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Bélarus: la rédactrice en chef d'un média indépendant devant la justice

La rédactrice en chef du principal site d'informations indépendant du Bélarus a commencé mardi à comparaître devant la justice dans une affaire dénoncée par des militants des droits de l'homme comme un "acte d'intimidation" du régime du président Loukachenko.

Marina Zolotova, rédactrice en chef du site d'informations tut.by, avait été arrêtée en août en même temps qu'une dizaine d'autres journalistes dans le cadre d'une enquête sur l'utilisation sans abonnement des services de l'agence de presse BelTA.

Elle est accusée "d'inaction" et de négligence, pour ne pas avoir contrôlé le travail de ses subordonnés qui avaient utilisé les services de BelTA. Elle encourt jusqu'à cinq ans de prison et une interdiction d'occuper un poste à responsabilité.

Marina Zolotova, qui rejette ces accusation, est arrivée souriante au tribunal, sous les applaudissements de quelques dizaines de soutiens.

"J'espère que la décision du tribunal sera juste", a déclaré la journaliste de 41 ans, qui comparaît libre. "Nous allons bien sûr essayer avec mon avocat de faire en sorte que je sois déclarée non coupable. Mais je ne sais pas si ça arrivera. Faire des pronostic ne porte pas chance", a-t-elle ajouté.

Les autres journalistes arrêtés en même temps qu'elle, employés par tut.by et plusieurs autres médias dont l'agence de presse privée BelaPAN, avaient été libérés après avoir été condamnés à payer des dommages et intérêts.

"Il est très étonnant qu'au Bélarus, au XXIe siècle, on organise le procès de la rédactrice en chef d'une publication internet pour l'utilisation de mots de passe qu'elle n'a pas utilisés", a dénoncé Boris Goretski, porte-parole de l'Association des journalistes du Bélarus.

- "Durcissement" -

"L'affaire vise spécifiquement tut.by", avait estimé avant l'audience Mme Zolotova sur le site internet de l'Association des journalistes. "Nous avons plus d'un million de vues par jour tandis que BelTA et d'autres médias étatiques en ont largement moins. C'est une tentative non pas de fermer, mais d'affaiblir des concurrents".

Johann Bihr, responsable de l'Europe de l'Est pour l'ONG Reporters sans frontières, a expliqué à l'AFP voir dans ce procès "un acte d'intimidation contre les derniers médias indépendants du Bélarus", et dénoncé un "durcissement des autorités".

"Une nouvelle ligne rouge a été franchie", a-t-il ajouté, soulignant que tut.by et BelaPAN, les deux principaux médias concernés dans cette affaire, "n'ont aucune affiliation de près ou de loin avec l'opposition" et étaient jusqu'à présent "relativement épargnés" par les autorités.

Reporters sans frontières et le Conseil de l'Europe avaient déjà exprimé leur inquiétude en août, quand les journalistes avaient été arrêtés. Parmi les personnes visées, outre les journalistes de tut.by et BelaPAN, un journaliste bélarusse travaillant pour le média allemand Deutsche Welle, avait notamment été incarcéré pendant 48 heures.

Dirigé d'une main de fer par le président Alexandre Loukachenko depuis 1994, le Bélarus maintient un contrôle constant sur les médias, durci notamment après des manifestations en mars 2017 qui ont conduit à des centaines d'arrestations.

Le pays figure à la 155e place au classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par RSF.

L'ONG a dénoncé en novembre 2018 "le matraquage financier" et le "harcèlement tous azimuts" des journalistes bélarusses: plus de 100 amendes ont été infligées au cours de l'année à des journalistes travaillant sans accréditation, alors que les amendes étaient rares avant 2017.

En juillet, un journaliste d'opposition a été condamné à quatre ans de prison pour avoir agressé un policier, ce qu'il dément. En février, plusieurs collaborateurs d'un site d'information russe considéré comme favorable au Kremlin, Regnum.ru, avaient été condamnés à cinq ans de privation de liberté pour "incitation à la haine".

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