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Des migrants de Calais à propos des attentats: "Dans notre pays, nous étions confrontés tous les jours à ce genre de violences"

Quand ils ont appris les attentats de Paris, Mohamed, jeune Syrien échoué dans la "Jungle" de Calais, et ses compagnons d'infortune ont été stupéfaits. Comme si l'organisation de l'Etat islamique les rattrapait, eux qui ont "fui Daech pour avoir une nouvelle vie".

"Dans notre pays, nous étions confrontés tous les jours à ce genre de violences", se souvient Mohamed, aussi à l'aise pour parler la langue de Shakespeare que pour analyser le système Daech.

"Ils ont des méthodes bien spécifiques pour tuer avec sang-froid. A Paris comme en Syrie, ils aiment le faire en public, pour que tout le monde le voie: ils jettent des gens du haut d'un immeuble, les brûlent sur une place. On ne peut pas écouter de la musique, fumer, être artiste...", énumère-t-il.

"Ca n'est pas ça, l'islam. Dans le Coran le meurtre est proscrit, tuer un innocent c'est comme tuer la terre entière", ajoute Mohamed, qui passe son après-midi de mardi dans le centre de Calais pour diverses démarches administratives, avant de regagner le camp de 4.500 migrants situé plusieurs km à l'est.

Ce musulman humble et sagace, qui refuse d'évoquer son parcours personnel pour mieux parler de tous, a visiblement à coeur de témoigner sa solidarité avec les Français, de dire que les migrants sont dans le même camp, afin d'éviter les amalgames. "Les Français doivent comprendre que Daech détruit des mosquées...", souffle-t-il.

Un sentiment partagé avec ferveur par les Irakiens et Syriens qui par le passé ont fait l'expérience du chaos au contact de l'organisation jihadiste. Près de 200 migrants s'étaient ainsi rassemblés en hommage aux victimes, samedi.

"Ma famille est chrétienne, et donc à cause de Daech, je n'ai plus ni frères, ni soeurs", raconte Kamaran, natif de Kirkouk en Irak, qui habite dans le bidonville calaisien depuis deux mois.

"Je ne comprends pas Daech. Ils tuent en Irak, maintenant ils tuent à Paris. Ils sont tout sauf musulmans", s'offusque Walid, un autre Irakien croisé plus loin sur le chemin du centre d'accueil de jour Jules Ferry.

"Excuse-moi, je n'y suis pour rien"


Le débat est vif au sein de ces communautés depuis les attentats de vendredi, témoigne Mehdi Dimpre de l'association Le Réveil voyageur, qui distribue des petits-déjeuners dans le camp.

"Il y a la même crainte qu'après les attentats de Charlie Hebdo: qu'on pense que les musulmans et les réfugiés sont contre la France. Alors que je n'étais pas au courant des tueries, un Syrien est venu spontanément vers moi pour me dire 'excuse-moi, je n'y suis pour rien'", relate le bénévole, par ailleurs infirmier à Calais.

Lancée par quelques questions, la discussion entre Hassan, Rami et Assad, bat vite son plein. Les trois Syriens interrompent même la construction de leur abri en hauteur, qui offre une vue imprenable sur le terrain clôturé que des bulldozers aplanissent en vue de la construction d'un nouveau camp en dur de 1.500 places au sein même de la "Jungle".

La précision des commentaires sur les attentats est révélatrice de l'état d'esprit empreint de sollicitude et d'inquiétude tout à la fois. "Un passeport syrien a été retrouvé près d'un corps de terroriste. C'est une manipulation. S'il veut se suicider, il n'amène pas un passeport", traduit Hassan.

"Les terroristes de Daech viennent de nombreux pays, pas du tout de la seule Syrie. C'est assez facile de se procurer de faux papiers", rappelle de son côté Mohamed, qui enchaîne: "Nous voulons dire aux Français: 'nous sommes désolés pour vos pertes. Prenez le parti de l'humain avec nous car nous avons fait face aux mêmes horreurs'".

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