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Tadej Pogacar bloqué par une moto, Jonas Vingegaard qui grappille une seconde et Romain Bardet qui abandonne sur chute: la tension est montée d'un cran sur le Tour de France lors de la première étape alpestre remportée par le prometteur Carlos Rodriguez samedi à Morzine.
Dans un Tour dont le sort pourrait se jouer à coups de secondes, l'incident pourrait être lourd de conséquences. On était dans Joux Plane, la dernière ascension d'une 14e étape dantesque, lorsque Pogacar, épaule contre épaule avec Vingegaard dans un nouvel épisode de leur mano a mano, a lancé son sprint à 700 mètres du sommet pour aller chercher les secondes de bonifications au sommet, sa spécialité.
Mais le Slovène, qui avait déjà essayé de distancer le Danois trois kilomètres plus bas, a dû se rassoir aussitôt, bloqué par une moto de photographe qui lui bouchait l'accès au col, côte à côte avec une deuxième moto de télévision.
Vingegaard en a profité pour passer en tête au sommet, empochant les 8 secondes de bonus, contre seulement 5 pour Pogacar. Le Slovène allait en reprendre deux après la descente jusqu'à Morzine, en coupant la ligne à la deuxième place derrière Carlos Rodriguez, juste devant son rival.
"J'ai tiré une cartouche à blanc mais c'est comme ça, je vais réessayer plus tard", a déploré le maillot blanc qui pointe désormais à dix secondes du maillot jaune, une marge toujours infime.
Dans son camp, on ne voulait pas en rajouter. "Tout le monde est là pour faire son travail. Qu'est-ce qu'on peut faire ? Mais je pense que ça a perturbé Tadej. Et on sait que ce Tour va probablement se jouer sur quelques secondes", a toutefois souligné Mauro Gianetti, le manager de l'équipe UAE.
- "Volé des secondes" -
En vérité, on ne saura jamais ce qui se serait passé si Pogacar avait eu la voie libre. Aurait-il réussi à décrocher Vingegaard pour ensuite creuser un écart conséquent dans la descente très technique vers Morzine ?
"La situation était compliquée, très confuse. Aujourd'hui ce sont de petites choses qui ont fait la différence. Mais la bataille continue", a évacué le directeur sportif d'UAE, Joxean Fernández Matxín.
Des observateurs extérieurs étaient plus sévères. "Depuis toujours, les motos ont une influence sur les courses et aujourd'hui elles ont volé des secondes", a commenté Adam Hansen, président du syndicat des coureurs.
Dans la soirée, le jury des commissaires a exclu pour la 15e étape dimanche la moto photo et la moto TV/radio, sanctionnées en plus d'une amende de 500 francs suisses.
L'épisode est venu rajouter un peu d'huile sur le brasier d'une rivalité très respectueuse à tous égards mais incandescente sur la route depuis le début de ce Tour.
Samedi, une fois le travail des équipiers terminé, Pogacar, lunettes relevées, a planté une première attaque à 3,7 km du sommet pour prendre, grâce à son punch supérieur, une vingtaine de mètres d'avance. Mais, comme tenu par une laisse invisible, Vingegaard, au visage impénétrable derrière sa visière, s'est accroché pour amortir le choc et recoller deux kilomètres plus loin.
Après le sommet, les deux hommes ont temporisé, ce qui a permis à Carlos Rodriguez (Ineos) de recoller dans la descente. L'Espagnol de 22 ans est aussitôt passé à l'attaque pour surprendre Pogacar et Vingegaard et s'imposer à Morzine avec cinq secondes d'avance.
- "Un rêve qui devient réalité" -
"C'est un rêve qui devient réalité", a commenté Rodriguez, grand espoir du cyclisme mondial, qui se hisse à la troisième place du classement général, dégageant du podium l'Australien Jai Hindley, arrivé 1:46 plus tard.
C'est déjà la troisième victoire dans ce Tour de France pour l'Espagne qui courait après un succès depuis cinq ans avant cette 110e édition.
L'étape a aussi été marquée par une importante chute collective après seulement cinq kilomètres, provoquant plusieurs abandons, dont celui du Sud-Africain Louis Meintjes, et la neutralisation de la course pendant une vingtaine de minutes.
Vingt kilomètres plus loin, le Français Romain Bardet est allé au sol à son tour dans la descente du premier col de la journée et a été lui aussi contraint de quitter la course, victime d'une commotion cérébrale.
C'est un coup de massue pour le grimpeur auvergnat, deuxième du Tour en 2016, qui ambitionnait de s'approcher encore du podium cette année.
Mais il est tombé malade après le début du Tour et n'a jamais réussi à peser sur la course, tout comme David Gaudu qui a encore perdu près de six minutes samedi et continue à dégringoler au classement général.