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Découvrir la radio au collège, un antidote aux théories du complot

"Avant, les médias, je les considérais comme des vipères", lance Boubacar. "On pensait qu'ils mentaient pour faire du buzz, qu'ils racontaient n'importe quoi", renchérissent Lea et Marie-Annie. "Maintenant, notre vision a évolué. Beaucoup dans la classe veulent devenir journalistes", constate Adir.

Dans le cadre de l'opération "InterClass" lancée par France Inter à la rentrée, 125 collégiens de Paris et de banlieue se sont initiés pendant des mois au journalisme radio, épaulés par 30 professionnels de la station. Mercredi, une dizaine d'entre eux, âgés de 13 à 15 ans, participaient aux émissions de France Inter.

Apprendre à s'interroger, à interroger les autres, à rechercher des sources, à répondre aux "5 W" -- qui, quoi, quand, où et pourquoi -- a fait réfléchir les élèves. Bilan : cette éducation aux médias a fait reculer les théories du complot et les préjugés, estiment deux des artisans de l'opération, la journaliste Emmanuelle Daviet et Iannis Roder, professeur d'histoire au collège "Pierre de Geyter" de Saint-Denis.

Mercredi, en direct, Medi a co-présenté la revue de presse d'Inter, puis Boubacar et Adir, tous venus du collège Georges Rouault à Paris, ont interrogé des journalistes de la rédaction sur leur métier, sans les ménager.

"Pourquoi traite-t-on les attentats différemment en fonction du lieu où ils se produisent, comme au Liban, en Turquie ou au Mali", a demandé Adir, se faisant l'écho d'un reproche fréquent à l'égard des médias.

"Il y a souvent un regard cynique qui nous porte à plus regarder ce qui se passe près de chez nous. Nous y faisons très attention car face au terrorisme, une vie humaine vaut une vie humaine, aucune n'est plus importante", répond Claude Guibal, grand reporter.

"Mais il faudra le montrer". Il n'y a pas que les journaux qui doivent parler des attentats "il faudrait aussi faire des manifestations de citoyens", estime Boubacar.

Imene a interviewé des personnes âgées sur leur vie amoureuse pour "l'amour n'a pas d'âge", sujet qu'elle avait choisi. La rencontre lui a beaucoup plu. Elle ne s'y attendait pas.

"Ils y allaient à reculons, ils nous disaient : +interroger des vieux, ça va être barbant+", sourit Iannis Roder. "Mais ils sont tombés sur des femmes de 68, parfaitement décomplexées dans leur couple. Les collégiens leur ont demandé s'ils s'embrassaient toujours, s'ils se regardaient nus... Elles se sont marrées et leur ont répondu qu'évidemment oui ! Les collégiens étaient sans doute les plus gênés des deux", s'amuse-t-il.

- Rétablir la confiance entre la presse et les jeunes -

Lea et Marie-Annie ont discuté avec un rabbin et un prêtre sur le thème "aimer qui je veux". "Quand mes élèves, la plupart de confession musulmane, sont allés discuter avec le grand rabbin Olivier Kaufmann, ils n'étaient jamais rentrés dans une synagogue, hésitaient même à y aller. Ils sont restés deux heures. C'était formidable", se réjouit Iannis Rodier.

"Après les attentats de janvier 2015, nous nous sommes demandés que faire dans ce pays incroyablement solidaire et pourtant tellement divisé. De là est né InterClass: de septembre à juin, cinq équipes de France Inter sont allées travailler dans cinq classes de 4e et 3e, de collèges différents, pour expliquer les métiers de l'information, avec l'objectif de fabriquer une série de magazines. Il est essentiel de rétablir la confiance entre la presse et les jeunes", a souligné Laurence Bloch, directrice de France Inter.

"On leur explique qu'il ne faut pas tout prendre pour argent comptant", ajoute Iannis Roder. "Si on n'apprend pas l'exprit critique, à décrypter l'info, on ne lutte pas contre les théories du complot, qui sont le terreau de la radicalisation", martèle Emmanuelle Daviet. "Il faut leur faire comprendre que ces théories très séduisantes les manipulent".

"Le but est de leur faire rencontrer des gens qu'ils n'ont pas l'habitude de rencontrer. Maintenant ils réfléchissent davantage, ils ne sont plus seulement dans la spontanéité adolescente. Ils se disent : +il faut que je vérifie, que je croise mes sources+", explique le professeur d'histoire.

"Pour les attentats de Bruxelles, je n'ai plus vu les réactions de méfiance que j'ai vues pour ceux de janvier".

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