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"Il a abandonné mon fils comme un chien": 3 ans après, le conducteur qui a tué le fils de Christine est toujours libre

Presque 3 ans après la mort tragique de son fils Nicolas, Christine a interpellé notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous. La mère de famille, habitante de Ham-Sur-Sambre, attend toujours que justice soit rendue : le conducteur qui a fauché mortellement son fils est en liberté. Christine dénonce la lenteur de la justice, qui l'empêche de faire son deuil correctement.

8 décembre 2019, 7h30 du matin. Christine n'oubliera jamais cet instant. Des agents de police, accompagnés d'une assistante sociale, sonnent à la porte de son habitation de Ham-Sur-Sambre. La mère de famille ne comprend pas tout de suite ce qu'il se passe. "Ils rentrent, et me disent qu'ils ont retrouvé le corps de mon fils sur le bord de l'autoroute", se souvient Christine, le cœur lourd. "Alors, ils me demandent : 'Pouvez-vous nous dire ce que votre fils faisait là?'. Au début, je n'y croyais pas, et puis je me suis tout de suite dit que c'était sa copine qui l'avait abandonné là."

Bouleversée et incrédule, Christine nous raconte avoir refait le fil des événements. Ce matin-là, la police lui annonce bel et bien le décès de son fils, fauché en bord d'autoroute à Spy. "D'abord, je n'y croyais pas, je me suis dit 'C’est pas possible, il va revenir', et après, j'ai réalisé que c'était bien vrai."

Une fin de soirée cauchemardesque

Nicolas n'a que 33 ans au moment des faits. Il est en couple depuis plusieurs mois avec une jeune fille. Ensemble, ils décident de sortir un samedi soir de décembre 2019 dans une boîte de nuit à Somme-Leuze. Après cette soirée, le couple prend la route vers son habitation. C'est à ce moment-là que la soirée dégénère. "Dans la voiture, mon fils était en appel vidéo avec sa sœur", raconte Christine. "Puis, une dispute a éclaté avec sa copine, qui conduisait. Elle l'a déposé sur le bord de l'autoroute."

Mon fils est mort sur le coup

Nicolas se trouve alors sur le bord de la E42 à Spy, en région namuroise. Il marche une dizaine de minutes. "Il était au téléphone avec sa sœur, et elle a entendu 'Oh put...'. Il n’a même pas fini sa phrase, et a été fauché. L'appel a été interrompu, ma fille a essayé de le rappeler, mais pas de réponse. Elle pensait que sa copine était revenue le chercher, mais ce n’était pas le cas."

À ce moment-là, Nicolas vient d'être renversé par une voiture. Il gît sur le bord de l'autoroute, alors que le conducteur prend la fuite, selon les explications de Christine. "Il a été retrouvé par un couple, qui passait par-là. Ils sont sortis de l'autoroute pour faire demi-tour et revenir voir. Ils ont appelé directement la police. Le monsieur a voulu venir en aide, mais c’était trop tard. D’après l’autopsie, mon fils est mort sur le coup."


Presque 3 ans après, toujours pas de justice

Quelques semaines après l'accident, un jeune homme originaire de Charleroi est interpellé. "Il a une trentaine d'années", décrit Christine. "Il dit qu’il ne se souvient de rien, et sa copine explique que quand il est rentré le lendemain, il pleurait toute la journée, et il a fait réparer sa voiture. Elle était éclatée de partout, et il dit qu’il ne se souvient pas !"

Il a abandonné mon fils comme un chien sur le bord de l’autoroute

Si Christine a contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous, c'est parce qu'elle est amère, presque 3 ans après le drame de sa vie. Il lui est impossible d'apaiser sa colère, tant qu'un jugement ne sera pas rendu. En effet, la procédure semble prendre un temps colossal. "Je trouve ça aberrant que quelqu'un tue votre enfant et qu’il n’ait rien. Il a abandonné mon fils comme un chien sur le bord de l’autoroute. Et il est libre : j'ai vu récemment sur les réseaux sociaux qu'il était parti en vacances en Tunisie, tranquillement."

