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"Ils vont le jeter du pont, là, David", dit un adolescent amusé en train de filmer avec son smartphone au pied du pont de Kanne enjambant le canal Albert, à Riemst, une localité en Flandre, entre Maastricht et Liège, ce lundi en début de soirée. David, c'est l'adolescent de bientôt 15 ans, habitant à Liège, que deux autres jeunes sont en train de traîner au bord du pont. "Ils sont chauds, ils vont le jeter du pont", poursuit, presque hilare, celui qui filme. "Il a peur", constate une des deux jeunes filles qui se trouvent aussi au bord du pont. "Il va pleurer, arrêtez vos couilles hein", poursuit-elle, visiblement amusée aussi de la situation.
"Dépêche-toi, il sait pas nager p..."
Les deux jeunes sur le pont ont mis David sur la rampe. Il hurle, se débat mais les deux adolescents sont beaucoup plus forts que lui et le projettent dans les airs. Il retombe dans l'eau, environ 10 mètres plus bas. Le cauchemar du garçon s'empire: il ne sait pas nager. Conséquence: ses hurlements d'effroi résonnent à présent deux fois plus. Cette fois, ses cris exercent enfin un effet sur les deux filles et le garçon qui filme. "Dépêche-toi, il sait pas nager" dit une des adolescentes. "Il est où?" répond le garçon qui ne lâche pas son smartphone et continue à filmer. Tous s'approchent. On voit David dans l'eau apeuré qui est parvenu à se rapprocher du bord. Une jeune fille retire son tee-shirt et plonge pour aller le chercher.
Ces faits, qui témoignent de l'irresponsabilité de cinq adolescents (les deux qui ont jeté David, les trois autres qui ont assisté à la scène en spectateurs), se sont retrouvés sur les réseaux sociaux le soir-même. Peu après la mise en ligne sur Youtube, une autre image a circulé. Celle du dos de David complètement bleui par le choc.
"Ça aurait pu être catastrophique"
Le lendemain, le jeune garçon et sa maman se sont rendus à l'hôpital pour des examens radiologiques et des échographies. David s'en tire avec des côtes froissées et des contusions sur tout le corps. Les conséquences auraient pu être beaucoup plus dramatiques. "Ça aurait pu être catastrophique. Il a des côtés froissées, des contusions partout. A l’hôpital, on me disait qu'à une hauteur pareille, c’est comme si on se prenait un mur. Il a vraiment eu beaucoup de chance", se console la maman.
Jeté de cette hauteur, un corps prend une vitesse de plusieurs dizaines de km/h. Une mauvaise réception peut entraîner une compression de la moelle épinière, des os fracturés ou des commotions cérébrales. Si la tête est un peu trop penchée en avant, le choc avec l'eau est équivalent à un violent coup de poing et la personne peut tomber inconsciente et se noyer.
Nous avons joint par téléphone la maman de David. Elle nous a paru accablée. La plupart des jeunes présents sur les lieux connaissaient David et surtout savaient qu'il ne savait pas nager, nous raconte-t-elle. "Tout le monde le sait car son rêve, c’est de devenir pompier, mais il a raté les examens pour rentrer à l’école des cadets pompiers à cause de ça. Tout le monde sait qu’il n’est pas du tout bon nageur", assure-t-elle. Elle affirme savoir qu'au moins un des deux individus qui ont jeté son fils était majeur.
Quand David est rentré à la maison, il lui a simplement déclaré qu'il avait mal au dos après avoir "fait un plat". Mais sa soeur est tombée sur la vidéo de la scène qui circulait déjà sur Facebook entre les jeunes du quartier et l'a montrée à sa maman. Celle-ci a porté plainte auprès de la police de Liège qui a transmis le dossier au parquet pour enquête.
"Il a vraiment eu peur, il a cru qu’il était au bout de sa vie"
Ce jeudi, trois jours après les faits, David est toujours sous le choc. Il ne dort pas bien. "Il a vraiment eu peur, il a cru qu’il était au bout de sa vie, qu’il ne ressortirait pas de l’eau", nous confie sa mère qui a souhaité garder l'anonymat mais n'a pas été opposée à ce que nous révélions ces faits et ces images afin que cela serve de leçon et dissuade d'autres jeunes inconscients de commettre de tels actes.
