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"Arrêtez de nous tuer": la violence envers les femmes atteint des proportions terrifiantes en Afrique du Sud

L'Afrique du Sud est actuellement en proie à une violence accrue envers les femmes. En plus des manifestations contre la xénophobie dans le nord du pays, les femmes descendent dans les rues du Cap, dans le sud, pour revendiquer plus de sécurité.

"Suis-je la prochaine ?" C’est sous cette question que se rassemblent des milliers de Sud-Africaines pour lutter contre les féminicides. Tous les jours en Afrique du Sud, trois femmes meurent de violences conjugales et 113 viols sont rapportés. Ces chiffres inquiétants poussent les femmes à sortir dans les rues pour demander plus de sécurité. "La violence liée au genre a atteint des niveaux indéniablement alarmants en Afrique du Sud. Il est absolument inacceptable que les femmes aient l’impression de devoir faire attention à ce qu’elles portent ou ce qu’elles font par crainte de subir de violentes représailles", déclare Shenilla Mohamed, directrice d’Amnesty International Afrique du Sud, sur le site internet de l’ONG.

Le 4 septembre dernier, des manifestantes ont chamboulé le début d’une réunion du Forum économique mondial pour dénoncer la situation. Sur les photos de l'événement, on pouvait lire différentes phrases chocs : "Arrêtez d'investir votre argent dans un pays qui laisse les violeurs en liberté", "Arrêtez de nous tuer", "Monsieur le Président, les hommes nous violent. Les hommes nous tuent. Qu'est-ce que VOUS faites ?" Cette action a permis de recevoir une réponse de la part du président.

(c) AFP

En effet, après des semaines de protestation, le président, Cyril Ramaphosa, a promis d’agir pour endiguer le problème. "L’Afrique du Sud est l’un des endroits les plus dangereux au monde pour les femmes, avec un niveau de violence comparable à celui d'un pays en guerre", s'est-il attristé lors d'un discours, le 18 septembre. Le chef de l'État a déclaré vouloir renforcer le système judiciaire de son pays, trop laxiste selon lui : "Les violeurs et meurtriers doivent savoir qu’ils seront arrêtés et qu’ils devront assumer les conséquences de leurs actes." Pour cela, des peines plancher plus strictes vont être instaurées.

(c) AFP

Le gouvernement sud-africain a décidé de débloquer 70 millions d’euros pour répondre à la problématique. Bernadine Bachar, la directrice d'un centre d'aide aux femmes à Athlone, se réjouit de cette décision : "La reconnaissance, par le président, que les violences faites aux femmes constituent un problème de société est très encourageante, mais on aimerait des détails sur la façon dont les fonds vont être distribués." En effet, elle déplore le fait que les subsides reçus par son centre constituent à peine 40% de son budget annuel. Trop peu, selon elle, pour assurer un service de qualité.

A chaque fois, ils me ramenaient chez moi dans leur voiture en me disant qu'ils ne voulaient pas se mêler de mes affaires privées. Ils disaient que c'était à moi de les régler

Elle souhaiterait également que les policiers soient formés pour accueillir correctement les victimes : "C'est une des difficultés que nous voyons au quotidien, le traitement insensible de la police." Rachel Petersen, 44 ans, en a fait l'amère expérience. Elle a été battue des années par son mari, au point d'envisager de se suicider avec ses enfants. "Je suis allée tant de fois au commissariat pour demander de l'aide... J'avais le visage en sang", se souvient la mère de famille auprès de l'AFP. "A chaque fois, ils me ramenaient chez moi dans leur voiture en me disant qu'ils ne voulaient pas se mêler de mes affaires privées. Ils disaient que c'était à moi de les régler", conclut la mère de famille.

Rachel est loin d'être la seule a avoir vécu ce calvaire. "Non seulement le nombre de victimes augmente ces derniers mois, mais en plus leurs blessures sont bien plus graves qu'avant. Il y a plus de brûlures et plus de blessures par arme blanche", précise la présidente du centre d'aide aux femmes. A l'origine de cette envolée, elle cite la consommation d'alcool et de drogues, en hausse dans le pays. Selon elle, la pauvreté et le chômage (29% dans le pays) génèrent également "des pertes de contrôle de soi qui sont à l'origine des violences."

Le viol et le meurtre d'une étudiante

L'élément déclencheur des manifestations est une série de meurtres de femmes qui ont marqué l’Afrique du Sud. Il y a eu notamment Uyinene Mrwetyana, une étudiante en cinéma à l’Université du Cap. Le 24 août, elle a été tuée après avoir été violée par un employé du bureau de poste de sa ville. Elle s’y était rendue en début d’après-midi pour réceptionner un colis. La jeune femme de 19 ans n’en est pas ressortie vivante.

Ce qui a choqué l’opinion publique, c’est que ce meurtre ne s’est pas déroulé dans un endroit peu fréquentable. "Nene s’était simplement rendue dans un bureau de poste en pleine après-midi. Nous ne sommes plus en sécurité nulle part dans notre pays", explique une habitante du Cap. De nombreux hommages ont d’ailleurs été rendus en parallèle des manifestations. "Je suis désolée. Je t'avais mise en garde pour tout sauf le bureau de poste", a déclaré la maman d'Uyinene face à la foule lors d'un hommage organisé par l'université.

(c) AFP

Lors de leur récente visite en Afrique du Sud, le prince Harry et Meghan Markle ont tenu à rendre hommage à Uyinene. "Ce cycle de violences doit être cassé. Lorsque les femmes sont valorisées, c’est la communauté toute entière qui fleurit", a déclaré le duc de Sussex. La duchesse a quant à elle placé un ruban commémoratif face au bureau de poste où les faits se sont déroulés.

©Belgaimage

36 féminicides en Belgique l'année passée

Dans notre pays, le conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB) demande une reconnaissance spécifique des féminicides dans la loi. Actuellement, le fait de tuer une femme en raison de son genre est seulement une circonstance aggravante. Elles étaient 36 à en avoir été victime en 2018 et 39 en 2017. L'organisation des femmes francophones s'attriste que rien ne change dans la prise en compte de ces violences.

En Espagne, les violences machistes reculent. Depuis 2003, le gouvernement s'attaque aux violences machistes. Le pays a créé des bureaux d'aide aux victimes, une assistance juridique et psychologique gratuite et des tribunaux spécialisés dans ce type de crime. Résultat : en 2003, elles étaient 71 et en 2018, 47. L'Espagne continue encore aujourd'hui à s'attaquer aux féminicides. C'est également le cas en Italie, où les peines sont doublées et les remises de peine impossible pour ce genre de crime. Ce sont autant d'exemples qui pourraient inspirer d'autres pays à travers le monde pour lutter contre ces violences.

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