Dès les premiers devoirs d'enquête, Christine est informée que la procédure devrait prendre un an. Puis, la crise sanitaire a débuté, et le dossier a quelque peu tourné en rond. Aujourd'hui, la crise sanitaire est terminée, mais la mère de famille est toujours sans nouvelle de la justice. "Le système est trop lent", dénonce Christine. "J’ai l’impression que rien ne se fait, et que l’auteur n'aura rien."

Une lenteur "anormale"

Du côté du parquet de Namur, la réponse ne se fait pas attendre. "Pour ce dossier, l'instruction est terminée", nous répond l'attachée en communication. "Le substitut a tracé ses réquisitions finales. Le dossier est en attente d'une fixation devant la chambre du conseil."

C'est une relativement bonne nouvelle pour Christine, puisque cela veut dire que la procédure suit son cours. Les vacances judiciaires ont encore alourdi l'attente de la mère de famille, mais maintenant que la rentrée est entamée, le dossier est entre les mains de la chambre du conseil. "Le réquisitoire du parquet est rédigé", confirme Pierre-Yves Gillet, l'avocat de Christine. "La chambre décidera du renvoi soit en correctionnelle, soit en tribunal de police. Ou encore d'un non-lieu, s’il n’y a pas suffisamment d’éléments."

Aucune date n'est actuellement fixée pour l'audience en chambre du conseil. Une fois cette audience arrivée, l'avocat de Christine pourra consulter le dossier afin de mieux comprendre ce qui a pris autant de temps lors de l'instruction, c'est-à-dire l'élaboration de l'enquête. "Le délai est effectivement anormalement long", confie l'avocat. "Il s'agit tout de même d'un accident qui s'est déroulé en 2019."

Selon les informations dont il dispose, l'instruction a pris du retard notamment à cause du rapport d'un expert automobile qui a pris du temps à être élaboré. Ce rapport permettait de lier formellement les débris de voiture retrouvés, avec le modèle de la voiture de l'auteur présumé. Pierre-Yves Gillet a bon espoir qu'une décision finale puisse être rendue d'ici quelques mois, à la fin de l'année 2022, ou au début de l'année 2023.

Un deuil rendu impossible

L'avocat Pierre-Yves Gillet souligne un point des plus essentiels : "Le fait de pouvoir être devant l’auteur, d’entendre un jugement, permet de faire le deuil. Ici, la souffrance dure depuis longtemps. C’est une étape dans l’évolution du deuil, et elle ne peut pas se faire."

En effet, Christine vit toujours en état d'alerte, et ne peut pas entamer les prochaines étapes tant que le jugement n'est pas rendu. "On m’a demandé si je voulais une aide psychologique, mais j’ai refusé", nous explique la maman. "Je n’en ai pas besoin, je suis encore en rage, parce qu’il n’y a pas eu de justice, et parce qu’on a fait ça à mon fils. Pourtant, la première juge que j'ai vue m’avait dit de laisser tomber ma rage, mais je n’y arriverai pas."

Je lui rends visite tous les jours au cimetière

L'auteur présumé est inculpé d'homicide involontaire, mais reste libre en attendant son jugement, car il n'entre pas dans les conditions de la détention préventive. Il risque une peine de 3 mois à 2 ans de prison, ainsi qu'une amende de 50 à 1.000 euros. "Ce ne sont pas des situations faciles", réagit l'avocat de Christine. "On doit expliquer à notre cliente que la justice fait son œuvre, et qu'il y a parfois des difficultés qui retardent la procédure. C'est difficile à vivre, pour les victimes."

De son fils, Christine n'a plus que quelques photos et effets personnels. Elle se souvient de sa surprise lors de l'enterrement de Nicolas, lorsqu'elle a pris conscience de la foule rassemblée ce jour-là pour lui rendre hommage. "Il était fort connu, parce qu'il était plafonneur indépendant dans la région. L’église était remplie, je n’avais jamais vu autant de monde. Il était sympathique, et ce qui lui est arrivé a touché beaucoup de gens." C'est une raison de plus pour Christine de se battre pour que justice soit rendue à son fils. "J’étais très proche de lui, il passait tous les matins, on se téléphonait tous les jours. Aujourd’hui, je lui rends visite tous les jours au cimetière. J'aimerais que l'auteur prenne conscience du vide qu'il nous a laissé."

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