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Torréfacteur baigné dans le rugby maritime, Vincent Merling a toujours eu deux carburants: le café et le Stade Rochelais, qu'il a vu tranquillement grandir depuis plus de 40 ans, avant qu'une dose d'Irish Coffee, le manager Ronan O'Gara, n'enchante sa destinée.
"Mon histoire ? J'aime bien être maître de mon destin" disait en 2010 ce bâtisseur parti d'en bas, dans l'ombre, très loin des paillettes du star-system.
Aujourd'hui septuagénaire (73 ans), le dirigeant a changé de dimension en même temps que son club s'invitait à la table des très grands, double champion d'Europe de rugby en 2022 et 2023 et en quête samedi d'un premier Bouclier de Brennus en finale du Top 14 contre Toulouse (21h00).
En terminant en tête de la saison régulière du Top 14 en 2017, en s'inclinant trois fois en finales peu après (Challenge Cup contre Clermont en 2019, Champions Cup et Top 14 contre Toulouse en 2021), les premiers jalons avaient été posés sans qu'on sache s'ils déboucheraient sur la gloire ou l'éphémère.
A l'époque, le plus ancien président en activité (depuis 1991) savourait le chemin parcouru par son club, parti des méandres de la 2e division, passé par le ventre très mou de l'élite, malgré deux trophées récoltés en route (Coupes de la Ligue 2002 et 2003).
"C'est à pleurer de joie !", lâchait-il à Lille en juin 2021 après la première qualification des jaune et noir en finale du Top 14.
- Loin d'être rassasié -
Deux ans plus tard, les mots et expressions n'ont guère changé après la victoire des siens en demi-finale contre Bordeaux-Bègles (24-13). "C'est extraordinaire, absolument génial", commentait-il samedi soir, un peu plus affable bien que marqué lui aussi par la chaleur étouffante de Saint-Sébastien.
Mais sa carte de visite s'est considérablement étoffée depuis, avec désormais deux étoiles continentales et une légende du XV du Trèfle en étendard.
Aujourd'hui, personne ne peut dire si le cap franchi par le club à la caravelle l'aurait été sans Ronan O'Gara, ouvreur légendaire du Munster et du XV d'Irlande. Devenu ce manager qui ne laisse pas indifférent, l'Irlandais a révolutionné le jeu et l'approche des Maritimes, avec trois succès décomplexés sur le Leinster, ogre attitré des Toulousains devenu victime appréciée des Rochelais en Europe (demi-finale 2021, finales 2022 et 2023).
"Un club comme nous, on découvre tout ça, a poursuivi Merling l'œil pétillant. Tout ce bonheur que procurent ces grands matches, ces grandes victoires, c'est tout neuf. C'est une saveur très particulière."
Si l'appétit vient en mangeant, Merling est loin d'être rassasié. Qu'importent les cicatrices des échecs de 2021, ou le qualificatif de "finale de rêve" accolé au match à venir face à Toulouse.
- "Si Toulouse nous craint, tant mieux" -
"J'ai cru entendre que c'était la finale souhaitée par vous tous et toutes, les journalistes, a-t-il plaisanté. On a gagné la Coupe d'Europe, Toulouse ne l'a pas gagnée cette année, ils veulent gagner le titre. Ça peut être une belle finale, j'espère que ce sera une belle finale en termes de jeu surtout. Remarque, si on gagne..."
Cela serait une belle récompense pour Merling et les siens, défaits lors de sept des huit derniers matches disputés face à Toulouse. De quoi amuser le dirigeant, philosophe face au terme "épouvantail" affublé à son club par le manager toulousain Ugo Mola.
"Vous voulez que je vous dise qui est l'épouvantail ? Je ne sais pas. Épouvantail, ça veut dire faire fuir l'adversité ? Franchement, nous ne sommes pas un épouvantail", a assuré Vincent Merling.
"On essaie de jouer un rugby qui gagne. Si Toulouse nous craint, tant mieux mais je ne pense pas que ce soit un épouvantail non plus. On est fier de pouvoir aller défier Toulouse, c'est pour nous quelque chose de grand à vivre et on ira au Stade de France avec beaucoup de fierté et d'humilité car l'humilité n'empêche pas l'ambition."