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Jennifer n'a pas d'argent de côté, elle lance pourtant sa boîte tout en restant au chômage: découvrez comment elle a réalisé son rêve...

Se lancer comme indépendant est un choix périlleux: l'angoisse de se tromper, et de perdre ses droits au chômage, est grande. Jennifer sait depuis des années qu'elle veut travailler pour son propre compte, mais elle a toujours été bloquée par des problèmes financiers. Aujourd'hui, elle a enfin pu tenter la grande aventure grâce à une "couveuse" d'entreprises... Grâce à celle-ci, pas de prise de risques quant aux droits sociaux, une aide à l'investissement et surtout, un encadrement complet pour voler de ses propres ailes d'ici quelques mois... Nous avons cherché à savoir comment cela fonctionne.

"N’abandonnez pas vos rêves": c’est le message de Jennifer, qui nous a contactés via la page Alertez-nous. Cette jeune femme de 28 ans a toujours voulu travailler pour son propre compte, mais cela coûte évidemment de l’argent de se lancer... Après avoir décroché son diplôme d’hôtellerie et de gestion en 2007, elle a dû abandonner l’idée de devenir indépendante, ne pouvant récolter les fonds nécessaires pour se lancer. "Je voulais ouvrir un commerce de cafés à emporter, et j’ai été voir une première asbl. On a préparé le dossier et fait une étude de marché. Pour me lancer, je devais avoir minimum 10% de la somme, soit environ 2000€ d’apport, ce que je n’avais pas. Quand on est chômeur ou dans une situation délicate, ce n’est pas évident. Mon mari avait perdu son emploi à l’époque", nous explique-t-elle.


"Je n'avais pas envie de travailler pour un patron"

La jeune femme, qui vit à Fontaine-l’Evêque, enchaîne alors les jobs pendant plusieurs années: dans les cuisines d’un hôpital, une sandwicherie, un magasin de vêtements... Mais elle se dit que ce n’est pas cela qui lui correspond. "Je me suis rendu compte que c’était vraiment l’hôtellerie que je voulais faire, que j’aimais le coup d’adrénaline. Et que je n’avais pas envie de travailler pour un patron".

Elle apprend alors l’existence d’une "couveuse d’entreprises" à Charleroi et se rend, en juillet, à la séance d’information. "On se présente, on nous explique les conditions pour être admis. Puis il y a un entretien individuel, où on explique en détail son projet. Comme j’avais déjà fait appel à une autre asbl avant, j’avais déjà retenu tout ce qu’il fallait".

Plus question de faire des cafés à emporter, Jennifer a un nouveau projet: offrir un service de préparation et de livraison de repas à domicile. "Je propose des plats familiaux, avec des produits locaux, des productions belges le plus possible. Cela s’adresse à une clientèle plus âgée, mais aussi à personnes actives, par exemple à une maman qui n’a pas le temps de faire à manger", nous explique-t-elle.


On lui prête 2500€ pour investir... et elle garde ses allocations de chômage

Jennifer a été prise en charge par l’asbl SACE (Système d’Accompagnement à la Création d’Entreprises), créée en 2001, et qui emploie 7 personnes. Comme nous l'explique son fondateur, Leonardo Sclapari, sa particularité est d'offrir au candidat une période de test, ainsi qu'un "capital d'amorçage", c'est-à-dire, une somme pour investir.

C’est Geoffrey Contamessa qui a pris en charge le dossier de Jennifer et qui est devenu son "coach" en création d’entreprise. "On regarde l’expérience de la personne, de sa motivation par rapport à un projet. Puis on établit le Business plan, on fait l’analyse de la concurrence... on va aussi travailler avec la personne sur l’évaluation des prix, etc...".

Les choses se sont alors enchaînées pour Jennifer. L’encadrement est total durant une période de "stage" qui dure entre 9 et 12 mois. En octobre, son dossier a été accepté, et il a fallu un mois pour aménager une cuisine professionnelle dans sa maison. L’asbl a accordé un prêt de 2500€ afin de lui permettre de réaliser ces travaux.




Elle a donc pu démarrer son activité vers la fin du mois de novembre, et aujourd’hui, elle livre des repas à une quinzaine de clients par jour. Un beau démarrage, mais cela n’est pas prévisible dans tous les cas. Si elle avait dû se lancer toute seule en tant qu’indépendante, Jennifer aurait eu très peur de perdre ses droits. Mais grâce à l’asbl, durant cette phase de test, Jennifer conserve son allocation de chômage: "On reçoit un euro brut symbolique de l’heure, mais ce que les gens me paient, je ne le perçois pas, je les rétribue à l’asbl", nous explique-t-elle.




"C'est comme avoir des petits anges derrière soi"

Jennifer travaille toute seule et doit faire le rapport journalier de son activité. Sa journée débute à 8 heures, elle prépare les repas jusqu’à 11 heures environ et démarre les livraisons jusqu’à 13h30. L’après-midi, elle se charge de la préparation de la journée du lendemain. "Ils s’occupent de toute la compta, de la paperasse", nous explique-t-elle. "C’est comme avoir des petits anges derrière soi", commente Jennifer, ravie de l’expérience.



