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La France et le pape François sur l'air de "Je t'aime moi non plus"

Entre François et la France, cela ressemble à "Je t'aime moi non plus": cinq ans après son élection, le pape argentin reste populaire dans un pays qu'il n'a jamais visité même si son discours d'ouverture bouscule une partie des catholiques.

Après son accession au trône de saint Pierre le 13 mars 2013, Jorge Bergoglio a bénéficié d'une "très bonne réception" en France, rappelle à l'AFP Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l'Ifop. "En allant au-devant des plus pauvres, il a marqué les esprits".

Mais ses appels répétés à l'accueil des migrants à partir de 2015 "ont pu susciter un certain trouble", estime le politologue. "Insister sur ce sujet a créé une prise de distance chez une partie des catholiques, les plus ancrés à droite: derrière tout cela se joue un sentiment de déclin face à un islam en expansion".

Un sondage BVA publié mardi par Le Figaro montre une érosion du capital sympathie du pape argentin: si 78% desFrançais gardent une bonne opinion de lui, c'est neuf points de moins qu'en 2015. La baisse est plus marquée encore chez les catholiques pratiquants réguliers (-12 points) même si le niveau d'adhésion est toujours très élevé (à 86%) dans ce segment légitimiste envers le "vicaire du Christ".

La question migratoire n'est peut-être pas seule en cause: dans les milieux conservateurs, "on comprend mal l'ouverture pastorale aux situations d'homosexualité ou au remariage" des divorcés affichée par le pontife, analyse le sociologue Philippe Portier, cité par Le Figaro.

Pour autant, "on ne peut pas parler d'une fronde venue des profondeurs catholiques contre un pape progressiste, on n'en est pas là", nuance Jérôme Fourquet.

François suscite toujours l'intérêt voire l'engouement, au-delà même des fidèles. Lundi, 300 élus du sud de la France l'ont rencontré au Vatican, comme 260 édiles de la région Auvergne-Rhône-Alpes avant eux, en 2016.

Emmanuel Macron lui-même espère faire le voyage à Rome dans les prochaines semaines, à la rencontre d'un pape dont il a souligné combien l'action était "admirée" en France, citant ses efforts pour le climat dans le sillage de son encyclique sur l'écologie "Laudato si'", parue en 2015.

- La France "pas la plus fidèle" -

Le pontife argentin, lui, n'a toujours pas inscrit la France au programme de ses visites pastorales. "On peut dire que l'invitation a été reçue, qu'elle est envisagée, mais qu'il faut attendre qu'elle soit rentrée dans le calendrier du Saint-Père", a expliqué le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier. Des intentions que François a plusieurs fois manifestées, sans jamais les concrétiser.

"La France n'est pas sa préoccupation, il a d'autres horizons", confie à l'AFP le père Daniel Duigou, chargé de la paroisse progressiste de Saint-Merry à Paris, qui vient de publier une "Lettre ouverte d'un curé au pape François" (Presses de la Renaissance"). Pour ce prêtre, sur des sujets sensibles comme la place des femmes dans l'Eglise, "le silence des évêques de France est symptomatique: c'est comme s'il n'y avait pas d'adhésion franche à François".

Le premier "pape du Sud", plus préoccupé par les "périphéries", a eu des mots rudes sur l'Europe vue comme "une grand-mère" en déclin. Comme vis-à-vis de la France, "fille aînée de l'Eglise" mais peut-être "pas la plus fidèle": au-delà de la boutade, il a regretté que sa laïcité ait pu conduire à abaisser les religions au rang de "sous-cultures".

Dans un pays largement sécularisé où à peine 2% de la population va à la messe le dimanche, "le risque de l'Eglise de France c'est qu'elle gère le déclin: le pape François nous appelle à sortir d'une vision gestionnaire pour être missionnaire", se réjouit l'abbé Pierre-Hervé Grosjean.

"Parfois on pourrait avoir envie de lui dire: +Très Saint-Père, merci pour votre exigence, soyez aussi encourageant+", reconnaît ce prêtre-blogueur.

Mais l'abbé Grosjean est convaincu que les "catholiques engagés" de France accueilleraient François "avec joie", comme Jean-Paul II et Benoît XVI avant lui. Stimulés par une "parole de feu" qui défend "avec la même vigueur le réfugié et l'enfant à naître".

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