Partager:
Avec "Les Olympiades", en lice pour la Palme d'Or à Cannes, un Jacques Audiard inattendu se penche sur les amours contrariées de trentenaires parisiens, dans une sorte de mise à jour contemporaine des "contes moraux" d'Eric Rohmer.
Le film, pour lequel le cinéaste français de 69 ans brigue une deuxième Palme d'or, est tourné dans un noir et blanc somptueux, dans un quartier de la capitale rarement montré à l'écran : les Olympiades, grand ensemble du treizième arrondissement.
Sur un scénario dont l'écriture a été initiée par la cinéaste Céline Sciamma, très engagée sur les questions de féminisme et de représentation des femmes à l'écran, le film entrecroise les vies de plusieurs trentenaires en quête d'amour.
"Les Olympiades" se veut très actuel, abordant les questions de cyberharcèlement, de la frontière entre les "sex friends" et les relations plus profondes, ou les rapports entre les genres.
Un questionnement sur l'amour aujourd'hui que partagent plusieurs films cannois, et notamment "Julie (en 12 chapitres)", du norvégien Joachim Trier, très remarqué en compétition.
Dans "Les Olympiades" on croise Nora (Noémie Merlant), montée à Paris pour reprend ses études, Emilie (Lucie Zhang) une jeune femme d'origine chinoise comme beaucoup d'habitants du quartier, qui a fait Sciences-Po mais vit en coloc et fait de petits jobs, et Amber Sweet (Jehnny Beth), qui gagne sa vie en faisant la cam-girl, des spectacles érotiques via internet.
Et un seul garçon, Camille (Makita Samba), prof qui prépare l'agrégation, couche avec Emilie sans rien en attendre, et attend beaucoup de coucher avec Nora.
"Le film raconte un monde où (quand) les rencontres se font, c'est d'abord les corps qui parlent et ensuite on discute", a résumé sur les marches cannoises Noémie Merlant.
- Sans "déambulation nocturne" -
"Dheepan", qui avait valu à Jacques Audiard une Palme d'or en 2015 avait aussi pour décor des tours d'immeubles, mais la ressemblance avec "Les Olympiades", film léger et enlevé, électrisé par une bande-son électro composée par Rone, s'arrête là.
"J'avais envie de faire une comédie avec une forte présence féminine", a expliqué à l'AFP Jacques Audiard, qui a souvent filmé avec noirceur une masculinité très exacerbée, de "Un prophète", révélant Tahar Rahim en prisonnier, à "De battre mon coeur s'est arrêté" avec Romain Duris, ou encore "Les Frères Sisters", son précédent film, un western qu'il était parti tourner aux Etats-Unis.
Cette fois, les personnages sont "de jeunes adultes, qui ont fait pas mal d'études, qui sont d'ethnies différentes et sont comme vacants", pas encore parents ni dans des couples stables, explique Jacques Audiard, son éternel chapeau sur la tête.
Adaptation de récits graphiques du bédéiste américain Adrien Tomine, "Les Olympiades" est un "conte moral" selon Jacques Audiard, l'un des réalisateurs les plus primés du cinéma français, qui revendique l'influence d'Eric Rohmer, mais aussi de "Manhattan" de Woody Allen, transposés dans une jeunesse d'aujourd'hui métissée et libérée des carcans moraux.
Le film joue aussi sur un humour tendre, tiré du quotidien : l'érotisme du rouleau de cellophane dont on s'enroule pour perdre du ventre, l'embarras d'une colocation dans un petit appartement...
Le Covid, aussi, a pesé sur le tournage, forçant le réalisateur à faire davantage de plans d'intérieur, ou à avoir recours systématiquement à des figurants en arrière plan pour éviter de cadrer des passants masqués, un peu comme pour un "film d'époque".
Avec un "regret", pour un film empreint de romantisme : "ne pas avoir pu faire de scènes de déambulation nocturne des amants dans les rues" de Paris.