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"Ils sont montés au ciel": des enfants victimes collatérales du conflit au Yémen

"Intelligents, bien élevés, sages, ils sont montés au ciel": Zaïd Tayeb parle avec détachement de ses trois jeunes fils tués comme des milliers d'autres civils dans la guerre au Yémen.

Youssef, 13 ans, Ahmed, 10 ans, et Ali, 9 ans, ont été emportés le 9 août dans le nord du Yémen quand une frappe aérienne a touché leur bus alors qu'ils partaient en excursion avec leurs camarades d'école.

A Dahyan, à 20 km au nord de Saada, fief des rebelles Houthis, le décor de la salle de séjour de la maison de la famille ne laisse aucun doute sur ses allégeances.

Outre les portraits des trois fils tombés "en martyrs" figure celui du chef rebelle Abdel Malek al-Houthi et le slogan des insurgés: "Mort à l'Amérique, Mort à Israël, Honte aux juifs et victoire à l'islam".

Le raid du 9 août, qui a fait 51 morts, dont 40 enfants, selon le Comité international de la Croix-Rouge, a été attribué à la coalition sous commandement saoudien qui intervient depuis 2015 contre les Houthis, soutenus par l'Iran.

La coalition a réaffirmé lundi le caractère "légitime" du raid, affirmant avoir visé des insurgés, tout en admettant des "erreurs" ayant entraîné des "dommages collatéraux".

- Enfance "assassinée" -

Pour Zaïd Tayeb, qu'importe qui a fait quoi. Il a perdu trois garçons d'un coup et il ne lui reste que Mohammed, 5 ans, qui parade dans la maison en tenue militaire.

Le 9 août, "quand je me suis réveillé (...) je les ai trouvés vêtus d'habits neufs et leur ai demandé: que se passe-t-il?"

"Ils m'ont répondu que je devais tenir ma promesse de les laisser participer à une excursion de leur école (coranique) où ils avaient obtenu de brillants résultats", raconte-t-il en précisant les avoir empêchés de participer à une première excursion par crainte pour leur vie.

"Ils sont montés dans le bus après m'avoir embrassé et m'ont fait des signes de la main à travers les vitres".

"Je me suis retourné et me suis éloigné de 100 à 150 mètres quand le bus a été frappé", se rappelle le père.

"Dans la fumée et les débris, j'ai saisi un premier corps, face contre terre, je l'ai retourné et c'était mon fils Ahmed. Je n'oublierai jamais cet instant".

Zaïd Tayeb, un carreleur, se rend fréquemment sur les tombes de ses enfants. Les débris du bus ont été disposés à côté des sépultures ornées de bouquets de fleurs en plastique.

Les Houthis ont organisé des funérailles collectives pour les enfants de Dahyan, qui se sont transformées en manifestation contre l'Arabie saoudite, accusée d'"assassiner l'enfance au Yémen".

La coalition menée par Ryad accuse régulièrement les rebelles de se mêler aux civils, et les Houthis sont aussi pointés du doigt, dans des rapports internationaux, pour le recrutement d'enfants-soldats. Les forces progouvernementales sont également accusées d'utiliser des mineurs.

- 6.660 civils tués -

La frappe aérienne à Dahyan a suscité un tollé international.

Dimanche, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne se sont félicités de l'enquête menée par la coalition sous commandement saoudien, Londres se réjouissant notamment que cette dernière ait exprimé des regrets.

Un porte-parole militaire saoudien, le colonel Turki al-Maliki, a annoncé lundi qu'à la lumière des résultats de l'enquête, la coalition allait prendre trois mesures.

Au plan juridique, a-t-il dit, la coalition va commencer à sanctionner les auteurs des "erreurs" ayant conduit aux "dommages collatéraux" lors de cette frappe aérienne.

Elle va aussi réviser les règles d'engagement pour éviter les pertes civiles. Et, enfin, elle va procéder au dédommagement des victimes, a-t-il précisé.

La guerre au Yémen oppose depuis mars 2015 des forces progouvernementales, appuyées notamment par l'Arabie saoudite, aux rebelles Houthis qui contrôlent la capitale Sanaa et de vastes régions du nord et de l'ouest.

De nouveaux pourparlers, parrainés par l'ONU, doivent s'ouvrir jeudi à Genève.

Depuis 2015, au moins 6.660 civils ont été tués et 10.563 blessés, selon le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme.

En juillet, le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a dénoncé l'impact dévastateur du conflit sur les enfants, dont 2.200 ont été tués dans les combats.

La guerre a provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

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