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Bernard Tapie rappelé à l'ordre à son procès par la présidente: "On n'est pas au spectacle"

Pugnace à son procès pour "escroquerie" malgré son double cancer, Bernard Tapie joue au tribunal de Paris le rôle "de (sa) vie", dans le feuilleton de son antique conflit avec le Crédit Lyonnais. Entre "divertissement" et colère noire quand il affronte ses vieux ennemis.

Dès son entrée en scène devant la 11e chambre correctionnelle du tribunal le 11 mars, l'homme d'affaires avait planté le décor en déclarant comme profession celle "d'acteur". Après une arrivée discrète par les coulisses, il profite d'un "entracte" pour exposer méthodiquement aux journalistes dans la salle d'audience que ce n'est pas lui qui a "volé le contribuable".

Une "interview" qui n'est pas du goût de la présidente Christine Mée, qui rappelle qu'"on n'est pas au spectacle".

La présentation qu'elle fait du dossier, de la genèse du litige comme des conditions de la revente d'Adidas, met Bernard Tapie en rage. "Une fable", éclate celui qui accuse depuis vingt-cinq ans le Crédit Lyonnais de l'avoir floué et ruiné. Pour solder ce contentieux, il s'était vu octroyer en 2008 plus de 400 millions d'euros lors d'un arbitrage, "truqué" selon l'accusation et qui lui vaut d'être jugé jusqu'au 5 avril aux côtés de cinq autres prévenus.

Lors d'âpres discussions sur des points de procédure, il scrute les entrées, marmonne avec son ex-conseil et coprévenu Maurice Lantourne. Quand le nom du Crédit Lyonnais est prononcé et que son avocat Hervé Temime demande d'ordonner une enquête sur les supposés "comptes cachés" de la banque honnie, M. Tapie s'écrie: "Voilà! Où est l'argent?"

A la barre, l'ancien repreneur d'entreprises en difficulté est intarissable sur Adidas, son plus beau coup assure-t-il, prenant son public à témoin lors d'un exposé sans notes. Il se fait moins disert et précis quand il est questionné sur ses amitiés politiques et sur l'arbitrage controversé, qui a été définitivement annulé au civil pour "fraude".

"Temps de parole" 


Sommé de s'expliquer sur un ancien "autographe" à l'un des trois arbitres, Pierre Estoup, qui prouverait leurs liens anciens et une possible collusion, Bernard Tapie digresse sur un ancien compagnon de détention et des moteurs Tupolev. Jamais ébranlé, il cède le micro après deux après-midi d'audition.

Relégué comme second rôle, il trépigne, fait signe aux journalistes d'écouter la lecture des pièces du dossier, manifeste bruyamment son opinion mais aussi son ennui face à des débats assez mornes. Il demande alors s'il a "le droit", lui aussi, de "poser une question" aux prévenus. Les interventions de l'homme d'affaires se ritualisent, irritant jusqu'aux bancs de la défense.

"Je n'ai pas de question à poser, je ne voudrais pas prendre du temps de parole de M. Tapie", ironise ainsi l'avocat d'un autre prévenu. Il demandera ensuite si, en vertu de la "jurisprudence" du tribunal, son client peut faire de même.

Dans l'une de ses saillies contre le Crédit Lyonnais, Bernard Tapie évoque "le crime parfait" dont il se dit victime. "On me vole de façon scandaleuse, on me fait aller à l'arbitrage en me faisant me désister des autres procédures et on annule l'arbitrage. Et je suis là maintenant pour savoir si en plus on va m'enfermer", attaque-t-il.

Mercredi, face à l'ex-haut fonctionnaire de Bercy Bruno Bézard, témoin à charge appelé par le parquet, il glose: "C'est presque un divertissement pour moi". Puis file la métaphore footballistique: "Maintenant que le match est fini, (...) soyez sport et reconnaissez que ceux qui étaient favorables à l'arbitrage ont eu le nez fin. J'ai abandonné toutes les procédures pour ça et il a été annulé".

Mais au coup de sifflet final de cette journée d'audience, la hargne remplace le badinage, lors des retrouvailles avec l'ex-PDG du Crédit Lyonnais Jean Peyrelevade. "Vous êtes le premier responsable de ce qui m'arrive!", explose Bernard Tapie en référence à sa maladie, avant de se laisser tomber sur sa chaise.

Jeudi, dernier jour des débats avant les réquisitions lundi, "l'acteur" est sorti de scène. Et en son absence, les rangs du public se sont vite clairsemés.

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