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Le Charleville part à la casse: Michel nous raconte ses souvenirs de traversées vers le Congo

Le Charleville, un paquebot de la Compagnie Maritime Belge qui reliait Anvers à Matadi au Congo belge (RDC), vit ses derniers instants. Il est le dernier représentant d'une époque révolue. Des passionnés espèrent toujours le sauver afin de préserver notre patrimoine. Michel en fait partie.

Le Charleville est l'ultime fleuron de la Compagnie Maritime Belge. Il est le dernier de son espèce à avoir transporté nos concitoyens pendant l'époque coloniale. Le paquebot partira à la casse ce 10 janvier. Rebaptisé Georg Büchner, ce géant des mers vit ses derniers instants dans son port d'attache de Rostock en Allemagne avant d'entamer son dernier voyage vers la Lituanie où il sera démonté.   

La disparition prochaine de ce navire qui effectuait la liaison entre Anvers et Matadi dans l'ancien Congo belge (aujourd'hui RDC)  a ému Michel: "Ma sœur s'est mariée en 58 au Congo. Elle a fait plusieurs voyages en paquebot, notamment sur le Charleville. Les traversées ont laissé de nombreux souvenirs à de nombreuses familles jusqu'à l'indépendance. Je suis né en 53 et je me souviens de pleins de choses", se remémore-t-il pour nous.

 

Voyager: un véritable évènement

"Il faut s'imaginer un autre monde", nous raconte ce passionné selon qui les traversées étaient fastueuses. "A cette époque on ne voyageait pas comme maintenant. Les traversées duraient 15 jours. Lorsqu'on achetait son billet auprès de la Compagnie Maritime Belge, on recevait un grand carnet de bord dans lequel tout le programme de la traversée était consigné. Même les repas que prendraient les passagers y étaient indiqués. Lors de ceux-ci,  on mangeait en tenue. Chaque soir, une table de passagers pouvait prendre place à celle du commandant", ajoute-t-il un brin nostalgique.

Et d'ajouter: "Pour le bal, chacun revêtait une tenue de soirée. C'était fastueux. De même, aux départs comme aux arrivées des traversées, tout le monde (accompagnants y compris) se mettaient sur son 31. Ils s'agissaient de véritables évènements que de prendre le bateau ou l'avion en ce temps-là !"

"C'était un peu comme dans le film Titanic mais en moins grand", plaisante-t-il.

 

Des souvenirs mémorables

La route vers le Congo n'était pourtant pas de tout repos. La traversée du Golfe de Gascogne , cette de partie de l'océan Atlantique qui borde la France et l'Espagne, en particulier était souvent un moment épique. Il n'était pas rare que le Charleville doive essuyer une tempête, ce qui provoquait des situations rocambolesques.

"En cas de tempête, les passagers étaient invités à récupérer leurs enfants à la pouponnière avant de rejoindre leur cabine et d'y rester. Lorsque les parents se présentaient à la pouponnière, il n'était pas rare de voir les petits s'amuser à glisser d'un côté à l'autre du bateau, en suivant le tangage",  raconte-t-il encore. "Je me rappelle qu'un jour, une des gardiennes d'enfants, qui était assez forte, avait glissé et s'était mise à rouler. Il avait fallu l'aide de passagers pour la relever", ajoute-t-il avant de se souvenir: "Après une tempête, tout le monde avait pu sortir des cabines et le fils-aîné de ma sœur, alors âgé de 6 ans, avait ramassé un poisson-chat sur le pont sans que sa mère ne s'en soit rendu compte. Il avait ramené sa bonne–pêche en cabine et avait caché sa prise sous son lit… ce qui finit par se sentir !"

En maillot de bain, enduite de camembert

Bien entendu, les souvenirs des passagers du Charleville ne sont pas liés aux tempêtes. La vie sur le pont était bien remplie. Il y avait une piscine extérieure recouverte d'un pare-soleil et une plage était aménagée pour permettre aux voyageurs de prendre des bains de soleil. Les gens, toujours habillés de façon correcte, se promenait sur le navire.

Et il y avait un événement attendu lors de chaque traversée: le baptême de l'équateur: "Un baptême de l'équateur était prévu pour les passagers qui franchissaient pour la première fois le parallèle zéro. Ma sœur se souvient que le sien consistait à se tenir à genoux devant "Neptune" en maillot de bain tandis qu'on l'enduisait de camembert… le nettoyage ne fut ensuite pas des plus aisé !", évoque Michel.

Sauver le Charleville

Aujourd'hui, Michel souhaiterait que ce représentant de notre patrimoine revienne en Belgique pour y être transformé en musée. "Je suis convaincu que beaucoup de monde voudrait le visiter comme c'est le cas avec le Mercator à Ostende. Ce serait une belle façon d'entretenir notre héritage", déclare-t-il. Un souhait que partage aussi les membres d'une association qui se bat pour sauver Le Charleville.

" Depuis des années les sympathisants luttent afin d’obtenir une place dans le port d’Anvers mais ce sans beaucoup d’attention ni du port, ni de la ville d’Anvers", peut-on lire dans un courrier envoyé par l'association Belgian Ships Archive qui a lancé une pétition .

" Maintenant ils (les autorités allemandes) veulent même le donner gratuitement à la Belgique mais il n’y a pas beaucoup de réactions chez nous afin de le conserver", peut-on encore lire dans ce courrier.

Pas d'argent pour notre patrimoine

Malheureusement pour tous les amoureux du navire, il y a très peu de chances pour que le Charleville échappe à la casse. Depuis plus de 20 ans, de multiples tentatives ont échoué. L'échevin anversois Van Campenhout déclarait encore récemment dans les colonnes du quotidien flamand Gazet van Antwerpen que la reprise du Charleville représenterait un coût trop important pour la Ville d'Anvers. Néanmoins, il espérait que les autorités publiques pourraient faire quelque chose pour éviter la disparition "d'un exemple intéressant de patrimoine maritime".

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