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Colère des agriculteurs: la commission européenne revient sur l'obligation "jachères"

La Commission européenne a proposé mercredi de prolonger, cette année 2024, la dérogation "jachères" à la politique agricole commune (PAC), donnant ainsi une première réponse aux protestations d'agriculteurs dans plusieurs pays d'Europe.

Dans la nouvelle PAC entrée en vigueur début 2023, les aides versées aux agriculteurs sont davantage conditionnées au respect de critères agro-environnementaux, avec notamment l'obligation, pour les exploitations de plus de 10 ha, de laisser au moins 4% des terres arables en jachères ou de les dédier à des éléments agro-écologiques (haies, bosquets, fossés, mares, etc.). Ce taux minimum peut être ramené à 3%, s'ils y ajoutent 4% de cultures intermédiaires ("dérobées") ou fixatrices d'azote sans produits phytosanitaires, pour atteindre 7% favorables à la biodiversité.   Après le déclenchement du conflit ukrainien, l'UE a suspendu l'application de cette condition pour pouvoir produire davantage et compenser les perturbations de l'offre céréalière d'Ukraine et de Russie. Cette dérogation a expiré fin 2023, malgré l'appel cet automne d'une dizaine d'États réclamant sa prolongation au moins partielle pour 2024.  

Alors que des agriculteurs multiplient les actions de protestation dans plusieurs pays d'Europe, avec le sommet européen de jeudi en ligne de mire, la Commission fait volte-face, avec cette proposition qui aurait un effet rétroactif au 1er janvier dernier.    

Elle prévoit qu'au lieu de maintenir les terres en jachères ou improductives sur 4% de leurs terres arables, les agriculteurs de l'UE qui cultivent des plantes fixant l'azote (telles que les lentilles, les pois...) et/ou des "cultures dérobées" sur 7% de leurs terres arables seront considérés comme satisfaisant à l'exigence pour les paiements directs de la PAC.    Pour justifier ce revirement, l'exécutif européen, qui avait déjà lancé la semaine dernière un "dialogue stratégique" sur l'avenir de l'agriculture, met en avant le fait que "les agriculteurs sont confrontés à une série exceptionnelle de difficultés et d'incertitudes".   La Commission cite le nombre important de phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresses, incendies de forêt, inondations) dans diverses régions de l'Union l'an dernier, les prix élevés de l'énergie et des intrants résultant de l'agression de la Russie contre l'Ukraine, le coût de la vie et l'inflation, la modification des flux commerciaux internationaux...  

Le prix des céréales a également fortement baissé par rapport à 2022, avec une valeur de production céréalière en baisse de près de 30% de 2022 à 2023. "Dans ces conditions, l'obligation de mettre en jachères les terres arables peut avoir un impact négatif significatif à court terme sur les revenus de certains agriculteurs", note la Commission.   Sa proposition sera soumise dans les prochains jours aux États membres, qui pourraient dès lors l'appliquer rapidement. La Belgique a déjà fait savoir qu'elle voulait remettre sur la table la règle d'obligation de jachère.  

Par ailleurs, la Commission propose de prolonger d'une année après juin la suppression des droits de douane dont bénéficient depuis 2022 les produits agricoles ukrainiens et moldaves entrant dans l'UE, tout en y ajoutant des "mécanismes de sauvegarde" en cas de perturbation du marché dans les États membres voisins.   Ainsi, un recours rapide sera possible en cas d'effets néfastes observés dans un ou plusieurs États membres, même si la totalité du marché européen n'est pas perturbée. En outre, pour des produits sensibles comme le sucre ou la viande de volaille, un "frein d'urgence" (réintroduction de droits de douane) permettrait de maintenir les importations au niveau des années 2022-2023.

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