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#Metoogarçon : de plus en plus d'hommes dénoncent les violences sexuelles dont ils ont été victimes

Un nouvel hashtag a fait son apparition sur les réseaux sociaux depuis la fin février. Le #Metoogarçons a été lancé par le comédien Aurélien Wiik dans son poste Instagram du 26 février dernier. Le mouvement qui voulait initialement dénoncer les abus sexuels dans le milieu du cinéma et de la mode s'est propagé et transcende aujourd'hui tous les milieux.

"De 11 ans à 15 ans, j'ai été abusé par mon agent et par d'autres membres de mon entourage. J'ai porté plainte à mes 16 ans parce qu'il le faisait à d'autres." 

Le poste de l’acteur de 43 ans, connu pour son rôle dans la série “Munch”, a déclenché une vague de témoignages sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, des centaines d’hommes prennent la parole pour partager leur histoire et les abus dont ils ont été victimes. Parmi eux, un autre témoignage a été remarqué. Yanis Marshall 34 ans, ancien professeur de danse dans l’émission la star academy, a lui aussi utilisé les réseaux sociaux pour dénoncer les abus qu’il aurait subis pendant son adolescence. Dans cette publication, il accuse son ancien professeur, Bruno Vandelli, de viol. Depuis, 5 autres personnes ont accusé le chorégraphe de 62 ans de faits similaires. 

Mais cette libération de la parole touche aussi des anonymes. Ces derniers jours, de nombreux hommes lèvent un tabou sociétal. 

Un tabou sociétal 

En 2024, la pression de l’image masculine d'un homme "fort" et "qui ne se plaint pas" est encore très présente dans notre société. Selon Adélaïde Blavier, professeure à l’ULiège et spécialisée en psycho-traumatisme, cette pression sociétale est une difficulté en plus pour les hommes victimes d’abus dans la recherche d’aide après un tel traumatisme. Cette image de la masculinité peut pousser les hommes à rester silencieux sur ce qui leur est arrivé. 

“Plus ces hommes gardent le silence sur le ou les abus qu’ils ont subis, plus ils vont tarder à recevoir une aide appropriée. Le problème dans ce genre de cas, c’est que quand une personne vit une expérience traumatique, elle va chercher à s’adapter et si elle est seule face à son traumatisme, elle peut développer de mauvaises adaptations”, explique Adélaïde Blavier. 

Ces mauvaises adaptations sont des sortes de réponses défensives au traumatisme en question. Elles peuvent prendre des formes différentes. Parmi celles-ci, on peut retrouver l’automutilation, la dépression, des épisodes où la victime va revivre son trauma durant son sommeil, ou même des stratégies d’évitement durant lesquelles la personne va s’isoler de la société. “Si ces mécanismes de défense durent, ils risquent de se “cristalliser”. Il devient alors plus difficile de les accompagner dans une reconstruction psychologique saine au moment où ils vont demander de l’aide”, souligne la professeure de l'ULiège.

Adélaïde Blavier rappelle également que chaque cas est différent. Certaines personnes vont trouver la force nécessaire en eux pour surmonter leur traumatisme seul et de manière saine. D’autres vont avoir besoin d’une aide extérieure et de plus de temps. Cependant, d’une manière globale les statistiques démontrent que plus la victime parle tardivement de son expérience, plus le cheminement psychologique est long par la suite. 

Un mouvement sur les réseaux sociaux à double tranchant. 

Pour Vincent Dubois, professeur de psychiatrie à l’UCL, si ce mouvement #Metoogarçons a le mérite d’inciter les hommes à sortir du silence et à témoigner des violences sexuelles qu’ils ont subies, le fait d’exposer son histoire publiquement peut aussi avoir des répercussions négatives pour les victimes. En effet, en faisant cela, ces derniers se mettent dans la ligne de mire des détracteurs et peuvent recevoir des insultes voire des menaces. Cela peut faire beaucoup de dégâts pour des personnes déjà fragiles psychologiquement.  “C’est un principe qui s’applique dès que l’on publie quelque chose sur les réseaux sociaux. Mais dans le cas de thèmes aussi tabous et intimes que la sexualité, ce phénomène est accentué. Ce sont des thèmes qui ne laissent personne indifférent”, souligne Vincent Dubois. 

Évidemment, rien n’est tout noir ou tout blanc, car le fait de partager son trauma est souvent l’élément déclencheur d’une recherche d’aide psychologique appropriée qui permettra à la victime de se reconstruire par la suite. Cependant, les risques liés à la publication de ces témoignages ne sont pas encore assez mis en évidence aujourd’hui. 

CPVS, aussi ouverts aux hommes 

En Belgique, il existe les CPVS (Centre de Prise en charge les Victimes de violences Sexuelles). Ces centres sont présents dans chacune des provinces belges et sont tenus par des personnes formées à accueillir les victimes. Les CPVS sont là pour apporter une aide psychologique et parfois médicale. Ils peuvent également fournir un accompagnement judiciaire si la victime souhaite porter plainte. Ces centres sont aussi ouverts aux hommes. 

Charlotte Rousseau travaille dans un de ces centres. D'après elle, le pourcentage des victimes maculines dans le centre est de 10%. "À ma connaissance, les hommes portent moins plainte et vont moins chercher de l'aide. J'espère qu'un jour ça changera."

D'après une enquête d'Amnesty International, 20% des femmes et 14% des hommes ont subi des violences sexuelles au moins une fois dans leur vie.

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