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Pour beaucoup de jeunes Irakiens, s'abstenir plus tentant que voter

Mounes Faouzi n'a pas voté. Il était trop occupé à fumer sa chicha dans un café de Bagdad. "C'est toujours pareil, rien ne change", avance ce coiffeur qui, comme beaucoup d'autres jeunes, ne croit pas aux urnes pour changer son pays, l'Irak.

De toutes façons, ajoute le jeune homme de 27 ans, les cheveux savamment dressés sur la tête à grand renfort de gel, "il y a trop de problèmes, trop d'obstacles".

Près de 24,5 millions d'Irakiens élisent samedi un nouveau Parlement dans l'espoir de reconstruire un pays ravagé par trois années de guerre contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Mais pour les jeunes, qui pour beaucoup n'ont aucun souvenir d'un temps de paix et n'ont connu ces quinze dernières années que les violences et une économie à genoux, il y a peu de raison d'espérer.

Dans un pays où 60% de la population a moins de 25 ans, ils semblent avoir massivement boudé un scrutin pour désigner des dirigeants qui, disent-ils, ne s'intéressent pas non plus à eux.

Akram al-Ougaïli, étudiant en commerce de 27 ans, n'a pas d'autre choix pour aider sa famille à boucler les fins de mois que de travailler dans un magasin de tapis.

- "Rien pour les jeunes" -

"L'Irak est un pays riche mais quand on regarde autour de nous, on voit des médecins et des ingénieurs faire des petits boulots", dénonce-t-il.

"On a tous perdu l'espoir, même mes amis qui ont fait des études", assure-t-il, alors que le chômage touche un jeune sur cinq et plus encore parmi les diplômés, selon l'ONU.

Quant à ceux qui ont trouvé un emploi, ils disent ne pas avoir le temps d'aller voter ou même de prêter attention aux affiches de campagne qui ont fleuri sur tous les bords de route et recouvrent entièrement chaque rond-point des villes d'Irak.

Aqil Sattar, qui s'active à sortir des pains chauds pour ses clients, se dit "trop occupé pour voter". Et pour qui? "Les politiciens n'ont rien à nous offrir", tranche cet Irakien de 19 ans, reflétant l'avis de nombreux concitoyens qui dénoncent la gabegie de l'Etat et le népotisme d'une classe dirigeante corrompue et réticente à tout renouvellement.

Dans le salon de coiffure Nour al-Sabah du quartier de Batawine, dans le centre de la capitale, dix jeunes hommes sont assis à ne rien faire. Aucun d'eux n'a prévu de participer aux élections qui, disent-ils, sont truquées.

"Quelles opportunités s'offrent à nous?", lance l'un d'eux, Mohammad Assi, en regardant la rue jonchée d'ordures. "Il n'y a rien pour les jeunes", affirme ce chômeur de 27 ans qui parvient tant bien que mal à grappiller quelques dinars ici et là en travaillant de temps à autres dans un café.

"L'EI a été vaincu, mais par qui? Par les pauvres, nos frères, nos cousins", lance-t-il encore. "On a battu l'EI et pourtant le gouvernement ne fait rien pour nous".

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