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Les soirées new beat, house ou trance font un carton chez les quadra nostalgiques comme Manu: "La boîte était pleine à craquer, je n'avais jamais vu ça"

Fin des années 80, la Belgique a connu un moment de gloire phénoménal en faisant naître la New Beat via ses discothèques réputées pour passer de la musique non conventionnelle. Manu a vécu ce moment exceptionnel et récemment, il a profité de soirées rétro, organisées pour le plus grand bonheur des nostalgiques de cette époque et pour les jeunes désireux de vivre ce que leurs aînés ont connu: "La boîte était pleine à craquer, je n'avais jamais vu ça", s'est réjoui cet ancien clubber de 45 ans.

"Samedi passé, j'ai passé une des meilleures nuits de ma vie", assure Manu, fou de bonheur, après nous avoir joints via notre page Alertez-nous. Le week-end dernier, cet ancien clubber de 45 ans est ressorti à La Rocca, en province d'Anvers. Cela faisait 7 ans qu'il n'avait pas mis les pieds dans une boîte de nuit. "C'était plein massacre, affirme cet informaticien vivant à Rocourt. C'était encore pratiquement impossible de bouger vers 3, 4 heures du matin, tellement il y avait du monde. Les gens dansaient, criaient, encore plus que dans les boîtes il y a 20 ans. Il y avait des femmes de 45 ans qui dansaient sur les podiums!".

Manu n'est pas allé n'importe où. Il s'est rendu à une soirée Illusion Re:United, organisée à La Rocca, située à Lier (l'Illusion est un ancien club de Lier qui a dû fermer ses portes, ndlr). Il s'agit d'une soirée mettant à l'honneur une période bien précise de l'histoire de la musique en Belgique: l'âge d'or de la Trance et de la New Beat, de fin 80 à 2000. "Ce sont les DJ de l'époque qui mixent la musique de l'époque, explique Manu. C'est tout ce qu'on appelle "Old school", "Rétro", "Trance", "House", etc."

Manu retourne aux soirées "Trance" qu'il a connues il y a 20 ans

Attention, il ne faut pas confondre. On connait tous les soirées "Années 90", dont les célèbres " God Save The 90's " organisées partout en Belgique depuis plusieurs années. Lors de ces soirées, les DJ passent les titres d'anciennes gloires de la Dance Music, comme Ace of Base, Dr Alban, Gala, 2 Unlimited, ou du grunge, comme Nirvana, Hole, voire du métal, comme Rage Against The Machine ou encore de la brit pop comme Blur ou Oasis. Mais cela reste de la musique dite "commerciale", c'est-à-dire grand public. Les soirées dont Manu parle concernent un mouvement de sous-culture qui revendiquait à l'époque (et revendique encore) son côté alternatif, underground. L'une des chansons les plus emblématiques de ce mouvement est "Universal nation" , une chanson de Push, le DJ et producteur belge "M.I.K.E." Dierickx.  Avec ses amis, Manu allait en boîte à... 10h00 du matin!

Tout a commencé dans les années 90. A l'époque, Manu "sortait comme tout le monde", mais un jour, ses amis l'ont emmené au Carat, un afterclub situé à Bouwel, en province d'Anvers. Le principe? La boîte de nuit ouvrait ses portes le dimanche dès 7h00 du matin, et le lundi, dès 8h00. "On arrivait vers 10h00, moi j'y restais toute la journée, se souvient le quadragénaire. Vers 17h00, la grosse foule arrivait et c'était plein jusqu'à 22h00. Puis, les gens partaient vers un autre club, comme la Rocca par exemple". A l'époque, les clubbers s'amusent à passer d'une boîte de nuit emblématique à l'autre, en attendant parfois de très longues heures dans la file.

"Sur la piste de danse, il m'est arrivé de pleurer en écoutant certains morceaux tellement c'est beau"

Mais ce que Manu retient de ces moments, c'est la découverte d'un style de musique jusque-là inconnu. "Là, j'ai entendu la musique et j'ai eu des frissons, se souvient le quadragénaire. Tous ceux qui aiment cette musique-là ont eu les mêmes sensations... J'ai des copains qui venaient d'Allemagne exprès pour écouter ces morceaux". A l'époque, Manu avait 25 ans. "Quand j'ai entendu cette musique pour la première fois, c'était phénoménal, renchérit-il. Moi, sur la piste de danse, il m'est arrivé de pleurer en écoutant certains morceaux tellement c'est beau. Ça me donne toujours la chair de poule".

Voici encore un morceau belge jugé culte par Manu: At the villa people - Open Your Eyes.

Les clubbers venaient de plusieurs pays d'Europe pour faire la fête en Belgique

Certains l'ignorent, mais la Belgique a connu une heure de gloire phénoménale dans le milieu de la musique électronique. Entre 1980 et 2000 environ, grâce à leur expérience et leur talent, les producteurs belges de Techno ou de New Beat trouvent le moyen d'atteindre le sommet des charts. Le mouvement techno, plus sombre et propre à la Belgique, est reconnu dans le milieu et l'influence du royaume est alors mondiale. Le Boccaccio, le Cherrymoon, l'Extrême, The Villa, le Balmoral,... la liste des clubs belges réputés est alors interminable. On vient d'Allemagne, de Grande-Bretagne, des Pays-Bas, de France, pour en profiter. Dans chacune de ces discothèques, les DJ jouent de la musique non conventionnelle, ce qui fait leur succès. "Dans les années 90, chaque semaine la Belgique sortait une chanson et ça devenait culte", se souvient Manu.

