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Après le crash d'Ethiopian, une nouvelle famille "unie par le sang et la mort"

Nadia Milleron, citoyenne américaine, a perdu sa fille Samya, 24 ans, dans le crash du Boeing 737 MAX d'Ethiopian Airlines du 10 mars 2019. Le père de Zipporah, Joseph Kuria Waithaka, Britannique d'origine kényane, faisait également partie des 157 victimes.

De cette tragédie est née une "amitié" singulière entre les deux femmes qui les aide à faire le deuil et en a fait des pasionarias de la lutte contre les errements de l'aviation civile.

Elle les a conduites dans les allées du pouvoir: comme, à Cologne en Allemagne pour convaincre le régulateur aérien européen AESA d'inspecter indépendamment le 737 MAX avant de lui permettre de voler à nouveau, ou au Congrès à Washington.

Les deux femmes ont choisi d'enfouir leur douleur pour reprendre à leur compte la parole des experts et des pilotes, particulièrement critiques de la culture du coût zéro. Une culture qui a conduit à des dysfonctionnements au moment du développement de l'avion phare de Boeing pour tenter de répondre à la menace représentée par l'A320 Neo d'Airbus.

"Nous sommes une famille maintenant, unie par le sang et la mort. Chaque fois qu'on se sent perdues, que nous n'avons plus d'espoir, on se regarde et on sait immédiatement qu'on n'est pas seules", raconte Zipporah Kuria Waithaka, 24 ans, à l'AFP, en cette journée du 22 février ensoleillée à Central Park à New York, entourée de Nadia Milleron et de son fils Tor, 21 ans.

Elle a créé le site www.et302.org destiné aux familles des victimes.

- "Impuissance" -

Le trio, comme la veille à l'aéroport JFK et un peu plus tôt à Times Square, attire les regards: une quinquagénaire blanche au physique frêle --la nièce de l'infatigable défenseur des droits des consommateurs américains Ralph Nader--, son fils grand et brun, et une jeune femme noire, qui passent de la joie aux larmes et se réconfortent par des gestes affectueux.

"En se soutenant et en comprenant ce que nous traversons, nous pouvons éviter que d'autres familles aient à le vivre", explique Nadia, qui a perdu un fils, mort d'un cancer à 2 ans.

Nadia, son mari Michael Stumo et Tor étaient parmi les premières familles de victimes sur le lieu du crash.

"Quand nous sommes arrivés en Ethiopie, nous sommes passés par différentes phases", raconte Tor. "Nous pensions qu'il y avait des survivants et ensuite avons espéré pouvoir récupérer son corps mais nous avons appris qu'il n'y avait que de minuscules restes d'elle que nous ne pouvions même pas ramener avec nous. S'en sont suivis des sentiments d'impuissance, d'ignorance, de frustration et d'impuissance encore", dit-il.

Samya a été enterrée dans le Massachusetts, mais un tiers de son corps est resté en Ethiopie, enfoui dans la boue, raconte Nadia.

La plupart des cercueils des victimes du crash contenaient davantage d'effets personnels que de dépouille.

- Pas en vain -

Nadia et Zipporah se sont rencontrées pour la première fois le 12 octobre en Ethiopie. La jeune femme, née au Kenya avant d'émigrer en Angleterre à l'âge de 9 ans avec ses parents et ses deux frères, a aidé son ainée américaine à naviguer dans le casse-tête administratif local.

Elles se sont revues le 11 décembre à Washington pour des auditions au Congrès. Leurs liens se sont renforcés.

Zipporah est arrivée le 21 février à New York depuis Londres pour passer une semaine avec les Milleron-Stumo à Sheffield dans le Massachusetts.

"Aller dans la maison où Samya a grandi va me rapprocher de mon père parce qu'elle était à proximité de lui lorsqu'ils sont morts", raconte-t-elle.

Samya Stumo, blonde de 1,83 m, avait décroché le poste de son rêve: six mois à l'ONG ThinkWell, financée par la fondation Gates, pour étendre la couverture santé dans des pays en développement.

Dépêchée en Afrique de l'Est pour y ouvrir des bureaux censés administrer des programmes de santé, elle se rendait à Nairobi pour rencontrer des collègues.

M. Waithaka, 55 ans, ancien conseiller de probation dans la ville de Hull au nord-est de l'Angleterre, était retourné vivre dans son Kenya natal en 2015 pour aider les populations locales à mettre en place des pratiques agricoles visant à l'auto-suffisance alimentaire.

Si leur colère reste vive, Nadia, Tor et Zipporah en ont fait le moteur de leur nouvel activisme. Ils veulent garantir la sécurité des avions et en finir avec la dérégulation opérée dans l'aviation civile en 2005 aux Etats-Unis.

"Ca fait du bien de pouvoir être en contact avec une jeune fille (Zipporah) qui essaie de faire la différence pour que son père ne soit pas mort en vain", confie Nadia.

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