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L'attentat dans une usine près de Lyon répond à une nouvelle forme de terrorisme: "L'effet est le même qu'il y ait une victime ou qu'il y en ait 3000"

En agissant seul et en utilisant la mise en scène choquante de la décapitation, l'auteur présumé de l'attentat de Saint-Quentin-Fallavier, a suivi à la lettre les directives données par les groupes Al Qaïda et Etat islamique: frappez où vous pouvez, comme vous pouvez, seul compte le retentissement médiatique.

Même s'il avait été repéré par la police en raison de sa fréquentation de milieux radicaux, Yassin Salhi, père de famille de 35 ans, semble n'avoir fait appel à aucun complice quand il a décidé de passer à l'action terroriste, après des années au cours desquelles sa conduite n'avait pas permis de confirmer les soupçons qui pesaient sur lui.

Et vendredi matin, en assassinant et décapitant son collègue de travail puis tentant maladroitement de faire sauter une usine produisant des gaz, il a mis en pratique les conseils donnés de longue date par l'organisation fondée par Oussama ben Laden puis plus récemment par le groupe Etat islamique.


Les consignes du "jihad global"

Ces formations, qui prônent le "jihad global", encouragent leurs sympathisants, s'ils ne peuvent pas ou ne veulent pas rejoindre une "terre de jihad", à viser les "infidèles", militaires, policiers ou même civils, de toutes les manières possibles.

Et même si les enquêtes démontrent à posteriori que les mouvements extrémistes n'ont eu aucun lien opérationnel avec les auteurs des attaques, rien n'est plus facile ensuite que de crier victoire et de chanter les louanges des agresseurs, élevés au rang de "martyrs" s'il y perdent la vie.


"Ils ne craignent pas la mort, ils cherchent le martyr"

En fonçant avec sa camionnette contre des bombonnes de gaz, tout porte à croire que Yassin Salhi, qui ne semble pas avoir été armé d'autre chose que d'un couteau, espérait périr dans une énorme déflagration qui aurait embrasé l'usine Air Products. Ayant survécu à la première explosion, il a continué, tentant d'ouvrir des bouteilles d'acétone avant d'être maîtrisé par des pompiers.

Ce mode d'action correspond à ce qu'avait annoncé en janvier, trois jours après l'attaque à Paris contre Charlie Hebdo, Harith al-Nadhari, un responsable religieux d'Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). Vous ne serez pas en sécurité tant que vous combattez Allah, son messager et les croyants", avait-il lancé dans une vidéo. "Des soldats qui adorent Allah sont venus parmi vous. Ils ne craignent pas la mort, ils cherchent le martyr au nom d'Allah".


Pas de différence entre civils et militaires

En septembre, un porte-parole de l'EI, Abou Mohamed al-Adnani, avait exhorté dans un message audio "vous, les Croyants, à prendre part à la bataille, où que vous soyez". "Si vous pouvez tuer un infidèle américain ou européen, en particulier un de ces sales et rancuniers français, (...) ou un citoyen de ces pays qui ont déclaré la guerre à l'Etat islamique, et bien faites confiance à Allah et tuez-les où qu'ils soient, et de la manière que vous pourrez", avait-il lancé.

Pour al-Adnani les jihadistes ne doivent pas faire de différence entre civils et militaires: "Il est légal pour un Musulman de s'en prendre aux biens d'un mécréant et de répandre son sang, car son sang ne vaut pas plus que celui d'un chien".


On est passé de l'hyper-terrorisme au "lumpenterrorrisme"


Dès l'automne 2010, dans le magazine jihadiste en anglais "Inspire", le converti américain Adam Gadahn évoquait "les devoirs du jihad individuel". Et dans une vidéo intitulée "Vous n'êtes responsables que de vous-mêmes", il lançait: "Les Musulmans en Occident doivent savoir qu'ils sont parfaitement positionnés pour jouer un rôle décisif dans le jihad contre les sionistes et les croisés. Alors, qu'attendez-vous?"

"On est passé de l'hyper-terrorisme (d'Etats), du 11 septembre au lumpenterrorisme" (référence au lumpenproletariat ou sous-prolétariat de Karl Marx, ndlr), explique à l'AFP le criminologue Alain Bauer, auteur du livre "Terrorismes". "Ce sont des micro-attentats menés par un ou deux opérateurs, avec leurs couteaux, leur voiture, leur gazinière... Ils sont moins structurés, professionnalisés et du coup peuvent faire plus de petits attentats. Mais l'effet est le même qu'il y ait une victime ou qu'il y en ait trois mille".

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