Ces chansons n'étaient pas diffusées à la radio: il fallait donc aller en boîte pour les découvrir, puis, espérer se les procurer chez un disquaire. Cette passion a même poussé Manu à lui-même devenir DJ pendant quelques années. "J'ai repris un établissement qui ne fonctionnait pas dans le centre de Liège et de 1999 à 2001, on y jouait de la Trance, ça a complètement relancé la clientèle", se souvient-il.

Les clubs doivent fermer les uns après les autres: "Tout ce qui faisait notre succès a disparu"

Puis, il y a eu les fermetures obligatoires. Confrontées aux plaintes des riverainsn et à la difficile gestion des drogues en boîte, les mégas discothèques ont fermé les unes après les autres. "Le Boccaccio, le Balmoral,... tout ce qui faisait notre succès belge a fermé, regrette Manu. Bon, c'est vrai que quand des centaines de clubbers quittaient une boîte pour en rejoindre une autre en voiture, ça faisait du boucan. Pour moi, ça les dérangeait qu'il y ait une sous-culture qui était en train de se mettre en place".

Partout, les autorités maintiennent leurs décisions politiques. Les établissements ne rouvriront pas. Manu et ses amis sont alors dépités. "On a essayé d'autres discothèques, mais la musique qui était diffusée était commerciale, déplore le quadragénaire. On était dégoutés. On a été coupés en pleine apogée de cette musique. Aussi bien les clubbers que les maisons de disque. On était devenus LA référence".

Le documentaire "The Sound Of Belgium" donne un coup de projecteur aux soirées "rétro"

L'importance de la Belgique dans la musique électronique des années 90, a été illustrée dans le documentaire "The Sound Of Belgium", de Jozef Devillé. A sa sortie en 2013, le film est un succès et ravive un sentiment de nostalgie déjà bien présent chez tous ceux qui ont vécu de près l'avènement de la New Beat belge. Depuis, les soirées rétro se suivent et se succèdent. "Il y avait déjà des soirées rétros avant la sortie du film, mais clairement le documentaire a favorisé le mouvement, estime Josef Devillé, auteur de "The Sound Of Belgium". Les gens en redemandaient. C'est assez logique, dans le sens où le documentaire donne envie de faire la fête".

Des soirées pour clubbers plus âgés: le bon plan pour les boîtes de nuit?

On n'a aucun mal à imaginer le bonheur qu'a ressenti Manu lorsqu'il a décidé de profiter de l'une de ces soirées rétro, organisée pour les nostalgique et amateurs de New Beat. "Pour moi, l'ambiance était meilleure qu'il y a 20 ans, peut-être parce que les gens sont plus âgés donc plus responsables, estime Manu. Je n'ai pas vu de drogue, les gens buvaient, mais de façon responsable. Quand vous regardez les vidéos, vous avez l'impression que ce sont des jeunes de 25 ans, mais quand vous regardez de près, vous vous rendez compte que ce sont des personnes âgées de 35 à 45 ans!" Pour l'informaticien, c'est une bonne affaire pour les clubs qui font venir un public plus âgé, au pouvoir d'achat potentiellement plus important.

Samedi prochain, il a prévu de remettre ça. "C'est la boîte de nuit Le Carat qui organise la soirée où je vais samedi, une soirée dans un ancien bunker, suivie d'une petite after. A nouveau c'est sold out. Les places se sont vendues en prévente uniquement: tout est parti en quelques jours".

Le quadragénaire a le sentiment que l'organisation de ce genre de soirées s'accélère ces derniers temps. "Pour l'instant ça n'arrêta pas, dit-il. Le Boccaccio fait une soirée ce samedi dans leurs locaux originaux".

Les jeunes veulent connaître ce que les anciens ont vécu: "Tout le monde est pris dans cette vague rétro"

Une nouvelle vague du mouvement New Beat est-elle en train de prendre forme en Belgique? Pour Geert Sermon, un disquaire qui organise les soirées rétro, il n'y a aucun doute à ce sujet. "Certainement, considère le tenancier du Doctor Vinyl, au centre-ville de Bruxelles. Quand les plus jeunes ont vu le documentaire "The Sound Of Belgium", ils se sont sentis en connexion avec les plus âgés qui avaient vécu cette période de près, et ils ont voulu la connaître aussi. Tout le monde a été pris dans ce mouvement rétro: nos compilations New Beat se sont retrouvées en tête des albums charts, depuis la sortie de la première d'entre elles, en 2013. On en vendait à des jeunes de 18 ans. Ca traverse littéralement les générations".

La New Beat ne serait donc pas un truc de vieux. "Tout le monde est en train de mettre sur internet les cassettes que les gens avaient faites à l'époque, décrit Manu. Au boulot, les nouveaux qu'on engage nous disent que leur morceau culte c'est "Universal national" de Push".

Pour répondre à la demande, quatre soirées rétro sont organisées en ce début d'année 2016. Elles sont intitulées "The Sound Of Belgium", comme le documentaire, et organisées par Geert Sermon, le disquaire. Le 6 février, une soirée New Beat se tient au Balmoral à Gand, puis le 12 mars, au FortyFive à Hasselt, le 2 avril à La Rocca, à Lier et enfin le 16 avril au  Bocca (ex-Boccaccio), à Destelbergen. Alors, tentés?

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