tous les moyens développés, qu'il s'agisse des atteintes à la présomption d'innocence, aux droits de la défense, à la dignité", a lancé Me Béatrice Voss pour le Conseil national des barreaux (CNB).

"Pourquoi sommes-nous devant vous ? Tout simplement parce que parmi les États de droits, un État a décidé de généraliser les cages de verre dans l'ensemble des tribunaux correctionnels, aux assises, au tribunal de police et au tribunal des enfants", a dit Me Guillaume Grèze, qui représentait 20 barreaux, de Lyon à Angers.

Dans les prétoires, la contestation monte depuis l'été 2017 contre ces espaces vitrés, entièrement fermés à l'exception d'ouvertures horizontales, ainsi que contre certains box munis de barreaux. Si pour la chancellerie ils visent à éviter évasions et violences, ces constructions portent atteinte, selon les pénalistes, aux fondements d'un procès équitable.

- 'paranoïa sécuritaire' -

"Il n'est pas normal au XXIe siècle de juger des gens dans des cages comme des animaux. C'est une situation qui porte atteinte à la présomption d'innocence, qui place l'avocat dans une situation inacceptable", s'est insurgé Me Gérard Tcholakian pour le SAF.

Me Henri Leclerc, grand pénaliste et président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), a plaidé en tant que "témoin" après 62 ans de barreau. Le justiciable "est un homme égal à celui qui le juge", a-t-il souligné.

"Pour les voleurs de poules et les assassins abominables, à chaque fois, l'homme libre qui est jugé a une importance qui est essentielle", a-t-il ajouté, citant une magistrate: "Pour juger, il faut voir un visage".

Tour à tour, les avocats ont raconté des situations "ubuesques" et "kafkaïennes" pour communiquer avec leur client à travers les ouvertures. Ils ont dénoncé une "logique administrative aveugle", une "paranoïa sécuritaire", s'appuyant sur une directive européenne et sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

En réponse, l'avocat de la Garde des Sceaux et celle de l'Agent judiciaire de l'Etat sont restés très techniques et ont plaidé l'irrecevabilité de la demande des avocats, arguant que seule la justice administrative était compétente pour juger ce litige.

"On fait dire à la directive européenne des choses qu'elle ne dit pas", a aussi déclaré Me Yvon Martinet, avocat de la ministre, estimant que les box vitrés n'étaient pas contraires à la jurisprudence européenne sur les droits de l'homme.

Faisant siens "tous les principes évoqués" à l'audience "en tant que magistrat du ministère public", le procureur Yves Badorc a cependant conclu au rejet de la demande des avocats jugeant lui aussi que les box n'étaient pas contraires à la jurisprudence européenne.

Parallèlement, une offensive a été lancée auprès de la justice administrative. Alors que s'ouvrait le procès parisien, une autre audience s'est déroulée au tribunal administratif de Versailles, saisi par le barreau des Yvelines. La décision est attendue dans les prochains jours.

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