Ce document sert de preuve de son travail pour l’Onem: "Il y a un minimum d’administratif à faire pour montrer qu’on ne fait pas de concurrence déloyale, pas de travail au noir. Cela permet à l’indépendant de montrer qu’il est en activité et qu’il travaille réellement à la création de son entreprise", explique Leonardo Sclapari, le président de l'asbl.


"Un projet qui démarre fort"

Jusqu’ici, l'expérience de Jennifer se révèle très concluante: "Pour son démarrage, c’est très prometteur. On la voyait extrêmement motivée et elle était bloquée par des problèmes financiers. Elle avait l’expérience et elle est venue avec un projet intéressant. On a toujours des services traiteur donnés par les CPAS, mais il y a aussi d’autres personnes qui ne sont pas au CPAS, qui sont intéressées par des produits de qualité, de nos régions, ce qui apporte aussi un aspect développement durable. C’est un projet qui démarre très bien, qui démarre fort", commente son coach de l’asbl.


"D’habitude, les indépendants, on les aide vraiment pas"

"On a pas mal de projets différents, on n’est pas fermé, on laisse toujours une chance, afin que la personne puisse essayer, quel que soit le secteur. Et notre panel d’entreprises est assez diversifié: on a une entreprise de drones, un cabinet de curiosités, mais aussi des choses plus classiques aussi comme un élagueur-abatteur, une sandwicherie, un photographe...", explique le coach.Cette diversité de profils permet de créer un véritable réseau pour les indépendants "couvés" par l’asbl.

Par exemple, c’est un graphiste lui aussi passé par SACE qui a créé les visuels de "L’Equilibre Gourmand", l’entreprise de Jennifer: "C’est vraiment un réseau et cela permet des collaborations. Cela donne l’impression d’une grande famille, ce qui est bien à l’heure actuelle. Parce que d’habitude, les indépendants, on les aide vraiment pas", commente-t-elle.

Le cabinet de la ministre PS Eliane Tillieux, en charge de l'Emploi et de la Formation en Région Wallonne, réagit à cette pique: "C'était peut-être vrai il y a trente ans, mais tout ce qui est aujourd'hui mis en place prouve que des choses existent pour les aider".


Plus de 700 entreprises créés comme ça en 2015

L’asbl SACE est financée par la Région wallonne et le Fonds Social européen. Pionnière en la matière, elle a même servi d’action pilote pour la création du décret du 15 juillet 2008, qui réglemente ces structures d'accompagnement à l'auto-création d'emploi. L’asbl est tenue de lancer plus de 50 entreprises par an, et environ une entreprise "couvée" sur deux se crée effectivement après la période d’essai. Depuis ses débuts, l’association peut ainsi se targuer d’avoir créé plus de 400 entreprises.

Mais le coach l’assure, que le candidat arrive à devenir indépendant et à poursuivre seul avec sa boîte ou pas, il n’assiste jamais vraiment à des échecs: "Ce sont des personnes qui font une démarche vers l’emploi, et qui sont motivées. Si elles ne lancent pas une activité, ce coup de pouce permet généralement de se remettre au travail dans les 6 mois".

Depuis la mise en place des structures d'accompagnement à l'auto-création d'emploi (SAACE), près de 3.000 entreprises ont été créées en Wallonie, avec un nombre croissant de nouvelles entreprises chaque année. On a enregistré 680 nouveaux entrepreneurs en 2014 (cela représente 8,5% du nombre total d'entreprises créées en 2014 en Wallonie). Même si les chiffres de 2015 ne sont pas encore prêts, le cabinet de la ministre Eliane Tillieux estime à plus de 700 le nombre d'entrepreneurs enregistrés l'année dernière.


Une formule qui marche

Le cabinet estime donc qu'il s'agit d'une formule qui marche: "Elle produit d'excellents résultats tant humains qu'économiques", commente-t-il, notamment car il n'y a pas ou très peu de faillites, et que ces entreprises créent également des emplois additionnels. Le subside annuel alloué aux SAACE est variable, mais plafonné à 250.000 euros par structure et par an. "Actuellement, il n’est pas possible d’étendre le dispositif mais un renforcement du suivi est prévu à travers le Plan Marshall 4.0".


Jennifer touche son rêve "du bout des doigts"

Pour pouvoir, à l’issue de son stage d’essai, voler de ses propres ailes, Jennifer devrait atteindre le nombre de 30 clients par jour. C’est bien parti puisqu’elle a déjà reçu des appels d’offre d’entreprises. Quand on lui demande si elle a l’impression d’avoir réalisé son rêve, elle nous dit qu’elle sent qu'elle "le touche du bout des doigts". "J’aimerais maintenant me lancer seule, avoir ma trentaine de clients par jour, et développer encore plus mon activité. J’avais pensé complémenter mon service pour les personnes âgées, faire des courses pour eux". Et peut-être, un jour, engager quelqu’un...

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