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Arménie : les députés élisent un président aux pouvoirs amoindris

Les députés ont élu vendredi Armen Sarkissian nouveau président de l'Arménie, des fonctions rendues largement protocolaires par une révision constitutionnelle dénoncée par l'opposition comme visant à maintenir au pouvoir l'actuel chef de l'Etat.

Ce vote est le premier depuis l'abandon en 2015 du recours au suffrage universel direct pour désigner le président et la transformation de ce petit pays du Caucase en république parlementaire, où le pouvoir exécutif réel sera désormais entre les mains du Premier ministre.

"J'utiliserai toute mon expérience, mes connaissances et mes forces pour remplir toutes mes obligations présidentielles et servir l'Arménie", a promis Armen Sarkissian devant les députés, après son élection.

Jusqu'à présent ambassadeur d'Arménie en Grande-Bretagne, Armen Sarkissian, 64 ans, était le seul candidat. Il a obtenu 90 voix en sa faveur sur 105 et prend ainsi la succession de l'actuel chef de l'Etat Serge Sarkissian, qui a le même nom de famille que son successeur sans pour autant avoir de liens de parenté avec lui.

La candidature d'Armen Sarkissian, un ancien professeur de physique à l'université de Cambridge qui a également brièvement été Premier ministre, entre 1996 et 1997, a été proposée par le parti au pouvoir, le Parti républicain.

Le président russe Vladimir Poutine l'a félicité dans un télégramme pour son élection, se disant "certain" que le nouveau chef de l'Etat contribuera à "renforcer l'intégration eurasienne au bénéfice des peuples fraternels de nos deux pays".

Les opposants au président sortant, le prorusse Serge Sarkissian, affirment que la révision constitutionnelle de 2015 n'a été conçue que pour maintenir son influence sur la vie politique locale.

Cette réforme, qui a fait passer l'Arménie d'un régime présidentiel fort à un régime parlementaire, "a été introduite pour que le parti au pouvoir et son chef Serge Sarkissian restent indéfiniment au pouvoir", a déclaré à l'AFP le politologue Stefan Safarian.

"Serge Sarkissian veut rester aux commandes" et occuper le poste de Premier ministre, aux prérogatives renforcées, une fois qu'il aura quitté celui de président le 9 avril, a-t-il ajouté.

Serge Sarkissian n'a pas publiquement confirmé vouloir diriger le gouvernement, mais il avait promis dans un entretien avec l'AFP l'année dernière de "rester actif" après la fin de son mandat à la tête de l'Etat, avec dans l'idée de continuer à jouer un rôle dans la vie politique arménienne en tant que chef du Parti républicain.

Ancien officier de l'armée, Serge Sarkissian, 63 ans, est président depuis 2008 après avoir été Premier ministre en 2007-2008. Sa première victoire à la présidentielle avait été émaillée d'échauffourées entre manifestants et policiers qui avaient fait 10 morts. Il a remporté un deuxième mandat en 2013.

- 'Super Premier ministre' -

Le Parti républicain, pour sa part, présente la révision constitutionnelle comme une mesure destinée à consolider la démocratie en Arménie en renforçant le rôle de l'opposition et en améliorant l'équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif.

"La démocratie signifie la distribution du pouvoir, le renforcement des différentes forces politiques et le contrôle parlementaire sur le gouvernement. C'est le but de la réforme", a affirmé à l'AFP le porte-parole du parti et vice-président du Parlement, Edouard Charmazanov.

"L'opposition va avoir davantage de leviers pour influer sur le processus politique. Nous avançons vers une forme de gouvernance plus démocratique", a-t-il plaidé.

Les amendements constitutionnels, qui doivent entrer en vigueur après la fin du second mandat de Serge Sarkissian en avril, ont été adoptés par référendum en décembre 2015 et avaient provoqué des manifestations de protestation.

Près des deux tiers des votants ont approuvé les modifications apportées à la Constitution, qui attribuent au président un rôle protocolaire. Il est élu par le Parlement pour un mandat de sept ans au lieu de cinq ans actuellement.

L'opposition avait dénoncé de nombreuses irrégularités au cours de ce vote et appelé les Arméniens à descendre dans la rue, tandis que les observateurs du Conseil de l'Europe ont noté des allégations d'achat de votes et de bourrages d'urnes.

Si le nouveau président arménien n'a quasiment aucun pouvoir réel - il ne sera même pas membre du Conseil de sécurité de son pays -, c'est lui qui choisira le prochain chef du gouvernement, poste pour lequel le nom du candidat sera avancé par le parti au pouvoir.

Le Premier ministre aura en revanche les fonctions de commandant-en-chef de l'armée.

"Tout est fait pour que les pouvoirs actuellement détenus par le président soient transférés à un futur Premier ministre. Tout est fait pour créer l'institution d'un +super Premier ministre+", a dénoncé le député d'opposition Edmon Maroukyan.

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