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Le combat d'un champion de dressage qualifié pour les JO de Tokyo, sinistré de la tempête Alex

Il porte presque le même nom que la tempête qui a dévasté les Alpes-Maritimes en octobre et partage avec elle un côté indomptable: Alexandre Ayache, champion de dressage, se bat à Lantosque pour reconstruire son élevage de chevaux et participer aux Jeux olympiques de Tokyo.

Réserviste aux JO 2016 de Rio, qualifié pour ceux de Tokyo (23 juillet-8 août), sa participation est hypothéquée par les sommes pharamineuses déboursées pour renflouer ses installations détruites par le vent et le déluge d'eau de la tempête Alex, dont le passage a fait 10 morts et huit disparus le 2 octobre.

Une cagnotte en ligne a été lancée par des connaissances pour financer sa saison de concours, passage obligé avant de fouler la piste olympique: "C'était pas mon idée à moi, j'ai du mal à demander de l'argent, toute la vallée est dans une situation merdique (...) mais ça pourrait apporter un peu d'aide", dit-il.

A 38 ans, il a encore le temps: le dressage voit s'affronter les sportifs les plus âgés de l'olympisme, avec le tir. Ils sont jugés sur l'allure et la stabilité du couple cheval-cavalier. Mais avec "Zo What", son cheval de tête, vice-champion de France, Alexandre Ayache ne s'est "jamais senti aussi légitime" pour concourir.

- "L'apocalypse" -

Installé à Lantosque depuis vingt ans, Alexandre et son épouse Grete Püvi, multiple championne estonienne, vivent de la vente de chevaux. Les tarifs s'envolent quand leurs protégés sont victorieux. Avec le Covid-19, le confinement et l'absence de concours, leur chiffre d'affaires a baissé de 25 à 30%. La tempête a été un coup de massue supplémentaire.

"L'argent de l'assurance est parti dans la reconstruction, mais ils n'ont pas tout remboursé", calcule Alexandre. Il a dû compléter de sa poche, remiser les élégantes bottes et le pantalon d'équitation pour ressortir la truelle et mettre les mains dans le ciment.

Le soir des intempéries, une de ses écuries, bâtie au croisement de deux vallons normalement totalement à sec, a basculé dans un ravin. Le vent a emporté la toiture, l'eau failli noyer un employé. Vingt ans d'investissement envolés.

"A midi, on s'est demandé si les autorités n'avaient pas exagéré, on était en alerte rouge pour quatre gouttes. Par contre les chevaux étaient hystériques, ça tapait, ça criait, ça tournait. A 15h00, on a commencé à voir que ça tombait vraiment et de 17h00 à minuit, ça a été l'apocalypse, vous ne pouvez même pas imaginer. Le bruit des arbres qui craquent, l'eau qui emmène tout, le vallon a été creusé de 2,50 mètres par 4 mètres (...) Surréaliste!", décrit-il.

Il lui a fallu sauver les chevaux: "On craignait le vent, les tôles qui s'envolaient. Même dans les camions, on ne savait pas s'ils étaient à l’abri".

- "Leçon de courage" -

Quatre mois plus tard, des murs neufs sont déjà debout, couleur gris parpaing, les finitions attendront, et les chevaux sagement dans leurs box. Piaffé, pirouette, extension: Alexandre a repris l'entraînement.

Mais le sous-sol de sa propriété continue de travailler et la facture des dégâts, déjà 630.000 euros, ne cesse de s'allonger: "On a les écuries du bas qui risquent de bouger. La dalle a cassé et tout est en train de partir. Concrètement, il faut raser, terrasser et reconstruire".

A Lantosque, 1.400 habitants, le coeur du village a été épargné grâce à une protection hydraulique bâtie après de graves inondations déjà en 1993. Une vingtaine de foyers ont été évacués, deux maisons englouties, deux stations d'épuration détruites.

Au pont du Martinet, la façade éventrée d'un ancien moulin bicentenaire transformé en immeuble d'habitation ressemble à une maison de poupées cassée. Les planchers sont défoncés, le mobilier pend dans le vide et du vieux cadran solaire de 1822, il ne reste que des photos.

"Je ne suis pas le plus à plaindre. Des gens ont perdu la vie (pas à Lantosque, ndlr), il ne faut pas l'oublier", reprend M. Ayache. Le maire Jean Thaon, 75 ans, qui salue sa réussite, croise les doigts pour Tokyo: "C'est le travail d'une vie qui a basculé mais je suis persuadé que tout va s'arranger. C'est une vraie leçon de courage".

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