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La relance de l'affaire des emails pourrait-elle coûter l'élection à Hillary Clinton? "Jusqu’au bout ce sera un suspense très important"

A une semaine du scrutin présidentiel aux Etats-Unis, rien n'est encore joué. Jamais une élection américaine n'aura été si incertaine, même si les observateurs restent prudents. Julien Modave et Marc Evrard ont interviewé à ce propos Michel Hermant, professeur de sciences politiques à l'Université de Liège, pour le RTLINFO 19H.

Donald Trump croyait possible lundi de gagner la Maison Blanche le 8 novembre en chassant sur les terres démocrates, profitant du soudain affaiblissement d'Hillary Clinton dans le nouvel épisode de l'affaire de ses emails. "Si Hillary est élue, elle ferait l'objet d'une enquête pénale prolongée, et probablement un procès pénal", a déclaré le candidat républicain à la Maison Blanche lors d'un meeting à Grand Rapids, dans le Michigan, un Etat traditionnellement favorable aux démocrates où le milliardaire populiste tente une percée, à huit jours de l'échéance. "Son élection enfoncerait l'Etat et notre pays dans une crise constitutionnelle", a-t-il affirmé.

Donald Trump est légèrement en retard dans les sondages sur la démocrate, mais Hillary Clinton ne peut plus se reposer sur l'avance exceptionnelle dont elle bénéficiait il y a deux semaines, et qui a largement fondu, à 2,8 points en moyenne. Un sondage Politico réalisé ce week-end crédite Hillary Clinton de 42% des intentions de vote contre 39% pour Donald Trump et 7% pour le libertarien Gary Johnson. Une autre enquête de la chaîne ABC ne donne qu'un point d'avance à la démocrate.


"Jusqu’au bout ce sera un suspense très important"

"C’est vrai qu’il y a une semaine, même pas une semaine, on pouvait dire à 90% que c’était Clinton, maintenant, de nouveau, c’est le doute. Clinton a baissé, Trump est remonté dans les sondages. Le gros problème, c’est que ce n’est pas sur l’ensemble des Etats-Unis, je rappelle toujours le cas George W. Bush face à Al Gore, Al Gore avait plus de voix sur l’ensemble des Etats-Unis, c’est George W. Bush qui a gagné grâce à des Swing States, particulièrement la Floride, c’est là qu’on a fait des recomptages, et il a gagné les 20 grands électeurs sur la Floride avec 150 voix de différence. Or ici, nous sommes à peu près devant la même situation sur les Swing States, et particulièrement encore une fois la Floride, et là, il y a un ballotement. Alors qu’on en veut tant à Trump, il a peut-être encore une chance de l’emporter sur Hillary Clinton. Je pense que jusqu’au bout ce sera un suspense très important, pour une élection qui est franchement en-dessous de tout, dans l’histoire de la politique américaine", commente Michel Hermant, professeur de sciences politiques à l'Université de Liège.


Plus "compliqué" pour Trump

Pour Donald Trump, le scénario d'une victoire resterait toutefois plus compliqué que pour Hillary Clinton. Sa "base" d'Etats conservateurs est moins riche en grands électeurs que celle de la démocrate. Les Américains éliront le 8 novembre des grands électeurs en bloc, Etat par Etat, qui à leur tour désigneront le président. Ce qui explique que le républicain se soit rendu dimanche dans le Nouveau Mexique, lundi dans le Michigan, et qu'il ait ajouté une étape dans le Wisconsin mardi, trois Etats gagnés par Barack Obama et ainsi traditionnellement peints en bleu, la couleur démocrate, sur les cartes électorales.

"Donald Trump doit remporter un Etat bleu ou deux, en plus de gagner tous les Etats où l'issue est incertaine", dit à l'AFP Larry Sabato, politologue de l'université de Virginie. "Il doit gagner presque tout", résume cet expert.


"Elle avait prévu une tournée de victoire, et au lieu de cela elle doit s'accrocher"

Le camp démocrate restait furieux de ce qu'ils estiment être une interférence politique du directeur du FBI, James Comey, qui a annoncé vendredi au Congrès que ses enquêteurs avaient découvert de nouveaux messages susceptibles d'être pertinents dans l'affaire classée en juillet de la messagerie personnelle de l'ancienne chef de la diplomatie.

Hillary Clinton a en effet communiqué via un serveur privé pendant ses années au département d'Etat, de 2009 à 2013, au lieu d'utiliser un compte gouvernemental sécurisé, risquant de disséminer sur des réseaux privés des secrets d'Etat.

"Cette intervention directe du directeur du FBI, qui est sans précédent et contre le protocole du FBI, a changé la course", observe Larry Sabato. "Cette semaine, elle avait prévu une tournée de victoire, et au lieu de cela elle doit s'accrocher. Tout cela grâce au directeur du FBI."



Ce rebondissement pourrait-il lui coûter l'élection?

Ce rebondissement pourrait-il lui coûter l'élection? "Cela pourrait bien", a estimé le parlementaire démocrate Steve Cohen sur CNN. Mais si les démocrates tiraient à boulets rouges sur James Comey, la Maison Blanche a opté pour une forme de neutralité, refusant de critiquer ou défendre le chef policier.

Hillary Clinton fera campagne lundi dans l'Ohio, où Donald Trump la dépasse légèrement dans les sondages.

Le président Barack Obama passera également la semaine sur le terrain, de mardi à vendredi, dans les Etats où se décidera l'issue du scrutin, notamment la Floride et la Caroline du Nord. Bill Clinton, Bernie Sanders et d'autres poids lourds sillonneront les Etats-Unis.

Leur mot d'ordre: la mobilisation. L'équipe Clinton envoie ses bénévoles frapper aux portes des électeurs identifiés comme peu intéressés par l'élection ou peu habitués à voter, afin de s'assurer leurs voix.

Dans une majorité d'Etats américains, les bureaux de vote sont ouverts de façon anticipée, et plus de 22 millions d'Américains ont déjà voté ou envoyé leur bulletin par correspondance, selon le décompte de Michael McDonald, professeur à l'Université de Floride.

"L'équipe Clinton s'était préparée à l'éventualité d'une catastrophe, et voilà, la catastrophe a frappé", conclut Larry Sabato, qui estime qu'Hillary Clinton reste la favorite, mais qu'elle n'a plus le droit à l'erreur.

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