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Décryptage - Moins d'emprisonnements, huit niveaux de peines: comment la réforme du Code pénal belge va-t-elle impacter le citoyen?

Notre Code pénal a été conçu en 1867. Depuis, de nombreuses modifications ont, bien sûr, été apportées, mais il y avait un besoin de moderniser dans sa globalité ce texte basé sur la morale du XIXe siècle, inspiré du Code Napoléon de 1810. Ce sera bientôt chose faite, après 8 ans de travail. Quels seront les changements principaux et quels avantages auront-ils ?

Ce mercredi, c’est un débat particulièrement important qui s’est tenu à la Chambre, avant le vote de ce jeudi. Notre Code pénal s’apprête à être profondément réformé avec trois objectifs principaux : la précision, la simplicité et la cohérence. "Ce code était devenu totalement illisible. Donc, on a fait tout un travail de réécriture pour que ce soit plus compréhensible non seulement pour les acteurs, mais aussi pour le citoyen ", justifie le professeur et magistrat Damien Vandermeersch (UCLouvain), qui a participé à cette réécriture.

L’une des modifications, et pas des moindres, est la disparition de la distinction entre les termes "crime", "délit" et "contravention". Il s'agit du tout premier article du livre I de notre Code pénal. "Une peine criminelle est un crime", "une peine correctionnelle est un délit" et "une peine de police est une contravention", dit-il actuellement.

Niveau 1, pas de peines d'emprisonnement, niveau 8, c'est perpétuité

Dans ce Code pénal revisité, un dispositif en huit niveaux de peines remplace ces termes. "Niveau 1, pas de peines d'emprisonnement, niveau 8, c'est perpétuité", explique le magistrat. "Par exemple, un vol avec violences avec arme, va être puni des peines de niveau cinq. Et puis, vous allez voir à quoi correspond la peine de niveau cinq. Elle correspondra à une peine de 10 à 15 ans d'emprisonnement, ou en cas de circonstances atténuantes, une peine de niveau quatre, trois ou deux", complète-t-il.

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Alors, comment choisir la peine à partir de ce nouveau système ? En se basant sur les nouvelles dispositions concernant les objectifs de la peine. "Ce qui est intéressant, c'est qu'on a plus l'objectif de rétribution. Ça voulait dire faire mal parce que vous avez fait mal. Œil pour œil, dent pour dent".

Le nouvel article 27 du livre I stipule que la peine vise à exprimer le désaccord de la société et à contribuer à rétablir l'équilibre social tout en réparant les dommages causés par l'infraction. Elle cherche également à favoriser la réhabilitation et l'intégration sociale de l'individu responsable tout en assurant la protection de la société. Ce n'était pas clair jusqu'ici : "C'est quand même étonnant que dans notre code actuel, on ne dit pas ce qu'on vise à travers le droit pénal à travers le prononcé d'une peine", s'étonne encore Damien Vandermeersch.

La prison en "ultime recours"

"L'idée, c'est qu'une peine ne soit pas contre-productive", insiste Damien Vandermeersch. "On dit parfois que la prison est l'école du crime. On a l'impression que les peines de prison engendrent davantage le cercle vicieux de la récidive plutôt que de le briser", continue-t-il.

C'est l'emprisonnement qui devrait être l'alternative aux autres peines

Alors, avec ce nouveau texte, la prison constitue "l'ultime recours et ne peut être prononcée que lorsque les objectifs de la peine ne peuvent pas être atteints par une des autres peines ou mesures prévues par la loi". Autrement dit, il y a un changement de logique : "Ce ne sont plus les autres peines qui sont des alternatives à l'emprisonnement, mais c'est l'emprisonnement qui devrait être l'alternative aux autres peines", justifie Damien Vandermeersch.

Donc, à la place de la prison, d'autres peines (comme des peines de travail), seront proposées en priorité. "Il y a plein d'autres manières de réagir par rapport à des comportements infractionnels. Je peux vous dire que pour un condamné, c'est moins confortable d'entrer dans un processus de justice restauratrice, où il doit vraiment se remettre en question et changer son parcours de vie que de subir la peine d'emprisonnement", affirme l'ancien juge d’instruction à Bruxelles.

Et puis, cette manière de faire est un moyen, aussi de désengorger nos prisons. On le rappelle, la Belgique est le 4e pays d’Europe où la surpopulation carcérale est la plus importante. "On a trop ce réflexe… la peur de l'impunité et que la punition, c'est la prison", déplore le juriste. 

Des ajouts et des suppressions

Outre la réflexion sur les peines, cette réforme inclut d'autres avancées significatives. Il y a, notamment, de nouvelles incriminations : l'écocide, l'homicide intrafamilial, la profanation de cadavres, le jet d'objets par-dessus les murs d'une prison ou l'incitation au suicide. Le nouveau Code pénal inscrit aussi les lois anti-discrimination.

À l'inverse, certaines infractions désuètes disparaissent du Code pénal. C'est le cas l'attribution d'un titre de noblesse à une personne qui n'y a pas droit ou le tapage nocturne. Cette dernière infraction sera désormais appréhendée désormais par les sanctions administratives communales.

Certaines de ces infractions supprimées semblent aujourd'hui absurdes : "Troubler l’ordre public dans les marchés ou les halles aux grains", "les employés ou agents du Mont-de-pitié qui auront révélé à d’autres qu’aux officiers de police ou à l’autorité judiciaire le nom des personnes qui ont déposé ou fait déposer des objets à l’établissement" et "ceux qui se rendront coupables de fraude dans le choix des échantillons destinés à la vérification du titre et du poids des monnaies d’or et d’argent". 

8 ans de travail

C'est en 2015 que le projet de réécriture a débuté, à l'époque sous l'égide du ministre de la Justice Koen Geens. Le flambeau a été ensuite repris par Vincent Van Quickenborne et, maintenant, Paul Van Tigchelt. Plusieurs tentatives de réformer le Code pénal ont été infructueuses dans les années 70.

Le texte, qui a déjà passé l'étape du Conseil des ministres, puis de la commission Justice. Le débat à la Chambre de ce mercredi précède le vote, prévu ce jeudi.

Il faudra encore attendre 2 ans, après sa publication dans le Moniteur belge, avant que le texte rentre en vigueur.
 

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Commentaires

8 commentaires

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  • connaissant la "justice", on peut être sûr que la racaille va pulluler dans nos rues.

    Mick Mick
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  • Alors, le but est effectivement de ne pas systématiquement passer par la case "prison", principalement parce que contrairement à ce que plein d'ignares avide de ""justice"" populaire pensent, ça n'est pas un moyen efficace de réduire la criminalité! Pour l'argent, on sait très bien où il va (la sécu par exemple), vu que tous les budgets, au centime près, sont publiques et que donc, mêmes les plus sombres ignorants peuvent aller le lire au lieu de balancer des âneries.

    Thierry Frayer
  • En 30 ans, on a triplé le nombre de ministres, sans oublier ces parasites d'eurodéputés, voilà où va l'argent.

    Mick Mick
  • Et tout ça pour ne plus mettre en prison, car ce qui reste se sont des taudis et il n'y a pas de pognons pour en construire ! Au fait où est-il ce pognon ? Le pays est exsangue et on ne sait pas ou est le pognon !!!

    marcel bervoets
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  • Encore moins d'emprisonnements ? Absurde ! Chez nous, quand on ne sait plus maintenir le droit, quand on n'a plus de place pour emprisonner les malfrats, on rend les lois plus laxistes. Face à une délinquance "à l'américaine", il faut une justice et une police "à l'américaine.

    roger rabbit
     Répondre
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