Accueil Actu

Espionnage: Obama affaibli par les griefs de ses partenaires

Le Brésil, le Mexique, la France, et maintenant l'Allemagne: Barack Obama est affaibli sur la scène internationale par les griefs croissants de ses partenaires, outrés d'avoir été apparemment visés par les services de renseignement américains.

Depuis que l'ancien consultant du renseignement Edward Snowden, en fuite, a commencé à révéler cet été les détails des opérations de surveillance des données électroniques menées dans le monde par l'Agence de sécurité nationale (NSA), le président Obama est dans une position de plus en plus inconfortable.

Début septembre au G20 de Saint-Pétersbourg, en Russie, il avait dû réorganiser en catastrophe son emploi du temps pour des entretiens en tête-à-tête avec ses homologues mexicain et brésilienne, Enrique Peña Nieto et Dilma Rousseff. Tous deux avaient fait part de leur colère après des révélations de presse --a priori alimentées par M. Snowden-- sur la surveillance de leurs communications personnelles par la NSA.

En protestation, Mme Rousseff avait pris la décision très rare d'annuler une visite d'Etat à Washington. Le Mexique promet désormais une enquête "exhaustive" sur ces activités, un revers pour l'administration Obama qui avait assidûment courtisé ces deux pays, vus à la fois comme des marchés d'exportation et des fournisseurs d'énergie prometteurs.

L'affaire de la NSA a aussi porté un coup sévère à la cote de M. Obama en Europe, au moment où son administration a érigé en priorité la conclusion d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne. Deux des alliés les plus fiables des Etats-Unis, la France et l'Allemagne, ont protesté cette semaine après des révélations sur l'interception présumée de communications, dont celles du téléphone portable de la chancelière Angela Merkel.

Cette dernière, qui avait fait part de son mécontentement la veille auprès du président Obama au téléphone, a lancé jeudi une mise en garde sévère à Washington, affirmant: "L'espionnage entre amis, ça ne va pas du tout".

Ce sujet s'est imposé au sommet européen de Bruxelles, où Mme Merkel et le président français François Hollande ont dit être décidés à demander des comptes aux Etats-Unis.

Ombrage

M. Obama et Mme Merkel entretenaient jusqu'ici des relations cordiales et empreintes de respect: le président avait même décerné à la chancelière la médaille présidentielle de la liberté, la plus haute récompense civile américaine.

Mais pour Stephen Szabo, du groupe de réflexion américain "German Marshall Fund", "les relations entre elle et Obama ne vont pas sortir intactes" de l'épisode actuel. "Je pense qu'elle en a pris personnellement ombrage", a-t-il ajouté. Mme Merkel a grandi en Allemagne de l'Est, où les opérations d'espionnage de la sûreté de l'Etat (Stasi) étaient omniprésentes.

La défense de la Maison Blanche n'a sans doute rien fait pour calmer la colère de l'Allemagne. "Le président a assuré à la chancelière que les Etats-Unis ne surveillent pas, et ne surveilleront pas les communications de la chancelière", a répété jeudi le porte-parole de M. Obama, Jay Carney.

Mais ce dernier a refusé de préciser cette formulation, qui laisse ouverte la possibilité que la surveillance ait bien eu lieu, en assurant qu'il ne répondrait pas à "des accusations spécifiques". Il a concédé que la divulgation des activités d'espionnage présumées des Etats-Unis avait provoqué des "tensions" avec leurs partenaires.

La Maison Blanche, depuis que les révélations sur la NSA ont commencé à s'empiler, assure qu'elle passe en revue ses pratiques, et promet de trouver un équilibre entre "sécurité" des Etats-Unis et inquiétudes des partenaires de Washington pour la protection de leurs données.

Des responsables américains, en privé, soulignent aussi que tous les pays s'adonnent à l'espionnage, un argument qui risque de ne pas porter, selon Jackson Janes, spécialiste de l'Allemagne à l'université Johns Hopkins. "Vu le nombre d'affaires dans l'actualité (...) je m'attends à ce que cela attise la colère contre les Etats-Unis chez ceux qui sont prédisposés à une telle colère", explique-t-il.

Vicente Fox, l'un des prédécesseurs de M. Peña Nieto à la tête du Mexique, estime pourtant qu'"il n'y a rien de nouveau dans le fait que l'espionnage existe dans le monde entier, dont au Mexique". Il assure "ne pas comprendre ce qui fait scandale".

Et pour l'ancien agent de la Centrale américaine du renseignement (CIA) Joseph Wippl, l'Allemagne devrait même se sentir honorée d'avoir été espionnée par les Etats-Unis. "La chancelière Merkel est quelqu'un d'important (...) Comment la NSA ne voudrait-elle pas écouter la personne la plus puissante au monde après le président Obama?", s'interroge-t-il.

À la une

Sélectionné pour vous