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Aux Abymes,tous les jours la même question : "Est-ce qu'il y a de l'eau ?"

"Quand il pleut, on est content, on va pouvoir avoir de l'eau pure et laver la maison". Aux Abymes, en Guadeloupe, Fabienne Matou, 46 ans, raconte, assise avec le président de la République sur sa terrasse, la difficulté d'approvisionnement de l'eau dans son quartier.

"Hier soir, il y avait pas d'eau (au robinet). Ça nous arrive sur toute une journée qu’on n’ait pas d'eau, (...) ce n'est pas évident pour se laver, pour faire à manger", raconte cette mère de famille, qui a accueilli chez elle Emmanuel Macron pour évoquer son quotidien.

Une grande majorité des Guadeloupéens n'ont pas d'eau tous les jours à cause d'un défaut d'entretien des canalisations - le réseau perd entre 60% à 90% de son rendement avant que l'eau n'arrive au robinet, a expliqué le préfet de Guadeloupe Philippe Gustin.

Pour pallier ce réseau de distribution hors service, des coupures sont organisées en "tour d'eau", un calendrier censé alimenter les communes en alternance et permettre aux habitants d'organiser leur vie en fonction de l'heure des coupures.

Dans son quartier de Caraque, dans les Grands Fonds, où elle habite depuis sa naissance, des tours d'eau sont organisés environ 12 heures tous les trois jours, explique Fabienne, face au chef de l'Etat assis sur un fauteuil en rotin, entouré par la famille, des amis et des voisins.

"On a toujours cette question quand on rentre chez nous: Est ce qu'il y a de l'eau? Il y a un calendrier mais des fois, on a oublié et on n'a pas eu le temps de prendre une douche, ou de faire une lessive", ajoute Fabienne.

"Du coup, vous achetez de l'eau dans le commerce?", l'interroge le président. "On fait des réserves dans des bouteilles en plastique, des récipients, et on achète de l'eau en bouteille. C'est un budget de 105 à 110 euros par mois", répond-elle.

Fabienne souligne que "si on boit l'eau du robinet, on est malade", et que l'eau est "parfois blanche".

- "Un système de clientélisme" -

Le président cède sa place à une vieille dame en costume traditionnel, qui porte une "tête créole" , la coiffe guadeloupéenne. Firmine Aucan est une voisine. "Monsieur le président, l'eau c'est la vie", lance Firmine. "Parfois, trois fois par semaine, il n’y a pas d’eau. Je rentre chez moi -je suis à la retraite, j’ai une petite retraite-, j’ouvre le robinet, il n’y a pas d’eau et moi je mange un bout de pain parce qu’il n’y a pas d’eau pour faire la cuisine. "

Fabienne raconte aussi le calvaire de son voisin, un homme âgé qui doit recevoir tous les jours des soins à domicile. "L'infirmière a des difficultés pour le soigner". Le chef de l'État s'enquiert de sa situation. Présent, le vieil homme, qui marche difficilement avec une canne, secoue la tête: "Il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'eau".

Emmanuel Macron rappelle que "l'eau n'est pas une compétence de l'État", et souligne que "ces messieurs-dames sont victimes" de la mauvaise gestion du réseau, par les opérateurs et collectivités: "L'argent est bien passé quelque part, mais pas dans les canalisations", ironise-t-il.

Le chef de l’État note aussi que "36% des gens ne payent pas l'eau". Contre 15% des habitants qui n'ont pas d'eau au robinet. "Il faut améliorer le service et il faut que tout le monde joue le jeu, il n'y a pas de miracle", dit-il.

Un peu plus tard, devant quelques dizaines d'usagers et élus, il martèle: "Il y a eu pendant des décennies un système de clientélisme. On ne va pas se mentir. Plusieurs milliards d'euros sont sortis du système. Je souhaite qu'on puisse établir toutes les responsabilités, qu'elles soient financières ou pénales", a-t-il dit. Emmanuel Macron insiste : "Il faudra de la pédagogie, et qu'on ramène tout le monde à payer l'eau de manière normale".

En janvier, un plan d'urgence, financé par l'Etat et des collectivités à hauteur de 71 millions d'euros, a été voté. Il doit aboutir à la fin des tours d'eau d'ici deux ans.

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