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A Kaboul, l'hôtel Intercontinental, attaqué en janvier, rouvre ses portes

Le soir du 20 janvier, le piano sirupeux de Richard Clayderman a accompagné les talibans dans l’ascenseur qui les menait jusqu'aux chambres où ils ont traqué près de quinze heures durant les clients de l'hôtel Intercontinental, ciblant en priorité les étrangers.

A chaque étage, le commando lourdement armé est passé d'une chambre à l'autre, tirant dans les serrures électroniques pour ouvrir les portes et viser les hôtes terrifiés retranchés à l'intérieur.

Près de sept semaines après l'attaque - qui a fait officiellement 25 morts, contre plus de 40 selon d'autres sources, dont 15 étrangers -, l'Intercontinental, hôtel de luxe perché sur une colline au-dessus de Kaboul, a partiellement rouvert au public et autorisé l'AFP à visiter les lieux meurtris.

Quatre des six étages ont souffert de l'assaut des talibans, subissant tirs de grenades et d'armes automatiques et incendies multiples.

Aussi l'air de "Roméo et Juliette" dans les ascenseurs, qui passait en boucle ce soir-là selon le directeur des ventes et du marketing Rohullah Nawab, offre-t-il un contraste saisissant avec les destructions infligées aux couloirs et aux chambres.

L'odeur de brûlé reste prégnante dans les étages supérieurs, dont les murs et les moquettes sont carbonisés et les miroirs ont éclaté sous l'impact des balles.

Des bâches en plastique recouvrent le mobilier stocké dans les chambres les moins endommagées, pendant que des ouvriers repeignent les murs, remplacent portes et fenêtres et réparent les circuits électriques.

M. Nawab estime qu'il faudra encore cinq mois et 40 millions d'afghanis (environ 600.000 dollars) pour réhabiliter entièrement l'établissement, propriété de l'Etat afghan.

Restaurer sa réputation, cependant, prendra sans doute davantage de temps.

La nuit de l'attaque, 173 clients séjournaient dans cet hôtel de 200 chambres, selon M. Nawab. Depuis, pas une seule n'a été réservée au premier étage, le seul épargné par la furie des assaillants.

Au rez-de-chaussée, le restaurant, où plusieurs membres du commando ont soudain déclenché l'assaut en ouvrant le feu sur les clients, a rouvert et toute trace du carnage a disparu.

Mais le buffet du déjeuner, malgré ses salades et l'offre de plats chauds, ne trouve pas preneur et, confie le responsable, à peine une poignée de personnes se sont risquées jusqu'à lui depuis l'attaque.

- Gros rabais -

Avec sa réputation, l'hôtel voit aussi ses recettes s'effondrer, de plus d'un million d'afghanis (11.600 euros) par jour avant l'attaque à 50.000 environ (580), principalement grâce à quelques mariages et réunions officielles.

Pourtant M. Nawab se montre confiant, il est sûr que l'établissement restera ouvert. "C'est un hôtel historique, le gouvernement ne le fermera jamais", pense-t-il.

Pour attirer le public, l'Intercontinental, ouvert dans les années 1960, a lancé une campagne de publicité sur plusieurs télévisions du pays racontant son histoire et proposant jusqu'à 50% de rabais sur les repas, les chambres et les événements spéciaux.

"Il faut du temps pour que les affaires reprennent, la communauté internationale a été choquée", avance-t-il.

Comme d'habitude, les autorités gardent le silence sur les circonstances et les conséquences de l'assaut revendiqué par les talibans. Le ministère de l'Intérieur a soumis son rapport d'enquête au président Ashraf Ghani depuis trois semaines au moins mais rien n'a filtré de ses conclusions.

Une douzaine de personnes, membres du personnel et de la sécurité, sont toujours détenues et accusées de complicités avec les talibans.

Le chef adjoint de la compagnie de sécurité de l'hôtel a raconté le mois dernier à l'AFP comment le responsable des ventes de l'époque - toujours détenu - avait lui-même donné l'ordre de laisser passer la voiture des assaillants sans la fouiller.

"Tous les jours nous recevions ce type de messages de Ahmad Haris Ayab", a-t-il accusé.

Les visiteurs ont également rapporté l'absence de contrôles à l'entrée du bâtiment, les portiques de détection en panne.

Mais rien n'a changé depuis, a constaté l'AFP lors de sa visite cette semaine.

Rohullah Nawab fait valoir que la direction de l'hôtel attend les instructions du NDS, les services de renseignements afghans, pour renforcer ses dispositifs.

Plusieurs semaines plus tard, le souvenir de l'attentat reste encore vivace dans l'esprit des employés revenus travailler; d'autant plus que certains de leurs collègues sont soupçonnés d'avoir aidé les terroristes.

Deux serveurs qui s'étaient sauvés en sautant par les fenêtres sont toujours hospitalisés, indique M. Nawab. Lui-même a échappé de peu aux tirs dans le restaurant.

"C'est difficile, mais que peut-on faire?", demande-t-il.

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